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Le Nouveau Front populaire diverge sur la position à tenir vis-à-vis du gouvernement. Les insoumis refusent toute discussion quand socialistes, communistes et écologistes essaient « d’arracher des victoires » et d’éviter de laisser le RN en position de force.
Emilio MESLET.
Depuis six mois et le second tour des législatives anticipées, socialistes et insoumis jouent au tir à la corde avec le Nouveau Front populaire (NFP). Au risque, parfois, de déchirer l’alliance. Une bataille pour le leadership qui cache de vraies divergences politiques et stratégiques, lesquelles s’illustrent parfaitement dans la séquence politique actuelle : faut-il négocier avec François Bayrou et ses ministres sur le budget ? Le NFP n’y répond pas d’une seule voix. Le PS, le PCF et les Écologistes assument d’échanger quand la France insoumise s’y refuse catégoriquement, quitte à accuser de « trahison » ceux contrevenant à cette ligne.
Discuter ou ne pas discuter ? Telle est donc la question. « Nous nous battons pour arracher des victoires et tout dépend du gouvernement, explique Ian Brossat, sénateur et porte-parole du PCF. Si nous partons du principe qu’il n’y a rien à discuter, c’est couru d’avance : nous n’obtiendrons rien. » Dans la balance, les différentes formations ouvertes (bien que le sujet fasse parfois débat en interne) au dialogue ont posé des « lignes rouges ».
La retraite au cœur des débats
Pour rester à Matignon à court terme, François Bayrou doit donc donner des gages. Et vite, alors qu’il doit livrer, ce mardi après-midi, sa déclaration de politique générale. Les socialistes exigent, entre autres, davantage de moyens pour l’hôpital public. Les communistes veulent, comme l’a précisé leur secrétaire national, Fabien Roussel, des « engagements précis » sur le pouvoir d’achat des Français.
Les Écologistes réclament, par exemple, « 7 milliards d’euros » pour l’environnement, « financés par des mesures de justice fiscale ». « Je défends les Françaises et les Français les plus vulnérables qui n’ont pas le luxe d’attendre le grand soir », argumente leur cheffe, Marine Tondelier. Mais « le compte n’y est pas encore », assure Olivier Faure, premier secrétaire du PS, à Libération après un week-end de négociations.
Parmi les avancées que cette gauche tente d’obtenir se trouve la mère des batailles : la réforme des retraites. Le PS et le PCF demandent, comme préalable, sa « suspension » jusqu’à une nouvelle loi, et les « Écologistes », son « abrogation » pure et simple. Là où la FI refuse que la question des retraites se discute à Matignon ou Bercy : « Il y a une majorité à l’Assemblée nationale pour abroger la retraite à 64 ans. Il n’y a rien à négocier sur ce sujet. Les députés doivent pouvoir voter », assure Manuel Bompard, coordinateur du mouvement.
Pour Jean-Luc Mélenchon, discuter avec François Bayrou – à qui il promet une motion de censure le 16 janvier – relève de la compromission, et non du compromis. « Le discours prétendument « raisonnable » sur le mode « voyons d’abord ce qu’il va faire » est juste une duperie, car on sait déjà ce qu’il va faire. Ne pas voter la censure du 16, c’est une imposture pour essayer de sauver Macron contre des promesses venteuses et une division terrible de la gauche », écrit, sur son blog, le triple candidat à la présidentielle.
C’est d’ailleurs bien l’Élysée que les insoumis continuent de viser, espérant une démission du chef de l’État et une élection anticipée. D’où cette volonté d’ajouter de la crise à la crise pour arriver à leurs fins, estimant qu’en cas de démission d’Emmanuel Macron Jean-Luc Mélenchon est aujourd’hui en capacité de prendre de vitesse ses partenaires de gauche pour leur imposer sa candidature. Au risque de voir Marine Le Pen l’emporter, rétorquent lesdits partenaires.
« Sur la discussion avec Bayrou, la FI fait le pari de la pureté, regrette un député socialiste. Nous avons un positionnement de parti de gouvernement. Attention toutefois à ne pas nous isoler au sein du NFP. Mais, pour l’heure, les communistes et les Écologistes ont l’air bien embarqués. » Aussi PS, PCF et les Écologistes ne veulent plus laisser le RN en position de maître chanteur du gouvernement comme ce fut le cas avant la censure de l’équipe de Michel Barnier.
« Nous ne voulons pas que Marine Le Pen soit la seule interlocutrice du gouvernement. Il faut donc discuter, rappelle Ian Brossat. Et pour que cela soit fertile, le premier ministre doit prendre en compte nos exigences. » Est-il seulement prêt à le faire ?
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