Ouvrier écrasé sous une dalle de béton à Brest : 150 000 € d’amende requis contre le patron de l’entreprise (LT.fr-31/10/24)

Étayé trop rapidement, le plancher du chantier de construction de la maison médicale de l’Hermitage à Brest, s’est effondré sur un ouvrier de la société Soares de Plabennec en faisant quatre blessés supplémentaires, le 15 avril 2022. (Le Télégramme/Arnaud Morvan)

Qui est responsable de la mort d‘un ouvrier roumain de 54 ans, sur un chantier brestois, en avril 2022 ? Le chef de chantier et le patron se sont tristement renvoyé la balle, ce jeudi, devant le tribunal correctionnel de Brest.

Par Stéphane JEZEQUEL.

Le 15 avril 2022, un dramatique accident du travail a coûté la vie à un homme et fait quatre blessés, sur le chantier du pôle médical de l’Hermitage. Une dalle en cours de bétonnage s‘est effondrée sur un ouvrier roumain âgé de 54 ans, mort sur le coup. La chute d’une partie de l’étage a blessé quatre autres ouvriers de l’entreprise Soares, basée à Plabennec (30 salariés). Le tribunal de Brest a examiné, pendant plus de six heures, ce jeudi 31 octobre 2024, les causes de cet accident malheureusement joué d’avance.

Pas dans les règles de l’art

Selon l’expert mandaté par la justice, la dalle en cours de remplissage de béton n’était pas suffisamment étayée. Il y avait bien le nombre d’étais préconisés mais ils ne présentaient pas la résistance suffisante. Lorsque plus de quatre tonnes de béton ont été coulées sur la pré-dalle, une partie de celle-ci s’est effondrée. Écrasant l’ouvrier qui était occupé à colmater les coulures de béton, sur instructions de son chef de chantier. Que faisait cet ouvrier sous la dalle qui se remplissait de béton ? Quand l’étage s’est effondré, deux ouvriers se trouvaient en dessous. L’un s’est écarté du bon côté, pas l’autre. Les autres, œuvrant sur la dalle, sont retombés un étage plus bas.

Le tribunal a évoqué le timing serré et la pression mise sur les ouvriers. « Tout a été posé le matin avant l’opération de bétonnage » soulignait l’expert. Soit douze plaques posées dans la matinée, un record !

Plusieurs ouvriers roumains employés sur le chantier ont confirmé que la pression était forte pour maintenir les délais de ce chantier à deux millions d’euros, déjà interrompu une dizaine de jours plus tôt par l’inspection du travail, pour mise en danger des ouvriers. Ces derniers avaient cessé de travailler, le 18 mars, en alertant leur société d‘intérim sur les conditions de sécurité. Le chef de chantier avait été changé. Le jour de l’accident, certains avaient exprimé leurs doutes sur la solidité de ce premier étage.

« Jamais eu de formation de chef de chantier »

Interrogé par le tribunal, le chef de chantier portugais a confirmé certaines difficultés à communiquer avec les ouvriers intérimaires roumains et même avec certains Français de la société.

En plus de ce problème de communication, il a avoué « ne jamais avoir eu de formation de chef de chantier ». « C’est la première fois que je travaillais avec des dalles aussi importantes. »

Avant de couler le béton, il envoie une photo au conducteur de travaux, qui lui dit « OK » . Le camion à béton était prévu dans l’après-midi. Il fallait couler… « Les ouvriers roumains devaient rentrer, le vendredi soir, dans leur pays », confirme-t-il.

« Il n’y a jamais eu de pression », selon le patron

« Il n’y a jamais eu de pression de planning. Il n’y avait aucune urgence à couler ce plancher dans la journée », assure le patron de l’entreprise, à la barre. « Aviez-vous l’habitude d’effectuer ce genre de chantier ? », l’interroge le président. « Oui, et des plus importants comme le gros hôtel de la Marina du Château, à Brest », répond-il, devant ses trois avocats et son expert.

« Il existait un mode opératoire pour effectuer ce genre de chantier », assure le patron en rejetant la responsabilité totale sur son chef de chantier. « Généralement, on ne reste pas en dessous lorsqu‘on coule du béton sur une dalle », se dédouane-t-il. « Pourquoi s’obstiner à couler ce béton, ce jour-là ? », s’offusque-t-il face au président.

La représentante du ministère public a évoqué « un drame inéluctable ». « Cette dalle ne pouvait que s‘effondrer, au vu des différents défauts de construction. » Le parquet a requis, contre le patron, un an de prison avec sursis, 150 000 euros d’amende, dont 50 000 avec sursis et 3 000 euros pour chaque ouvrier concerné. Et trois mois avec sursis et 500 euros d’amende contre le chef de chantier. L’affaire a été mise en délibéré.

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Source: https://www.letelegramme.fr/finistere/ouvrier-ecrase-sous-une-dalle-de-beton-a-brest-150-000-euros-damende-requis-contre-le-patron-de-lentreprise-669361

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