
© Jerome CHABANNE / Hans Lucas
Fer de lance des luttes sociales, le secrétaire général de la CGT de l’Allier est très souvent la cible de convocations et de plaintes. Des procédures antisyndicales qui renforcent la solidarité militante.
Par Léa DARNAY
Moulins (Allier), envoyée spéciale
Dans le local syndical de Moulins, installé au cœur de l’ancien hospice de l’hôpital voisin, les murs sont tapissés d’affiches au ton combatif : pour l’égalité, contre le patronat, pour des rassemblements joyeux les 1er mai. Dans l’escalier, Laurent Indrusiak désigne avec fierté les dernières pancartes brandies lors de la campagne des élections législatives dans l’Allier : « Ensemble contre le racisme », « RN, extrême droite, ennemis du monde du travail ».
Ce sont ces affiches qui ont fait trembler le parti d’extrême droite lors des scrutins anticipés de juin dernier. « Une dizaine de candidats seulement avaient collé leur propagande, alors que 32 panneaux électoraux étaient mis à disposition. Évidemment, on en a profité pour y mettre nos affiches à côté de celles du RN. On ne s’en cache pas, mais on n’a jamais recouvert celles des autres », précise le secrétaire départemental CGT de l’Allier.
« Leur plainte est maintenant entre les mains du procureur », déplore-t-il avec un arrière-goût d’habitude. Même si, cette fois-ci, « nous sommes plutôt fiers que l’extrême droite s’en prenne à nous. Ça veut dire qu’on les gêne ! » lance-t-il, intrépide.
L’Internationale à l’annonce de sa relaxe
En un quart de siècle passé à la CGT, le responsable syndical est devenu le fer de lance de toutes les luttes sociales dans le département. Ce qui lui vaut de sérieux retours de bâton. Ses premières armes, il les a faites chez Goodyear. En 1999, CDI en poche, l’ouvrier confectionneur de coussins d’air de suspension monte une section syndicale.
Les responsabilités suivent vite. D’abord membre du bureau de l’union locale de Montluçon, il prend ensuite des responsabilités au niveau de l’union départementale (UD) de l’Allier, dont il devient secrétaire général en mai 2014, après avoir été licencié au lendemain d’un plan de suppression d’emplois lié à une délocalisation de l’activité en Slovénie.
À la tête d’une UD 03 particulièrement dynamique, il impulse des actions, qui finissent par gêner. Sa première convocation survient assez vite. « La plus rude, bien qu’elle demeure un souvenir impérissable », sourit-il. À l’époque, le syndicat soutient les salariés d’Environnement Recycling, exposés à la poussière de plomb dans leur usine.
La publication d’un tract dénonçant cette situation donne lieu au dépôt d’une plainte du patron en diffamation. Lors de l’audience, plus de 400 militants viennent le soutenir. « Les camarades ont entonné en chœur l’Internationale à l’annonce de la relaxe. Un souvenir fort », s’émeut le responsable syndical.
Après cette victoire judiciaire, les luttes se sont succédé. Les démêlés aussi : Laurent Indrusiak totalise désormais 18 convocations au commissariat ou à la gendarmerie et 10 passages au tribunal. Tout cela aboutissant à une mise en examen, 2 relaxes, 6 condamnations alors que 5 instructions sont toujours en cours pour autant de jugements possibles. Sans oublier les nombreux contrôles d’identité et fouilles au corps, insultes, menaces et autres techniques d’intimidation répétées des membres des forces de sécurité. Un palmarès inquiétant dont le syndicaliste se serait bien passé, pour se consacrer pleinement à la défense des travailleuses et travailleurs.
Une accélération depuis la loi travail El Khomri
« Nous avons noté une accélération de la répression au moment des mobilisations en 2016 contre la loi travail El Khomri », souligne-t-il. Un constat « particulièrement vrai sur le bassin de Montluçon », renchérit à ses côtés Sylvain Balouzat, secrétaire général de l’union CGT santé du département. « Le constat est clair : ce sont toujours les dirigeants syndicaux qui sont visés », déplore ce dernier.
Comme lors de ce conseil municipal à l’agenda duquel figurait la fermeture d’une école. Les parents d’élèves ayant demandé à la CGT de les soutenir, les drapeaux rouges ont convergé. Le conseil s‘est déroulé dans une atmosphère « bon enfant », sous les yeux des parents venus avec leurs bambins.
Malgré cette mobilisation, la fermeture a été entérinée. « J’interviens alors avec un porte-voix pour dénoncer cette décision inacceptable », raconte Laurent Indrusiak. Le maire fait venir la police. « Une interpellation musclée qui m’a valu trois jours d’incapacité totale de travail, accuse-t-il. Ils m’ont finalement relâché sans poursuites, quelques kilomètres plus loin, en me faisant croire que c’était seulement un contrôle d’identité. »
« Tout est prétexte à nous incriminer », soupire-t-il. En contrepoids, la solidarité s’est renforcée dans le syndicat. Cette cohésion a joué à plein face à la montée de l’extrême droite. Laurent Indrusiak n’a pas l’habitude de baisser les bras. Les affiches de la CGT sont là pour en attester.
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