Les services de protection de l’enfance dans la tourmente (IO.fr-28/09/24)

Personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse assemblés devant le tribunal de Paris, le 19 septembre (photo AFP).

Olivier Dupuis, éducateur spécialisé dans la Protection judiciaire de l’enfance, nous dit en quoi la suppression des 500 postes contractuels est grave dans un contexte déjà dégradé dans l’accompagnement de la jeunesse.

Entretien réalisé par la rédaction d’IO.

Olivier, peux-tu nous rappeler quelle est l’origine de la PJJ ?

Olivier Dupuis : Pour les organisations syndicales, cette annonce met en péril l’ordonnance du 2 février 1945 dont les principes sont: l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs; la primauté de l’éducatif sur le répressif; la spécialisation des juridictions et des procédures pour les mineurs.

L’approche fondamentale est de considérer qu’un jeune qui commet des actes de délinquance est avant tout un enfant en danger.

Cette ordonnance a été prise par le gouvernement provisoire inspiré par les travaux du Conseil national de la résistance pour qui la question de la jeunesse délinquante est une priorité.

Les premières phrases du préambule disent: « Il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui ont trait à ceux de l’enfance traduite en justice. La guerre et les bouleversements d’ordre matériel et moral qu’elle a provoqués ont accru dans des proportions inquiétantes la délinquance juvénile.  »

En quoi depuis plusieurs années l’accompagnement par l’Etat s’est éloigné des principes de cette ordonnance de 1945?

 On observe depuis le début des années 2000 une dégradation des politiques publiques en faveur des jeunes en difficulté familiale, sociale et économique.

La juge des enfants, Muriel Eglin, écrit dans ses carnets que la volonté d’exclure les fauteurs de troubles semble prendre le pas sur celle d’intégrer les jeunes en difficulté à notre société.

La justice des mineurs a été accusée de laxisme alors que l’emprisonnement est une réponse fréquente à la commission de délits.

Elle dit entre autres : «  De nouvelles théories criminologiques importées des Etats-Unis ont dominé le débat sur la justice des mineurs. Selon une approche néolibérale, l’Etat devrait se désengager des activités sociales et de solidarité pour se recentrer sur le contrôle des risques et la garantie de la sécurité.  »

Concrètement comment cela se traduit-il aujourd’hui dans le pays?

Il y a eu un empilement de mesures conduisant à durcir le champ pénal des mineurs. En 2002, ont été créés des centres éducatifs fermés et des prisons pour mineurs.

Parallèlement, il y a un désengagement de l’Etat pour la pédopsychiatrie et dans les dispositifs de mission locale dont le but est d’orienter les jeunes dans leur projet professionnel.

Dans un contexte où le regard porté sur cette jeunesse délinquante est accompagné d’un discours toujours plus brutal. Par exemple, les déclarations de Manuel Valls en 2015: «  il ne peut y avoir aucune explication qui vaille car expliquer c’est déjà vouloir un peu excuser . »

C’est un discours très inquiétant car bien sûr essayer de comprendre est un fondement de l’action politique pour pouvoir mieux répondre aux besoins.

Pour y répondre, l’accompagnement éducatif doit permettre d’éviter l’engrenage d’un parcours carcéral.

Quelles mesures sont nécessaires pour répondre aux besoins?

Au lieu de supprimer 500 postes de contractuels dans la PJJ, il faut évidemment les pérenniser. Il faut aussi accroître le nombre des professionnels, dont les éducateurs en prévention spécialisée.

Il manque aussi des moyens dans le domaine de la pédopsychiatrie. Globalement, il faut reconstruire le tissu social pour remettre du lien avec la population par l’intermédiaire des associations de quartier.

Mais, il ne faut pas oublier que le travail de tous ces professionnels ne sera véritablement efficace que si le contexte économique permet à chacun de trouver un véritable emploi.

Force est de constater que la politique de Macron qui maintient près de 20 % de travailleurs dans le chômage et la précarité rend leur tâche extrêmement difficile.

Le 25 septembre, le nouveau collectif « Les 400 000 » réunissant des associations, fédérations et acteurs de la société civile engagés pour la protection de l’enfance, appelle à une mobilisation nationale au départ de l’esplanade des Invalides à Paris (lire ci-dessous notre reportage – Ndlr).

3 000 personnels et associatifs de la Protection de l’enfance ont défilé ce 25 septembre à Paris

Le collectif national organisateur souhaitait ainsi alerter sur la grave dégradation de la situation pour les associations du secteur non lucratif intervenant dans la prise en charge de mineurs en danger; un secteur qui avance le chiffre de 400 000  enfants et adolescents non suivis dans ce pays suite à la politique des gouvernements successifs. Comme le dira un syndiqué rencontré dans la manifestation :  « Pourtant la république qui doit prendre en charge la solidarité nationale à l’égard de l’enfance comme des personnes âgées, c’est quand même dans la Constitution non ? » Cette journée  qui avait pour but de franchir un premier barrage médiatique peut considérer cependant sa mission réussie par son nombre et sa combattivité. Au début de la manifestation, on remarquait  la présence et le soutien apprécié de plusieurs députés de La France insoumise. 

°°°

Source: https://infos-ouvrieres.fr/2024/09/28/les-services-de-protection-de-lenfance-dans-la-tourmente/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/les-services-de-protection-de-lenfance-dans-la-tourmente-io-fr-28-09-24/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *