
Pointant la persistance de leur dégradation financière, la haute juridiction, dans un rapport publié ce mercredi, préconise de sabrer dans les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Ce qui se traduirait par une saignée dans les effectifs, avec 5,5 % d’agents locaux en moins d’ici à 2023.
Par Hayet KECHIT.
Alors que la menace austéritaire sur le budget se confirme, ces chiffres seront des munitions servies sur un plateau pour Michel Barnier. Et un nouveau coup de massue sur la tête des collectivités territoriales. Après les déclarations de l’ex-ministre de l’Économie Bruno Le Maire, les accusant, début septembre, de « dégrader les comptes publics de 16 milliards d’euros » en raison de « l’augmentation extrêmement rapide » de leurs dépenses, les magistrats de la rue de Cambon apportent leur grain à moudre.
Ils affirment, dans un rapport rendu public ce 2 octobre consacré aux perspectives des finances locales en 2024, que les communes, départements et régions ne pourraient se soustraire au redressement des comptes publics et à la réalisation des objectifs fixés par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
Parce qu’ils seraient « financés majoritairement par des transferts financiers de l’État » (53,5 % de leurs recettes en 2023) et pèseraient « à hauteur de 9 % sur le PIB », argue la Cour des comptes.
Il y a trois mois, elle publiait un premier volet détaillant « une dégradation de leur situation » pendant l’exercice 2023 due à une forte hausse des dépenses de fonctionnement et à une chute des recettes, une tendance qui se serait confirmée pendant les huit premiers mois en 2024 (hausse des dépenses de 5,4 % à périmètre constant). Les magistrats estiment aujourd’hui nécessaire d’y mettre le holà en préconisant notamment la suppression de… 100 000 postes d’agents locaux, d’ici à 2030.
Saignée dans les effectifs
La haute juridiction, qui voudrait voir « le Parlement se saisir » de ses conclusions, met ainsi les pieds dans le plat, en accompagnant ce bilan financier d’un chapitre sur « les modalités de participation au redressement des finances publiques », à travers « une revue de dépenses ».
Une demande formulée par l’ex-premier ministre Gabriel Attal, en mars dernier, avant que la dissolution ne mette un coup d’arrêt à la publication de ce rapport. Autant dire que les propositions livrées ici risquent de faire l’effet d’une bombe par l’ampleur et la nature des coupes budgétaires mises sur la table.
Au-delà de cette saignée dans les effectifs (moins 5,5 % d’agents en six ans) en vue de revenir au niveau des années 2010, en misant sur une économie évaluée à 4,1 milliards d’euros par an, à partir de 2030, la Cour des comptes préconise également « une mutualisation des achats ». Elle invite en outre à lutter contre « l’absentéisme » supposé des agents. Estimant qu’une part d’entre eux bénéficieraient encore de mesures dérogatoires aux 35 heures hebdomadaires, elle voit dans la fin de ce dispositif une économie de « 1,3 milliard par an ».
Ce traitement de cheval se justifierait par « une trajectoire financière qui dérape de plus en plus par rapport à celle de la loi de programmation » et rendrait « hypothétique » la réalisation de l’important excédent attendu pour 2027. En cause : l’effet combiné de la progression des dépenses de fonctionnement et d’investissement avec une moindre progression des recettes de TVA que prévu et la chute des recettes des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), des taxes perçues lors de la transmission d’un bien immobilier.
Besoin de financement de 5,5 milliards d’euros
En juillet dernier, les magistrats financiers avaient ainsi pointé « une baisse globale de l’épargne » évaluée à 3,9 milliards d’euros et un « besoin de financement » de 5,5 milliards d’euros. Ils notaient toutefois de fortes disparités entre les communes qui tirent leur épingle du jeu grâce à des « recettes foncières dynamiques » et au maintien d’un niveau élevé d’épargne, les régions encore en repli et les départements violemment touchés par cette dégradation de leurs finances.
Ces arguments seront-ils de nature à convaincre les élus locaux ? Il est permis d’en douter, vu la levée de boucliers suscitée par les propos de Bruno Le Maire, jugés « fallacieux » par André Laignel, le président du Comité des finances locales. L’Association des maires de France (AMF) avait pour sa part rappelé « les turpitudes » d’un gouvernement responsable de la situation « désastreuse des comptes de l’État ».
À mettre au regard de la dette des collectivités, « stable depuis trente ans, voire en légère diminution, passant de 9 % du PIB en 1995 à 8,9 % en 2023 ». Denis Öztorun, le maire de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), fait le même constat, estimant que ce rapport ne manquera pas d’être utilisé comme argument « pour en finir avec la libre administration des collectivités et reconcentrer le pouvoir aux mains de l’État ».
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