
Le cyclone Chido à peine passé à Mayotte, les habitants se sont mis à reconstruire leurs maisons. Des constructions en tôle, aussi précaires que les précédentes. D’autres options existent, prônent des architectes.
Par Marine GACHET.
Mayotte, reportage
Dans le quartier informel de Mavadzani, réputé pour être le plus grand bidonville de l’île, de nombreuses cases de fortunes sont déjà de nouveau debout sur la colline dévastée, située au village de Majicavo Koropa, dans la commune de Koungou. Un concert de marteaux contre les tôles retentit dans tout le voisinage. « C’est vraiment le son que je retiendrai », note Ulysse, habitant une résidence à proximité du quartier de fortune.
Alors que le vent et la pluie donnaient encore de la voix à Mayotte, on entendait déjà les coups de marteau contre les tôles tombées à terre. Le cyclone Chido à peine passé, les habitants ayant vu leurs maisons s’effondrer s’attelaient à la tâche de remettre leur toit sur pied.

« Ce n’est que du matériel, ça va aller », disait un habitant en train de reconstruire sa barrière. « On n’a pas le choix, on n’a plus de maison et nulle part où aller », expliquait une bande de jeunes vivant dans la commune de Sada, en train de rassembler les tôles de leur ancienne maison.
« Mon papa est en train de reconstruire notre maison », décrivait une petite fille venue spontanément nous parler. Marteaux, scies, pieds de biche… Tous les outils qui ont pu être mobilisés sont de sortie. Certains ont racheté des tôles neuves pour une vingtaine d’euros chacune.
« On dort dehors »
Les constructions montées à la hâte sont aussi précaires que les précédentes, celles qui n’ont pas résisté au vent. La pauvreté et l’urgence empêchent de faire autrement. « On dort dehors », rappelle Saïd, un marteau à la main. Si des hébergements d’urgence sont mis en place, notamment dans les établissements scolaires, certains habitants du bidonville ne sont pas vraiment au courant qu’il y en a, aucune autorité n’étant venu les informer.
Crainte de se faire interpeller par la police
De plus, un habitant nous confie que plusieurs craignent de se faire interpeller par la police aux frontières ou encore croient que les refuges sont réservés aux Français. La plupart des gens, ici, étant originaires de l’Union des Comores. De quoi expliquer, en partie, pourquoi beaucoup choisissent de reconstruire leur toit eux-mêmes.
« On sait que s’il y a un autre cyclone, ça ne tiendra pas. Mais on s’inquiète plus qu’on vienne nous voir pour nous empêcher de reconstruire », ajoute-t-il. Une crainte qui se réfère au décasage d’une partie du bidonville, qui s’est achevé la semaine dernière, avant le cyclone.
Pour le bidonville de Mavadzani, la préfecture a pris un arrêté pour procéder à la destruction de 468 cases en tôles. Tandis que 52 familles d’habitants français ou ayant un titre de séjour ont été relogés temporairement, les autres sont partis construire une case ailleurs.
À Mayotte, dans le cadre de la lutte contre l’habitat insalubre, la préfecture procède régulièrement à la démolition de quartiers informels. Pour l’heure, aucune consigne n’a été donnée concernant la reconstruction des maisons. L’effort de l’État se concentre sur la remise en place des infrastructures de santé, d’électricité, de traitement de l’eau et de communication.

Pour les logements en dur, la plupart des habitants attendent que les assurances prennent en charge les travaux de réparation. En attendant, des solutions de bricolage sont mises en place. « Mon propriétaire a reposé des tôles pour le toit, on a pas encore de plafond, mais au moins, il ne pleut pas dans la maison », constate une habitante de Mamoudzou, qui peut à nouveau dormir chez elle.
Si l’heure est à l’urgence, certains commencent à penser à demain. Thibaut Fung Kwok Chine, architecte réunionnais, qui était venu sur l’île pour dispenser des formations sur la construction en bambou, a motivé plusieurs confrères et consœurs pour recenser les dégâts et analyser les failles des bâtiments, voulant se rendre utiles.
Des architectes se mobilisent d’eux-mêmes
« Le fait que les maisons ici soient hermétiques [sans ouverture au niveau des murs ou des toits] a favorisé la perte des toits. Quand il y a un cyclone, l’air ne circule pas et cela entraîne un différentiel de pression qui aspire le toit », explique celui qui est habitué à ce phénomène climatique à la Réunion.
Depuis le début de la semaine, il fait le tour des habitations détruites dans l’ouest de l’île pour noter ce qui a tenu et ce qui est tombé. Il constate que la plupart des maisons ne respectent pas les normes anticycloniques.

En faisant ce travail, ces architectes rassemblés sous une initiative citoyenne souhaitent pouvoir proposer des solutions adaptées aux dégâts et aux contraintes du territoire. « Pour les reconstructions en urgence, on pense récupérer le bambou tombé plutôt que les tôles », indique Thibault Fung Kwok Chine. Une plante résistante, qui peut être utilisée pour les murs ou les toits de la maison. Cette filière se développe à Mayotte.
Une chose est sûre pour celui qui rappelle que la saison des pluies, favorisant les glissements de terrain, n’est pas finie et que l’île est exposée aux risques sismiques : « Si on reconstruit comme avant, le problème va se répéter. »
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