La révélation des profils des nouveaux dirigeants arrivant directement de la mouvance du milliardaire ultraconservateur Pierre-Édouard Stérin a mis le feu aux poudres au sein du groupe Bayard. Ce mardi 26 novembre, au cours d’une assemblée générale, avec une participation plus forte que jamais, des centaines de salariés ont adopté le principe d’une grève à très court terme.
Par Thomas LEMAHIEU.
Il y a les arrivées à la tête du groupe Bayard de François Morinière comme président du directoire, et d’Alban du Rostu, bras droit – jusqu’en juin dernier – du milliardaire ultraconservateur Pierre-Édouard Stérin, embauché comme directeur de la stratégie et du développement.
Et dans la foulée, la découverte, pour le premier, de son implication directe et personnelle dans le rachat, aux côtés de Vincent Bolloré avec d’autres magnats de la presse, de l’école de journalisme non reconnue ESJ-Paris et, pour le second, de son engagement en tant que cofondateur dans le plan secret Périclès visant à faire gagner les droites extrêmes dans les urnes comme dans les têtes.
Ce sont les plus anciens qui l’assurent : jamais Bayard n’avait connu un tel tollé. Ou, à tout le moins, une mobilisation en gestation d’une telle ampleur : ce mardi, à midi, ce sont entre 3 et 400 salariés du grand groupe catholique de presse et d’édition jeunesse qui se sont retrouvés en assemblée générale.
Vers une grève dans les prochains jours
Panique, colère et détermination… « On a senti une émotion extrêmement forte et générale », raconte un syndicaliste. « Le sentiment de tout le monde, c’est que, face à ces signes annonciateurs d’un virage vers la droite extrême, il faut marquer le coup tout de suite », ajoute un journaliste. Quand une voix s’est aventurée à dire qu’il fallait peut-être « laisser leur chance » à Morinière et du Rostu, beaucoup ont rétorqué en citant, en détail, le plan Périclès dévoilé cet été par L’Humanité, ses 150 millions d’euros, son objectif politique et ses valeurs… très éloignées, voire antinomiques par rapport à celles défendues dans les titres de Bayard, que ça soit le dialogue interreligieux, l’ouverture aux migrants ou la crise climatique.
« Un truc dont on est sûrs, c’est que du Rostu n’est pas devenu catho de gauche en trois mois, remarque un élu du personnel. Là, on n’est pas face à un gars qui aurait commis une erreur de jeunesse il y a 50 ans, sur laquelle on devrait passer l’éponge… Non, c’est d’aujourd’hui qu’il s’agit, et c’est ça qui nous inquiète. »
Les modalités précises de la mobilisation générale au sein du groupe ne seront totalement définies que ce mercredi matin en intersyndicale (CFDT, CFTC, SNJ, CGT et CGC), mais le principe d’une grève, à court terme, a été adopté à une écrasante majorité des participants. Alors que débute le salon du livre de jeunesse de Montreuil – un rendez-vous crucial pour le groupe Bayard -, une partie des actions pourraient se dérouler dans ce cadre.
Dans la discussion, beaucoup de salariés du groupe disent attendre des explications circonstanciées de la congrégation des Assomptionnistes, leur actionnaire unique garant de l’indépendance de Bayard depuis toujours. « On sait que le monde catholique glisse vers la droite et l’extrême droite, et notre lectorat est travaillé par les représentations qui émanent de ce camp là sur le soi-disant wokisme ou ce genre de choses, explicite un cadre intermédiaire. Dans un quotidien comme La Croix, on défend l’humanisme, le consensus, la nuance, et ces gens, ils veulent nous entraîner dans une forme de guerre. Et ça, quoi qu’ils décident, ça ne pourra pas passer pour la majorité d’entre nous… Les actionnaires ne peuvent pas rester silencieux dans cette crise sans précédent. »
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