Gouvernement Trump : trois nominations qui sentent le pétrole (reporterre-20/01/25)

Donald Trump en compagnie de Doug Burgum, milliardaire proche de compagnies pétrolières, nommé pour diriger la gestion et la conservation de la plupart des terres fédérales et des ressources naturelles, tout en dirigeant également le Conseil national de l’énergie, ici en février 2024. – © Patrick T. Fallon / AFP

Pendant sa campagne électorale grassement financée par l’industrie du pétrole, Donald Trump a fait de l’expansion des énergies fossiles un cheval de bataille. Les « calamités » qu’il nomme au gouvernement y contribueront fortement.

Par Théo BELLEMARE.

75 millions de dollars pour soutenir Trump. C’est ce qu’ont aligné les industries du pétrole et du gaz pendant la campagne républicaine d’après une analyse de l’association Climate Power. Soucieux de leur rendre la monnaie de leur pièce, le président-élu s’est engagé à construire de nouveaux pipelines et veut mettre fin aux subventions pour la transition vers des énergies plus propres.

Pour mener à bien son plan, il a choisi de s’entourer de pasionarias du pétrole. « Trump a l’habitude de rembourser les dettes politiques. Il renvoie l’ascenseur, donc ces industries s’attendent à avoir beaucoup d’influence en échange pendant les quatre ans qui viennent », assure Henry Lee, directeur du programme environnement et ressources naturelles à l’université Harvard. Les trois hommes-clés sur lesquels Donald Trump mise sont « tous des calamités », se désole Ann Bostrom, professeure en politique environnementale à l’université de Washington. Portrait du trio.

Chris Wright, magnat du fracking

Comme secrétaire à l’Énergie, Donald Trump a choisi Chris Wright, PDG de Liberty Company, une entreprise spécialisée dans la fracturation hydraulique. Sa mission principale sera de réduire les formalités administratives pour faciliter les investissements dans les énergies fossiles. Sa thèse favorite ? Le pétrole sort les peuples de la pauvreté, en leur garantissant le confort moderne. « Chris a été l’un des pionniers qui ont contribué à lancer la révolution américaine du schiste », écrivait Donald Trump après sa nomination.

Ce diplômé du MIT s’est d’ailleurs fait connaître en buvant un verre de liquide issu de la fracturation hydraulique « pour porter un toast aux détracteurs de l’environnement », rappelle le New York Times. Dans une vidéo publiée sur Linkedin l’année dernière, Chris Wright affirmait qu’« il n’y avait pas de crise climatique », mais reconnaît le rôle des énergies fossiles dans la hausse des températures.

Ce tech nerd, comme il se décrit, fera partie d’un nouveau Conseil national de l’énergie, qui va rassembler les agences étatiques qui autorisent, produisent, distribuent et réglementent le secteur énergétique. « Ce n’est pas l’homme clé du trio, commente Henry Lee, car ce ministère est davantage axé sur la recherche que sur l’opérationnel. Celui qui aura le plus d’influence est Doug Burgum. » Lors de l’audience de Chris Wright au Sénat pour être validé à son poste, le 15 janvier, des manifestants sont entrés pour dénoncer le rôle des énergies fossiles dans les feux qui font rage à Los Angeles.

Doug Burgum, l’homme qui chuchotait à l’oreille des pétrolières

Ce milliardaire de 68 ans, qui a fait fortune dans les logiciels, doit devenir le prochain secrétaire de l’Intérieur du gouvernement Trump 2.0. Il aura en charge la gestion et la conservation de la plupart des terres fédérales et des ressources naturelles, tout en dirigeant le Conseil national de l’énergie.

L’ex-gouverneur du Dakota du Nord, troisième plus grand État producteur de pétrole du pays, est un grand ami d’Harold Hamm, président de Continental Resources, le producteur de pétrole le plus puissant d’Oklahoma et du Dakota du Nord.

« Burgum est connu auprès des entreprises fossiles de taille moyenne, et celles-ci — au Texas, en Oklahoma, au Wyoming — ont été de puissants véhicules pour la victoire de Trump. Elles sentaient que la philosophie de Joe Biden allait les éliminer progressivement, alors elles ont fait énormément de lobbying », commente Henry Lee.

Les vues de Burgum sur le climat sont contrastées : il souhaitait rendre carboneutre le Dakota du Nord d’ici 2030, mais pour cela, il misait avant tout sur les technologies de capture de carbone, très contestées par les scientifiques. Sa nomination a vite été décriée par le Sierra Club, la plus importante association écologiste du pays, qui voit en lui un parangon de la déréglementation à outrance dont « les pollueurs tirent profit ».

Lee Zeldin, les dollars plutôt que l’eau

Ex-élu républicain à la Chambre des représentants (2015-2023), Lee Zeldin est un New-Yorkais de 44 ans. Trump l’a nommé à la tête de l’Agence de protection de l’environnement (EPA). En temps normal, l’EPA a pour mission de protéger l’environnement, en s’assurant de la bonne application des règlements. Mais Zeldin a été choisi pour faire valser les règles, une mission que Donald Trump souhaite « rapide », pour « libérer le pouvoir des entreprises américaines, tout en maintenant les normes environnementales les plus élevées, y compris l’air et l’eau les plus propres de la planète ».

Pas sûr que ce soient des priorités pour Lee Zeldin, qui a voté contre une législation sur l’eau propre au moins une douzaine de fois, d’après la League of Conservation Voters. « Zeldin m’inquiète plus que Burgum : il ne connaît absolument pas le domaine dans lequel il met les pieds », commente Henry Lee.

Depuis son échec lors de sa campagne de 2022 pour devenir gouverneur de New York, il a lancé son cabinet de conseil, qui lui a permis de gagner près de 800 000 dollars en revenus salariaux, et entre « 1 et 5 millions » en dividendes de sa société, d’après Business Insider.

Il a notamment été payé pour publier des éditoriaux, révélait le site d’informations économiques, dont l’un, publié en juillet, réclamait la fin de l’interdiction de la fracturation hydraulique dans l’État de New York.

Quelle est la marge de manœuvre de cette équipe pour doper l’industrie pétrolière ?

Le président et son équipe ont deux leviers principaux pour doper la production d’énergies fossiles, détaille le média Vox. Tout d’abord, il peut élargir l’accès aux terres publiques pour l’exploitation pétrolière et gazière, par l’intermédiaire de Doug Burgum. Durant son premier mandat, Donald Trump avait par exemple réduit la surface des zones protégées pour pouvoir en exploiter davantage.

Mais, augmenter les concessions ne garantira pas forcément une hausse de la production, car les délais peuvent être longs avant d’extraire la moindre goutte. « Si vous êtes un investisseur et que vous allez dans une nouvelle zone d’exploitation, vous pouvez attendre huit ans avant qu’elle soit opérationnelle », souligne Henry Lee. « Lors de son premier mandat, Trump avait ouvert à l’exploitation des terres en Alaska, et les investisseurs ne se bousculaient pas… »

Pour des effets tangibles rapidement, Donald Trump peut sortir la seconde lame, Lee Zeldin, pour tenter d’alléger les réglementations de l’EPA, en mettant fin à certaines, passées sous l’ère Biden. Mais beaucoup sont imbriquées dans des lois, comme dans l’Inflation Reduction Act, qui prévoit environ 369 milliards de dollars d’investissements dans l’énergie propre et les initiatives climatiques sur 10 ans.

« L’IRA ne sera ni facile, ni rapide à détricoter […] et du pétrole, en 2050, il y en aura bien moins. Donc les investisseurs veulent aller le plus vite possible, pour gagner rapidement beaucoup d’argent. Après ça sera trop tard. Donc ils vont pousser Trump à vite leur faciliter la vie », observe Henry Lee. Wright, Burgum et Zeldin sont tous trois prêts à suivre leur président au pas de course.

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Source: https://reporterre.net/Gouvernement-Trump-trois-nominations-qui-sentent-le-petrole

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