Les ports de pêche cornouaillais contraints à la transition : « Il est grand temps de réagir et prendre des décisions » (LT.fr-1/02/25)

Assombri par une sévère perte en volume et en valeur, notamment consécutive à un plan de sortie de flotte, le tableau cornouaillais prend un peu de lumière par la solidité de la pêche côtière et des criées « les plus modernes de France ». (Archives Le Télégramme/Nicolas CREACH)

Avec une perte de valeur de 7,56 M€, le bilan de l’année 2024 dans les ports de pêche cornouaillais n’est pas bon. En cours de mutation, le nouveau modèle économique va bousculer la filière. Mais, un an avant un changement de gestionnaire, les investissements se poursuivent.

Par Olivier SCAGLIA.

« Le fait majeur de cette année 2024, c’est le décrochage en volume et en valeur des criées cornouaillaises », commente Philippe Le Carre, directeur des pêches au sein d’une Chambre de commerce et d’industrie du Finistère, dont la délégation quimpéroise devrait transmettre, fin 2025, la gestion des ports cornouaillais à une nouvelle société d’économie mixte contrôlée par le Département.

À lire sur le sujet Ports de pêche, aéroport et conjoncture économique : 2025, année de turbulence

Assombri par une sévère perte en volume et en valeur, notamment consécutive à un plan de sortie de flotte, le tableau cornouaillais prend un peu de lumière par la solidité de la pêche côtière et des criées « les plus modernes de France ». Mais derrière, toute une filière tremble. Dans le secteur agro-industriel tout spécialement, qui attend des volumes pour tourner.

Moins 28 % de volume sous criées en quatre ans

Les ports cornouaillais enregistrent une perte de volume de 5 257 t de vente sous criées et – 2 860 t hors criées par rapport à 2023. Atteignant 34 000 t, le volume total de poisson débarqué en 2024 accuse une baisse de 19 %, pour une valeur commerciale de 126 M€ (- 6 %). Les chiffres traduisent l’accélération de la baisse, tendance amorcée depuis vingt ans. « En sept ans, nous estimons à 25 M€ la perte enregistrée par la pêche cornouaillaise », estime Philippe Le Carre. « Je compte 1 300 t de poisson en moins par en an en moyenne ces 20 dernières années », indique Jean-François Garrec, président de la délégation quimpéroise de la CCI.

Les ports de pêche cornouaillais contraints à la transition : « Il est grand temps de réagir et prendre des décisions »
(Source : CCI Finistère)

Sorties de flotte, pas de sardine, fermeture du Golfe et arrêt du poulpe

Parmi les explications, la sortie de flotte impulsée dans le cadre du Brexit marquant durement le quartier maritime bigouden : « Six bateaux, soit 20 % du tonnage », observe la CCI. Criées cornouaillaises encore touchées par un gros coup de frein sur la bolinche (21 navires) : « Pas d’anchois et pour ainsi dire pas de sardines. Moins 4 000 t : nous espérons que c’est cyclique pour ce dernier poisson », commente Christophe Hamel, directeur d’exploitation à la CCI. « La baudroie reste une espèce majeure. C’est une bonne année pour la langoustine, que nous considérons bien gérée [moins de volume mais meilleur prix, NDLR] ».

À droite, Jean-François Garrec, président de la délégation quimpéroise de la CCI en compagnie de Christophe Hamel, directeur des équipements portuaires et de Philippe Le Carre, directeur des ports et pêche au sein de la CCI 29 : « Je me demande si la France ne sacrifie pas sa pêche dans un contexte européen ».
À droite, Jean-François Garrec, président de la délégation quimpéroise de la CCI en compagnie de Christophe Hamel, directeur des équipements portuaires et de Philippe Le Carre, directeur des ports et pêche au sein de la CCI 29 : « Je me demande si la France ne sacrifie pas sa pêche dans un contexte européen ». (Le Télégramme/Olivier Scaglia)

Autre sujet, la fermeture totale de la pêche dans le Golfe de Gascogne, durant un mois, aurait minoré les volumes sous criées de 600 t à 1 000 t. Enfin, la fermeture de la pêche du poulpe constitue un manque à gagner de 360 t d’un produit bien valorisé.

Transition vers la pêche côtière

En Cornouaille, le modèle économique de la pêche serait donc bien en pleine transformation. « Il y a dix ans, la pêche hauturière représentait 70 % de la valeur cornouaillaise. La pêche côtière représente aujourd’hui un tiers du volume total mais 58 % de la valeur », observe Christophe Hamel pour expliquer l’impact sur la filière. « Tous les ports cornouaillais deviennent des ports côtiers. Cinq cents navires de ce type débarquent en Cornouaille par an ».

L’approvisionnement extérieur va devenir encore plus nécessaire.

« Il y a vingt-deux hauturiers au Guilvinec et six à Loctudy », complète Philippe Le Carre. « Il y a un gros travail pour redimensionner les places de marché. Et maintenir le débarquement ».

Car, en aval, telle que structurée aujourd’hui, la filière agro-industrielle a besoin de matière. « L’approvisionnement extérieur va devenir encore plus nécessaire ». La part d’approvisionnement est aujourd’hui principalement issue des pêches espagnoles et irlandaises. « Nos craintes sont relatives à l’application de nouveaux quotas et au poids des zones protégées », commente Philippe Le Carre.

« 37 M€ d’investissement depuis 2018 »

Entre 2018 et 2025, la CCI revendique 37 M€ d’investissement. Les grandes lignes ont été inscrites au Guilvinec (5 M€), et à Concarneau (4 M€) qui ne représente que 9 % du volume total cornouaillais en 2024.

1,4 M€ va être investi dans une tour à glace à Douarnenez cette année, passant la capacité de 30 à 60 t/jour à destination Douarnenez et Saint-Guénolé. Objectif ? Réduire les achats à Lorient et abaisser le coût du transport par camion. « Tous nos investissements cherchent à valoriser les produits. Nos équipements sont prêts s’il n’y a pas de limitations des volumes. Nous avons les criées les plus modernes de France et la relation de confiance est établie avec les acheteurs pour les ventes à distance », estime Philippe Le Carre. « Il est grand temps de réagir et de prendre des décisions », conclut Jean-François Garrec.

°°°

Source: https://www.letelegramme.fr/finistere/quimper-29000/les-ports-de-peche-cornouaillais-contraints-a-la-transition-il-est-grand-temps-de-reagir-et-prendre-des-decisions-6752241.php

URL de cet article;https://lherminerouge.fr/les-ports-de-peche-cornouaillais-contraints-a-la-transition-il-est-grand-temps-de-reagir-et-prendre-des-decisions-lt-fr-1-02-25/

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *