
Les députés d’extrême droite se sont attachés, depuis un mois, à s’opposer aux propositions de la gauche en faveur d’unne meilleure redistribution des richesses. Une clarification de leur nouvelle ligne pro-business.
Florent Le DU.
Le Rassemblement national (RN) l’assure : « Si jamais le budget que nous avons à voter ne nous convient pas, nous dirons au revoir à M. Barnier. » Cette déclaration du député Laurent Jacobelli est à conserver précieusement. Si le gouvernement venait à survivre aux examens du projet de loi de finances (PLF) et du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), c’est donc que le parti lepéniste s’inscrirait officiellement dans ses pas austéritaires et libéraux. Et ce, en contradiction totale avec son discours de façade sur le pouvoir d’achat des plus humbles et le renforcement des services publics.
Mais il s’agit ici plutôt d’une clarification que d’une révolution. Si l’extrême droite continue de louvoyer en fonction de sa stratégie électoraliste « attrape-tout », chaque jour qui passe dévoile un peu plus son ADN profondément pro-patronat et pro-riches. Avant même l’examen des textes gouvernementaux, Jean-Philippe Tanguy, le chef de file des députés RN sur les questions économiques, a présenté un « contre-budget » d’inspiration macroniste.
Alliés avec la macronie
Soit 130 propositions, déclinées en amendements, qui s’inscrivent dans la logique du texte porté par Michel Barnier : baisses accentuées des subventions aux collectivités locales, des aides au développement et des impôts de production, suppression de 2 000 postes d’enseignants, suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), baisse des « charges patronales » (sic). Le tout sans aucune remise en cause des coupes dans les dépenses publiques.
Lors des débats, le RN s’est ensuite le plus souvent allié avec la Macronie et LR afin de s’opposer à une meilleure redistribution des richesses, en particulier contre la réintroduction de l’impôt sur les grandes fortunes (ISF), et contre la création de la taxe Zucman imposant à hauteur de 2 % les patrimoines supérieurs à un milliard d’euros.
Taxe toutefois adoptée en séance grâce à l’absence de nombreux macronistes, ce qui a valu un coup de gueule du député RN Matthias Renault, déplorant que son groupe se retrouve bien seul pour protéger les riches face à la gauche.
Les élus d’extrême droite se sont aussi opposés à une hausse des cotisations vieillesse sur les revenus de plus de 4995 euros après impôts. Problème : cette proposition était inclue dans un amendement prévoyant le retour à la retraite à 62 ans, ainsi financé. Pour les lepénistes, mieux vaut donc protéger le moindre euro pour une minorité de bien lotis que de permettre à tous de ne pas travailler deux ans de plus. Quant aux parents isolés, les parlementaires RN se sont abstenus ou ont voté contre un amendement pour « défiscaliser la pension alimentaire au bénéfice du parent qui la reçoit », soit les mères, dans 80 % des cas.
Certains de ces votes ne se sont pas faits sans hésitation. Sans ligne claire dessinée par Marine Le Pen, sa bande a souvent semblé perdue. Comme lors des débats sur la Flat tax. Ce prélèvement forfaitaire unique, pensé pour plafonner l’imposition des revenus du capital est actuellement fixé à 30 %, mais un amendement du Modem proposait de l’augmenter de 3 points. Une moindre concession sur ce plafond injuste. Dans le doute, en commission, les députés RN se sont abstenus.
Le Medef dans la poche
Mais deux jours plus tard, Jordan Bardella s’est fendu d’une tribune dans le Figaro. Un appel à « déverrouiller les freins à la croissance » ouvertement inspiré des travaux de l’Ifrap – fondation néolibérale dirigée par Agnès Verdier-Moligné qui mène la guerre contre les dépenses publiques et l’imposition des entreprises. Le président du RN se positionne alors contre toute hausse de taxe ou d’impôts sur les plus riches et les entreprises. La ligne est tracée : en séance, les parlementaires d’extrême droite votent contre l’amendement Modem.
Ces suffrages correspondent à l’évolution du projet économique du RN ces derniers mois. Déjà contre la hausse des salaires ou le blocage des prix et des loyers, le parti a aussi abandonné la baisse de la TVA sur les produits de première nécessité, une de ses rares mesures pour le pouvoir d’achat. En septembre, le RN a publié un nouveau « livret entreprise » que l’on pourrait croire rédigé par le Medef tant il place la « compétitivité » au-dessus de tout, en prônant la suppression de nombreuses normes et d’impôts.
Certes, sur quelques textes, le RN a pu se prononcer avec la gauche, en faveur, par exemple d’une taxe sur les super-dividendes, comme si les députés sentaient leur imposture sociale craqueler. Un léger réajustement stratégique pour survendre un semblant d’opposition à la « mondialisation macroniste ». Une hypocrisie, tant le livret entreprise du parti acte la défense du grand capital. Reste à savoir si les députés lepénistes l’assumeront à la fin de l’examen du budget, en votant pour ou contre la motion de censure à venir.
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