
Avec une « feuille de route » établie par le FMI, le patronat et le gouvernement, des « négociations » entre « partenaires sociaux » ont commencé pour un accord sur l’assurance chômage et l’emploi des seniors, le 21 octobre.
Par Pascal SAMOUTH.
Lors de sa déclaration de politique générale, le 1er octobre dernier, Michel Barnier a annoncé avoir « écoute, confiance et respect dans les partenaires sociaux », et il a égrené les sujets sur lesquels il attendait « un renouveau du dialogue social » : l’assurance chômage et l’emploi des seniors.
S’agit-il d’une rupture avec « le déni et le passage en force présidentiel », voire du « résultat de la mobilisation exemplaire de toutes et tous », comme on a pu le lire dans un communiqué intersyndical de toutes les confédérations ?
Ces négociations marathon (elles doivent se conclure dans quelques semaines) se situent dans le moment où le gouvernement présente un budget qui fait les poches à la population, aux retraités, à la sécurité sociale, aux droits des fonctionnaires, à toute la Fonction publique.
Le FMI exige des « sacrifices »
Comme il l’a fait en Grèce, c’est le FMI, par la voix de son chef économiste qui estime qu’un « effort significatif » de consolidation budgétaire est nécessaire en France « dès l’année prochaine », rajoutant « il y aura certainement un ralentissement de l’économie qui sera lié à la consolidation », jugeant toutefois ce « sacrifice » nécessaire.
« Sacrifice nécessaire » ? Déjà, plusieurs centaines de plans de licenciements sont annoncées et, selon la banque de France, le chiffre des défaillances d’entreprises est en hausse constante.
Commentant cette situation, le président du Medef, Patrick Martin, qui estime « qu’on est déjà en récession », soutient qu’il ne faut rien faire « qui freine la dynamique des entreprises » (BFMTV, le 22 octobre). Ce même représentant du patronat se montre pourtant optimiste sur les discussions sur l’assurance chômage et l’emploi des seniors. Pour quelles raisons ?
L’État fait les poches de l’assurance chômage
Pour ce qui concerne l’assurance chômage, reprenant la méthode de Macron, le gouvernement a fait connaître aux négociateurs le cadrage : réaliser 440 millions d’économies. Dans le contexte actuel de plans de licenciements, c’est une provocation d’autant plus que déjà l’État fait les poches à l’assurance chômage en ne compensant pas intégralement les exonérations de cotisations. Selon les comptes de l’Unédic, si l’excédent attendu en 2024 est de 300 millions, le solde « aurait été de 3,1 milliards sans ces prélèvements ».
Voici donc la signification de l’écoute, de la confiance et du respect de Barnier envers les « partenaires sociaux » : être des auxiliaires du pillage du régime d’assurance chômage en s’en prenant aux droits des salariés et des privés d’emplois. En plus polie, quelle différence avec la méthode Macron ?
Quant à la discussion sur l’emploi des seniors, elle est totalement liée à celle sur l’assurance chômage. On se souvient que Gabriel Attal avait refusé l’an dernier d’agréer la convention signée entre organisations d’employeurs et de salariés au prétexte que celle-ci renvoyait à une négociation sur l’emploi des seniors qui n’a pas abouti. Le sujet revient donc sur le tapis, à point nommé.
Les salariés ne veulent pas renoncer à leurs revendications
En effet, la déroute politique du camp macroniste dans les urnes en juillet dernier a été l’expression de l’exigence d’abroger la contre-réforme des retraites qui a mobilisé contre elle des millions, avec les organisations syndicales. Et dans ce contexte de crise politique, cette revendication demeure, même si ni le gouvernement, ni les patrons n’en veulent.
Le président du Medef répète dans l’interview citée plus haut qu’il ne faut pas d’abrogation, sous peine de « partir carrément en vrille ». Voilà ce qui pour lui freinerait la « dynamique des entreprises ».
Et le très libéral journal en ligne La Tribune (23 octobre) rajoute : « Syndicats et patronats savent qu’ils doivent avancer, sans sourciller, sur l’emploi des seniors, l’organisation des fins de carrière ou encore le cumul emploi-retraite… (…) De fait, c’est aussi une façon, sans le dire, d’aménager la réforme des retraites très décriée d’Emmanuel Macron. »
Telle est donc la limite indépassable fixée par la négociation sur l’emploi des seniors…
Barnier ou Macron ne voient rien d’autre dans les syndicats que des auxiliaires, sous couvert de pseudo-négociations, pour accompagner leurs politiques régressives.
Mais les revendications sont là sur l’abrogation de la réforme des retraites comme sur toutes les autres questions, et les salariés ne veulent pas y renoncer. Comme chez Saunier-Duval, dans les hôpitaux… ils voient que c’est par leur propre action unie, par la grève, qu’ils peuvent les obtenir. N’est-ce pas le rôle des organisations syndicales de les y aider ?
DERNIERE MINUTE : UN PROJET D’ACCORD SUR L’EMPLOI DES SENIORS REDIGE PAR LE PATRONAT Selon le journal Les Échos du 29 octobre, les trois organisations patronales ont remis un premier projet d’accord aux syndicats sur l’emploi des seniors.Le CDI senior, qui avait été une cause de rupture de la précédente négociation, figurerait toujours dans l’accord, même si, selon Les Échos, il est « rebaptisé d’un nom plus politiquement correct, le contrat de valorisation de l’expérience ». Rappelons qu’il s’agit d’un CDI très particulier puisqu’il prend fin de plein droit sur décision du patron lors de l’âge du « taux plein » du salarié : un « licenciement senior » qui ne coûte rien à l’employeur ! Et puisque l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, celui-ci bénéficierait en outre d’une exonération de cotisations d’assurance chômage s’il recourt à ce type de contrat…Sur la retraite progressive, le patronat présente quelques assouplissements des règles actuelles. Rappelons que ce dispositif permet, deux ans avant l’âge d’ouverture du droit à la retraite, de travailler à temps partiel, le salaire étant complété par un versement partiel de la pension de retraite, ce qui occasionne une perte de revenu tout en continuant à travailler.Le patronat proposerait que ce droit soit ouvert « quatre ans avant l’âge de départ » c’est-à-dire à compter de 60 ans. L’employeur garderait la possibilité de refuser la demande de ce droit s’il la juge « incompatible avec l’activité de l’entreprise ».Cette mesure aurait « la bénédiction du gouvernement Barnier », et pour cause : avant la réforme Macron un salarié pouvait partir de plein droit à la retraite à 62 ans, et avant la réforme Sarkozy aggravée par Hollande, le droit était même ouvert à partir de 60 ans. Cette « retraite progressive » sous condition serait une manière de faire avaliser l’abandon des revendications d’abrogation de ces contre-réformes. Nous y reviendrons… |
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