« Résistants à Brest, ils ont été massacrés à Pforzheim, le 30 novembre 1944 » (OF.fr-30/11/24)

Annick Prémel et son frère Jacques Prémel, accompagnés de l’historien du réseau Alliance, Guy Caraes (au centre). | OUEST-FRANCE

Il y a 80 ans, au petit matin du 30 novembre 1944, huit femmes et dix-sept hommes, dont douze Brestois résistants du réseau Alliance, furent sortis de la prison de Pforzheim pour être abattus dans la forêt du Hagenschieß.

Guy Caraes, vous avez enquêté sur le réseau de résistance Alliance pendant plus de dix ans, pouvez-vous raconter ce qui s’est passé, ce terrible 30 novembre ?

Le réseau Alliance renseignait clandestinement les services secrets anglais durant la Seconde Guerre mondiale. Ils étaient implantés un peu partout en France et notamment sur la côte Atlantique pour surveiller l’activité de la marine de guerre allemande. La branche brestoise du réseau a été démantelée fin septembre 1943. Beaucoup furent arrêtés et déportés. C’est à Pforzheim, en Allemagne, qu’une partie de ces résistants étaient internés, dans l’attente de leur procès par le tribunal de guerre du IIIe Reich.

Avec l’avance des Alliés, notamment la Libération de Strasbourg le 23 novembre 1944, les Allemands sont pris par le temps et décident de purger la prison des résistants qu’elle contient encore. À 5 heures du matin, les résistants sont réveillés par les geôliers. Ils doivent se préparer à partir ; ils signent le registre d’écrou et reçoivent un billet de 10 Marks. Ce simulacre de Libération est probablement pour qu’ils ne se rebellent pas. Chargés à bord d’un camion, ils sortent de la ville mais cette liberté espérée s’achève dans une clairière du bois de Hagenschieß. Là, ils sont tous abattus d’une balle dans la nuque. Deux tentent de s’enfuir mais ils sont rattrapés et massacrés.

Furent exécutés le 30 novembre 1944 à Pforzheim, les résistants brestois : Alice Coudol, Marcel Dufosset, Jean-Louis Eozénou, Marie Gillet, René Jamault, Georges Lacroix, Marie-Jeanne Le Bacquet, Clara Machtou, Paul Masson, René et Marguerite Prémel ainsi qu’Amélie Simottel.

Annick Prémel, trois membres de votre famille ont été massacrés dans ce bois, pourriez-vous nous livrer vos souvenirs ?

René Prémel était radiotélégraphiste dans la Marine et a épousé Marguerite Corre en 1925 à Brest. Ils n’ont pas eu d’enfant, alors c’était un peu mes deuxièmes parents. Je suis née en 1936, je les ai donc bien connus et je pense encore souvent à eux. On savait qu’ils avaient été arrêtés. On a dû partir se cacher dans le centre Finistère avec ma famille. René a écrit un peu en prison, puis après ce fût le silence. Dans la famille, nous espérions qu’ils allaient revenir.

Sauf que ça n’a pas été le cas. Je m’en souviendrai toute ma vie, je venais de me faire opérer des amygdales quand mes parents ont appris la nouvelle de leur mort. Je me souviens de la douleur de mon père et aussi de son état épouvantable au retour de Strasbourg, quand il est parti identifier les corps. J’étais là quand les corps sont rentrés à Brest, pour être inhumés ici, au cimetière de Saint-Martin.

Et vous Jacques Prémel, vous êtes né après guerre, comment l’histoire s’est transmise pour vous ?

Si ma sœur a connu cette période douloureuse, moi je suis né en 1951, personne n’en parlait. Je n’ai découvert cela qu’en feuilletant un livre dans notre bibliothèque, Mémorial de l’Alliance, et en y découvrant les noms de ma famille. Alors forcément j’ai posé des questions et là, on m’a expliqué l’histoire : qu’ils avaient été déportés et assassiné par des SS. Je ne me suis jamais rendu sur les lieux, je devais y aller mais le Covid m’a bloqué. Je vais bientôt à Munich alors j’en profiterai pour enfin me rendre à Pforzheim. Et je suis content qu’ici à Brest, on n’oublie pas leurs noms, avec la plaque installée l’an dernier rue Jean-Jaurès.

Pour en savoir plus : « Le réseau Alliance », par Guy Caraes, publié aux éditions Ouest-France en 2021.

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Source: https://www.ouest-france.fr/bretagne/brest-29200/resistants-a-brest-ils-ont-ete-massacres-a-pforzheim-le-30-novembre-1944-687d2f72-ae74-11ef-8992-707451e15361

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/resistants-a-brest-ils-ont-ete-massacres-a-pforzheim-le-30-novembre-1944-of-fr-30-11-24/

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