La chambre régionale des comptes invite Diwan à une remise à plat. (LT.fr – 13/10/24)

Si ses performances pédagogiques « apparaissent dans l’ensemble satisfaisantes », La Chambre régionale des comptes a diagnostiqué plusieurs faiblesses au sein du réseau Diwan.
Si ses performances pédagogiques « apparaissent dans l’ensemble satisfaisantes », La Chambre régionale des comptes a diagnostiqué plusieurs faiblesses au sein du réseau Diwan. (Lionel Le Saux/Le Télégramme)

Par Thierry Charpentier

Le 29 septembre 2023, la chambre régionale des comptes notifiait, au président de Diwan, ses observations sur la gestion de son association. La juridiction financière met en évidence des pratiques qui esquissent un fonctionnement confus du réseau d’enseignement immersif du breton.

1 – Un vaste réseau juridiquement fragile

Le réseau, qui conserve un fort ancrage dans le Finistère, compte 47 écoles primaires, six collèges et deux lycées sur une cinquantaine de sites répartis dans la Bretagne historique. « Les écoles sont souvent de petites unités, avec en moyenne quatre classes, dont un grand nombre est multiniveaux, par site ». Chaque école est gérée par une association d’enseignement populaire (AEP), doublée d’un comité de soutien (« Skoazell »). « Ses performances pédagogiques apparaissent, dans l’ensemble, satisfaisantes », relève la Chambre régionale des comptes (CRC).

La formation des enseignants est assurée par l’association quimpéroise Kelenn. « Cinq élus et autant d’agents de Diwan représentent l’essentiel des 12 membres du conseil d’administration de Kelenn. Diwan contrôle ainsi la structure chargée de la formation des enseignants ».

Roc’h Diwan, fonds de dotation créé en 2010, a vocation à financer le développement du réseau et se consacre à la gestion patrimoniale des biens.

« Diwan coordonne ainsi une centaine d’associations. Elle emploie plus de 140 salariés équivalant à un effectif de plus de 120 ETP (équivalents temps plein). Ses produits d’exploitation dépassaient cinq millions d’euros en 2022 ».

Toutes les écoles sont sous contrat d’association avec l’État. Elles sont gratuites et laïques. Diwan sollicite la prise en charge de ses écoles dans un service public d’enseignement, « sans souhaiter toutefois son intégration dans l’Éducation nationale », remarque la CRC. Quant à l’offre pédagogique, elle repose sur l’enseignement immersif. Suite à la censure, en avril 2021, de la loi Molac par le Conseil constitutionnel (saisi par 61 députés LREM, MoDem et Agir), la CRC note « l’insécurité juridique inhérente à l’usage de cette méthode pédagogique expérimentale ».

2 – « Des règles associatives imprécises et incohérentes »

« Une remise à plat rapide des statuts et du règlement intérieur s’impose », débute la CRC. « Les Associations d’éducation populaire (AEP) se sont engagées à soutenir tout membre du réseau en difficulté financière, participer au financement de Diwan et à transmettre leurs éléments comptables annuels qui doivent être cohérents avec ceux de l’association. Ces deux derniers engagements ne sont toujours pas respectés ». Et de constater : « Début mai 2023, Diwan disposait des deux tiers des comptes annuels des 43 AEP d’écoles primaires. » Certains AEP omettent même parfois de transmettre ces comptes financiers. Les comptes des établissements doivent aussi être transmis à la direction départementale des finances publiques. « Devant l’importance du nombre de comptes non transmis, le directeur régional des finances publiques et le recteur de Bretagne ont adressé, à tous les établissements sous contrat, dont ceux de Diwan, un courriel rappelant leurs obligations dans ce domaine.

3 – Un nombre de membres inconnu

La connaissance de l’effectif total des membres (d’une association, NDLR) est essentielle, rappelle la Chambre régionale des comptes. Diwan est lié à une centaine d’associations, « dont tous les membres sont de potentiels adhérents de Diwan. Il en est de même des parents d’élèves. Un document de l’association évoque 4 630 membres. « Pourtant, aucune liste de membres n’a pu être produite à la chambre. L’effectif n’est pas exactement connu. Il en résulte que la représentation en assemblée générale n’est pas respectueuse des statuts. Cette situation affecte potentiellement d’irrégularité toutes les décisions prises par cette instance depuis des années. Par ailleurs, les personnes rassemblées en assemblée générale ne visent pas systématiquement les feuilles d’émargement attestant leur présence. Ce défaut de rigueur dans le décompte des présences amplifie l’insécurité juridique des décisions de l’assemblée générale. »

4 – Le rôle « imprécis » du conseil d’administration

Quant au conseil d’administration, « parfois irrégulièrement constitué », son rôle est « imprécis », estime la CRC. Il vote, par exemple, le budget, « bien que cela ne soit pas prévu dans ses statuts ». Il compte de 15 à 27 membres. « En dépit de la mise en place de la visioconférence, l’assiduité aux réunions du CA est, au sortir du covid, demeurée limitée. Seize administrateurs, soit moins des trois quarts des 26 membres, y ont en moyenne assisté en 2022. La chambre rappelle que « toutes les décisions prises par des administrateurs réunis en nombre insuffisant sont entachées d’irrégularité ».

5 – « Un défaut de vision à long terme »

Une convention État – Région, signée en mars 2022, « pour la transmission des langues de Bretagne », fixe comme principal objectif d’atteindre 30 000 élèves scolarisés en filière bilingue à l’horizon 2027. « L’association Diwan est pleinement concernée », note la CRC. Certes, l’équipe dirigeante a proposé une série d’actions, regroupées en motions. Les motions ainsi adoptées entre 2017 et 2023 comportaient une soixantaine d’actions. « Aucun suivi de ces motions n’a été formalisé, ni présenté aux instances, avant le dernier congrès d’avril 2023 ». La CRC regrette, par ailleurs, « l’imprécision de ces actions, le mélange d’objectifs stratégiques ou opérationnels, l’absence de priorités et d’échéances, le défaut, sauf exceptions, d’indicateurs financiers à l’échelle du réseau. En dépit d’un contexte institutionnel propice, cette absence de vision à long terme prive Diwan d’outils de pilotage indispensables à la coordination des nombreux acteurs et au dialogue avec les principaux financeurs ». LA CRC recommande à Diwan de se doter d’un projet associatif susceptible de combler cette lacune.

LA CRC relève encore que les projets d’extension des écoles Diwan sont fragilisés par un dispositif dérogatoire dépourvu de fondement juridique. En l’espèce, certaines écoles ont installé des « annexes » dans d’autres communes. Ces annexes sont dotées d’une AEP propre.

6 – L’essoufflement du bénévolat.

Les manifestations organisées par les AEP génèrent des ressources indispensables (en moyenne 150 000 euros par an). « La baisse de l’engagement bénévole pèse sur la situation financière des associations locales, et par répercussion, de Diwan », constate la CRC.

Les AEP sont composées essentiellement de parents d’élèves. La mission d’animation de son réseau est « insuffisamment assurée » par Diwan. « Si des conseils sont occasionnellement dispensés, les services rendus au réseau sont, pour le moment, peu développés. »

7 – Une communication « anxiogène »

Quant au plan de communication, il n’est pas arrêté. « Les retombées dans la presse écrite sont révélatrices d’une communication plutôt défensive du réseau Diwan, construite sur des éléments de langage anxiogènes au recrutement. L’association figure le plus souvent à la Une lorsque ses méthodes, ses finances, ses écoles ou son devenir sont menacés. Plus rares sont les articles présentant les succès du réseau, la forte implication des parents, son enseignement innovant, etc. La CRC invite Diwan à développer « un plan de communication axé sur la valorisation de ses atouts ».

Les comptes annuels de l’association sont certifiés et « n’appellent pas d’observations ». Mais Diwan ne publie pas ses comptes annuels. Elle y est pourtant tenue. « Un minimum de formalisme et de transparence s’impose pour les associations bénéficiant de dons et/ou de subventions publiques supérieures ou égales à 153 000 euros ». La CRC incite Diwan « à solliciter davantage les dons et le mécénat, « en particulier dans les milieux entrepreneuriaux. Seule une mobilisation des acteurs économiques et de personnalités attachées à la culture bretonne apparaît de nature à permettre la levée de capitaux significatifs ».

Source : https://www.letelegramme.fr/bretagne/la-chambre-regionale-des-comptes-invite-diwan-a-une-remise-a-plat-6681447.php

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