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Macronie, députés LR et extrême droite, qui se sont entendus pour amener Michel Barnier à Matignon, se divisent de plus en plus sur le budget 2025, dont l’examen démarre cette semaine en commission à l’Assemblée.
Par Aurélien SOUCHEYRE.
Les œufs sous les chaussures de Michel Barnier craquellent déjà et il aura bientôt du jaune plein les pieds : le projet de loi de finances pour 2025, présenté en Conseil des ministres jeudi dernier et débattu cette semaine en commission à l’Assemblée nationale, ne satisfait personne. Pire : il divise même la coalition de fait entre la Macronie, les LR et le RN, qui se sont entendus pour ne pas censurer le gouvernement.
Mais d’où viennent les désaccords ? L’équation visant à résorber le déficit autour des 5 % de PIB alors que la dette du pays s’approche des 3 300 milliards d’euros semble impossible à résoudre en conservant le logiciel macroniste. Alors, devant l’impasse et une succession d’idées soit mauvaises, soit trop timides, les nouveaux partenaires du néolibéralisme se tirent dans les pattes.
Les macronistes frileux sur la fiscalité
Si Michel Barnier veut aller chercher 9,5 milliards sur le dos des collectivités locales, supprimer des milliers de postes de fonctionnaires et geler les pensions de retraite pendant six mois (soit une perte de 1 500 euros en moyenne par retraité, selon le député PS Jérôme Guedj), c’est surtout sa volonté d’augmenter la fiscalité qui désole une partie de la Macronie.
L’ancien premier ministre Gabriel Attal, désormais président du groupe parlementaire Ensemble pour la République (EPR), a ainsi fait part de sa « crainte » devant le danger d’aller chercher « trop d’impôts », avec « le risque de déstabiliser la classe moyenne ». Pourtant, seuls les 300 entreprises réalisant un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros par an et le 0,3 % des ménages les plus riches (soit les foyers dont les revenus annuels dépassent les 500 000 euros) seront concernés par cette hausse.
Ce n’est donc pas la classe moyenne qui fournira cet effort, alors qu’elle paiera le prix des retraites gelées, des remboursements médicaux réduits et des services publics asphyxiés, puisque 5 milliards d’euros d’économies sont par exemple prévus rien que pour l’hôpital public.
Autant de sujets sur lesquels les troupes présidentielles se font peu entendre. L’ancien ministre Gérald Darmanin est d’ailleurs lui aussi monté au créneau pour protéger les plus riches, avec cet argument : « Faire payer un impôt supplémentaire aux 65 000 foyers les plus aisés, c’est recréer un impôt sur la fortune, au risque de (les) voir quitter la France. »
Cette opposition pourrait avoir quelque chose de factice, visant à faire oublier que ce sont bien les plus modestes qui paieront davantage le prix de l’austérité, si elle ne constituait pas une remise en cause d’un dogme macronien : celui du ruissellement et des cadeaux permanents aux plus riches prétendument pour le bien de tous.
LR et RN tanguent
Or les baisses d’impôts des sept dernières années représentent une perte de recettes de 62 milliards d’euros par an, selon la Cour des comptes, soit une facture de 434 milliards d’euros… Un bilan devant lequel Gabriel Attal et Gérald Darmanin, tous les deux anciens ministres du Budget d’Emmanuel Macron, semblent hagards. François Bayrou, président du Modem, en a profité pour les rappeler à l’ordre : « Il serait singulier que l’ex-majorité critique le nouveau gouvernement sur l’effort à accomplir pour corriger un bilan qui est en réalité le sien. »
Mais il n’y a pas que de ce côté que les libéraux tanguent. Le RN sait qu’il tient le gouvernement en laisse et peut le faire tomber à tout moment. Et Laurent Wauquiez, chef de file des députés LR, a lâché en rase campagne le macroniste Stéphane Travert, ses troupes préférant s’abstenir lors du vote pour la présidence de la commission des Affaires économiques, emportée par l’insoumise Aurélie Trouvé. Un signal fort envoyé à l’exécutif, auquel Michel Barnier a, selon le Monde, répondu en se disant « préoccupé » par « ce manque de solidarité ».
Preuve supplémentaire des difficultés, le premier ministre a refusé de se lancer dans un budget rectificatif pour 2024. Incompréhension du député EPR Charles Sitzenstuhl, pour qui cela revient à « renoncer à des recettes supplémentaires d’au moins 3 milliards d’euros ». « Rouvrir un deuxième débat fiscal pour la seule année 2024 de façon quasi rétroactive ne me paraîtrait pas de bonne gestion », lui a répondu le ministre du Budget, Laurent Saint-Martin, sans doute peu désireux de se pencher sur le marasme dans lequel le budget en cours s’est embourbé, ses prévisions ayant volé en éclats.
« Comment peut-on vous faire confiance ? » s’est d’ailleurs interrogé le député GDR Emmanuel Maurel, et ce, alors que le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a jugé « fragile » et « non documenté » le projet de budget pour 2025. La bataille parlementaire s’annonce donc âpre, et le dépôt de nombreux amendements était attendu dans la nuit de dimanche à ce lundi.
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