
L’actuel porte-parole du Rassemblement National a répondu mardi 22 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris des accusations de recel de détournement de fonds publics dont il fait l’objet pour son contrat d’assistant parlementaire avec l’eurodéputée, Mylène Troszczynski.
Par Emma MEULENYSER.
Julien Odoul et Mylène Troszczynski sont restés bien calmes devant les indices qui les accablent. L’ancienne élue et son assistant parlementaire ont été auditionnés mardi 22 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris, dans le cadre de l’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement national.
Officiellement embauché en 2014 comme assistant parlementaire de l’eurodéputé Mylène Troszczynski, Julien Odoul aurait en réalité travaillé au cabinet de Marine Le Pen en tant que conseiller spécial. C’est, du moins, ce qui figure dans l’organigramme du Front national de 2015 et ce que laisse entendre de nombreux éléments relevés pendant l’enquête. Ils sont accusés de détournements de fonds publics pour l’une et de recel de détournement de ces mêmes fonds pour l’autre, pour un contrat datant du 1er octobre 2014 au 31 juillet 2015 et représentant un montant de 56 000 euros.
Depuis le début du procès, Julien Odoul, aujourd’hui porte-parole du parti lepéniste, a montré une présence assidue. Il s’est rendu à la plupart des séances, sagement assis à la même place. Ce mardi 22 octobre, il a quitté les bancs pour un strapontin. Il a aussi troqué la cravate bordeaux de la veille pour accorder celle d’aujourd’hui à son costume bleu marine, en attendant son tour à la barre – ou plutôt à la casserole au vu de l’étendue des dégâts.
Jouer sur les mots
L’accusation a pu s’appuyer sur des indices plus qu’explicites, notamment un mail daté du 10 février 2015. Envoyé par Julien Odoul, il demande à la cheffe du parti s’il peut se rendre à Strasbourg pour voir comment se « déroule une session au PE (Parlement européen, N.D.L.R.) » et « faire la connaissance de Mylène Troszczynski à qui je suis rattaché ? ». Cela alors même que son contrat avec elle avait commencé quatre mois plus tôt.
Julien Odoul n’a pas d’autres choix que de jouer sur les mots, d’une manière presque surréaliste. « Pourquoi avez-vous demandé à Marine Le Pen la permission d’aller au Parlement européen », demande la présidente, Bénédicte de Perthuis. « J’en ai informé au préalable Mylène Troszczynski puis la cheffe du parti », se justifie-t-il, mollement.
Avant que son propos soit rectifié par la présidente : « Vous ne l’informez pas vous lui demandez la permission ». S’ensuit un échange du tac au tac :
-« La présidente du mouvement, c’est la cheffe de la délégation du parti au Parlement européen », répond Odoul.
–« Mais ce n’est pas votre employeur ! Donc vous avez toujours considéré que vous étiez sous la tutelle politique de Marine Le Pen ? »
–« N’étant pas régulièrement au parlement européen, je lui demande en tant que présidente du parti.»
Et ainsi de suite, jusqu’à ce que la présidente lâche l’affaire, lasse.
Elle aussi sort fumer beaucoup de cigarettes
Quant à Mylène Troszczynski, elle est invitée à détailler son parcours : son arrivée à Bruxelles, puis à Strasbourg, l’ampleur du mandat qui l’attendait avec son seul bac en poche. Sa mémoire est vive, mais elle la perd lorsque la présidente la questionne sur la fameuse réunion du 4 juin 2014.
Marine Le Pen aurait, à cette occasion, demandé aux députés européens de ne choisir qu’un seul assistant parlementaire pour mettre à la disposition du parti le reste de leur enveloppe budgétaire. Elle était bel et bien présente, mais ne se souvient pas avoir entendu cette partie-là.
Prétexte tout trouvé : c’est parce qu’il lui arrivait de sortir pour effectuer des tâches administratives ou pour fumer une cigarette… Patrick Maisonneuve, l’avocat de la partie civile, lui fait remarquer, avec humour, qu’elle a sûrement dû croiser Marie-Christine Arnautu, qui a utilisé le même argument la veille à la barre.
La signature du contrat s’est faite à distance
Lorsque le travail comme assistant parlementaire de Julien Odoul arrive au cœur des questions, Mylène Troszczynski semble se souvenir à nouveau, mais elle reste très floue. « Sur quelles bases avez-vous recruté un assistant parlementaire sans jamais le rencontrer ? », demande la présidente. « On me présente son CV », répond maladroitement l’ancienne députée, en citant Charles Van Houtte.
« Vous n’avez jamais discuté avec Monsieur Odoul de la nature des missions que vous lui confierez ? », enchaîne la présidente. « Je ne savais pas en septembre 2014 ce qu’il devait faire, comment il allait faire… ». Elle avoue également qu’il n’y a pas eu d’entretien d’embauche, la signature du contrat s’est faite à distance… Mylène Troszczynski raconte tout de même qu’elle a voulu recruter Julien Odoul comme assistant parlementaire local (APL), donc non basé à Bruxelles, pour qu’il fasse le lien entre le Parlement européen et sa circonscription, la Picardie. Lui, assure à la barre qu’il a effectué son entretien d’embauche avec Mylène Troszczynski par téléphone.
Lorsque la présidente lui signale qu’il n’y a aucune preuve de son travail pour l’Hémicycle européen, l’ancienne députée garde un moment le silence. Elle finit par articuler : « J’ai essayé de mener un travail d’équipe, donc mes collaborateurs travaillaient ensemble. Parfois je disais à Grégoire (son assistant parlementaire présent au Parlement européen, N.D.L.R.), il faudrait faire ça et lui s’organisait avec Julien. Une fois que c’était fait je ne me posais pas la question de comment il l’avait fait ».
Rien, malgré les multiples questions de la défense pour sauver les meubles. Pas de réponses non plus aux demandes répétées de la présidente d’apporter d’éventuelles preuves du travail de Julien Odoul pour le Parlement européen. Pas d’échanges de mail entre les deux prétendus collègues, ni avec les autres assistants avec qui il faisait supposément équipe.
Julien Odoul argue n’avoir partagé son travail qu’à travers des boucles WhatsApp et Telegram, même pour des envois de documents en pièce jointe. « Mais la question, c’est où sont ces preuves ? » demande, l’air presque excédé, la présidente. « Ça ne m’a jamais été demandé », répond Julien Odoul dans le plus grand des calmes. Son avocat a du pain sur la planche…
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