Pouvoir d’achat : les négociations annuelles obligatoires, catalyseurs de luttes sociales ? (H.fr-19/02/25)

Une récente étude publiée par le groupe Alpha a examiné les accords salariaux conclus entre septembre et décembre 2024 dans le cadre des NAO. Résultat : moins d’accords signés que sur la même période un an plus tôt, passant de 972 à 864. © Ed JONES / AFP

Alors que la loi contraint les employeurs à négocier les salaires chaque année, 2024 a été marqué par une diminution des augmentations et une multiplication des décisions unilatérales des entreprises. Les grèves pour une meilleure répartition de la valeur fleurissent.

Par Léa DARNAY.

Vinci, Safran, Thales, Covéa… Depuis le début de l’année, les piquets de grève se propagent lentement sur le territoire français. La cause ? Les négociations annuelles obligatoires (NAO) qui s’ouvrent dans les entreprises. Si, en principe, la mesure définie dans le Code du travail vise à favoriser et à encadrer le dialogue social autour du partage de la valeur, en pratique, le patronat a tendance à balayer d’un revers de main cet exercice obligatoire.

Un attentisme profitable

Les négociations sont en effet arrivées tardivement en 2024. Une récente étude publiée par le groupe Alpha a examiné les accords salariaux conclus entre septembre et décembre 2024 dans le cadre des NAO. Résultat : moins d’accords signés que sur la même période un an plus tôt, passant de 972 à 864.

D’un côté, le rapport note que moins d’organisations syndicales auraient signé d’accords, bridées par les propositions bien trop timides des directions, « l’évolution des salaires étant alors fixée par décision unilatérale de l’employeur (DUE) ».L’élément déclencheur de nombreuses grèves à l’instar des salariés de Thales, mobilisés dans toute la France depuis l’ouverture des tractations.

« La situation est totalement bloquée, la direction refuse de négocier et impose son augmentation », fustige Grégory Lewandowski, coordinateur de la CGT Thales. L’intersyndicale du groupe d’équipement de défense et d’aérospatiale est mobilisée depuis début janvier, exigeantau « minimum 3,5 % d’augmentation générale » contre les 2 % imposés par la direction malgré des très bons résultats économiques.

L’étuderemarque par ailleurs que « l’instabilité politique et l’incertitude sur la politique fiscale pourraient inciter les parties à faire preuve d’attentisme », expliquant ainsi le retard que nombre d’entreprises accusent en matière de négociations salariales. Le cabinet LHH rapporte en effet fin janvier que lesprévisions sont passées de 2,8 % d’augmentation salariales il y a encore quelques mois à désormais 2,5 %. Dénonçant un « matraquage fiscal » dans le budget, les PDG ont revu à la baisse les enveloppes allouées aux augmentations salariales.

Baisse des augmentations et hausse des dividendes

Pourtant, l’augmentation des taxes pour les plus riches n’a pas empêché ces employeurs d’augmenter le versement des dividendes, à l’image de Vinci. Le leader de la construction a atteint un chiffre d’affaires record en 2024, 71,6 milliards d’euros, et a distribué 2,6 milliards d’euros à ses actionnaires. Toutefois, lors des NAO, les filiales du groupe ont annoncé en moyenne 1,5 % d’augmentation de salaire.

« Ils nous donnent des miettes et gavent les actionnaires, s’était insurgé Éric Bego, secrétaire adjoint du comité de groupe CGT Vinci lors du rassemblement devant le siège social à Nanterre (Hauts-de-Seine) le 1er février. Mais ce sont les ouvriers qui créent la valeur ! » « L’écart flagrant entre les résultats du groupe, le versement de dividendes et la politique salariale ridicule est inacceptable !» accuse de son côté Grégory Lewandowski, de Thales.

Depuis le Covid, les augmentations salariales sont bridées par la baisse de l’inflation. De fait, selon le cabinet Alpha, les augmentations moyennes négociées passent de 3,5 % en 2024 à 2,27 % en 2025, en raison de la diminution de l’inflation de 1,7 % en 2025, a révélé l’Insee ce mardi 18 février. Seulement, revaloriser les rémunérations à hauteur des hausses des prix est loin d’être assez pour les auteurs du rapport : « Cela ne suffit pas pour autant à compenser les pertes de pouvoir d’achat accumulées par les salariés depuis trois ans en raison de revalorisations très inférieures à l’inflation historique en 2022 et en 2023 ».

L’ère de l’individualisme

Si les augmentations générales sont privilégiées pour les employés et ouvriers, les directions préfèrent récompenser les performances des cadres par des augmentations individuelles. « Les NAO 2025 s’inscrivent aussi dans la tendance d’une individualisation accrue des augmentations, insiste le cabinet. Le taux de recours aux augmentations générales a reculé alors que celui des augmentations individuelles a augmenté ».

De plus, 33 % des entreprises ne prévoient aucune revalorisation de salaire, contre 23 % un an plus tôt. Ces dernières, majoritairement dans la santé privée, les transports ou l’économie sociale et solidaire, subissent pour certaines, lorsqu’elles dépendent de subventions, les conséquences des coupes dans les budgets des collectivités. Elles privilégient ainsi des mesures périphériques, comme des primes ponctuelles.

Le recours aux primes est de plus en plus favorisé par les employeurs, « motivés par les avantages fiscaux, qui les rendent moins coûteuses que les hausses pérennes de salaire. Dans une majorité des cas, ils les utilisent non pas comme un levier supplémentaire de rémunération, mais comme une alternative partielle ou totale aux augmentations salariales », assure le groupe Alpha.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/cgt/pouvoir-dachat-les-negociations-annuelles-obligatoires-catalyseurs-de-luttes-sociales

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