
© Samir Maouche pour l’Humanité
Le militant CGT et internationaliste a été agressé, dimanche soir, par un commando d’extrême droite, en marge d’une initiative du collectif Young Struggle. Une manifestation est prévue ce samedi, à 14 heures, place de la République à Paris.
Par Naïm SAKHI.
Paul L. ne porte plus les lunettes de soleil qui protégeaient jusque-là son visage encore tuméfié. « Deux députés ont posé des questions. Je ne m’en remets toujours pas qu’on ait évoqué mon agression à l’Assemblée nationale. C’est irréel », s’étonne-t-il.
La vie de ce trentenaire a brusquement été bouleversée dimanche 16 février, en fin d’après-midi, dans le 10e arrondissement parisien. Lors d’une « soirée cinéma antifasciste », Young Struggle, une organisation révolutionnaire « socialiste, antifasciste, anti-impérialiste et anti-patriarcat » diffusait Z, film de Costa-Gavras qui évoque la répression des démocrates dans la Grèce des années 1960.
« Au bout d’une heure de diffusion, on a entendu du bruit dans la rue. Nous voulions nous assurer que personne n’avait besoin d’aide. Je suis descendu avec un camarade. Nous nous sommes retrouvés face à plus d’une vingtaine de gars masqués et armés, rapporte-t-il. J’ai reçu un coup de bouteille en verre. Puis un autre avec un casque, avant de m’effondrer. » La suite ? Une vidéo filmée par le voisinage montre le militant à terre sous une pluie de coups. D’autres vidéos attestent que les assaillants, en fuite, ont hurlé « Paris est nazi, Lyon est nazi aussi », laissant peu de doute sur la nature politique de cette agression.
Trois points de suture dans le dos
Vingt-trois minutes plus tard, à 17 h 53, Paul est pris en charge par les pompiers. Il ressort de l’hôpital au bout de cinq heures, avec une blessure à la main et trois points de suture, au niveau du rein, dans le dos. « Ces fascistes ont-ils visé mon rein avec un couteau ? Je ne peux pas le dire. C’est la piste avancée par ceux qui m’ont ausculté à l’hôpital », note-t-il. Mercredi, six des assaillants ont été mis en examen, dont un placé en détention provisoire.
Mais pourquoi cette initiative des Young Struggle, annoncée sur les réseaux sociaux, a-t-elle été prise pour cible ? « C’était un événement antifasciste, accueilli dans les locaux de l’Association culturelle des travailleurs immigrés de Turquie (Actit) », répond-il. L’oreille gauche encore bien amochée, Paul est arrêté pour au moins dix jours.
Facteur de profession, Paul L. a d’abord construit son militantisme dans les luttes syndicales. « C’est mon premier boulot stable. Je suis entré à La Poste il y a sept ans. Les restructurations en chaîne m’ont poussé à m’engager, raconte-t-il. Au départ, dans mon bureau, seule la CFDT existait. Ils ont signé en faveur de suppressions de poste. Je ne l’ai pas accepté. J’ai créé la section syndicale CGT, avec qui j’ai un lien affectif, politique et familial. »
« Je suivais la révolution du Rojava avec beaucoup d’espoir »
L’activité politique vient dans un second temps : « Un ancien de la CGT Fapt, Serge Mas, m’avait conseillé de m’engager en politique. Depuis 2014 je suivais la révolution du Rojava avec beaucoup d’espoir. J’ai croisé les Young Struggle il y a deux ans, un peu par hasard, n’ayant pas de lien familial avec la cause kurde. » De l’expérience progressiste dans le nord de la Syrie, Paul retient avant tout « l’organisation autonome des femmes ».
« Elles sont regroupées au sein d’une organisation (YJA Star – NDLR) et participent à toutes les instances, avec des directions paritaires. Les femmes ont toujours le dernier mot en ce qui les concerne », poursuit le trentenaire.
Cet internationaliste s’est d’abord plongé dans les lectures des œuvres de Marx et Lénine, puis dans celles des penseurs révolutionnaires. « En Afrique, en Asie, ils connaissent ces auteurs. Mais en Europe, nous ignorons leurs écrits, insiste-t-il. C’est pourquoi j’ai lu les écrits d’Amilcar Cabral, figure de la lutte d’indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert, de l’ex-président de Tanzanie Julius Nyerere, ou encore du militant anti-apartheid Steve Biko. Il est primordial de s’engager sur des objectifs qui ne soient pas seulement nationaux, mais d’avoir une ouverture aux luttes internationales. »
C’est d’ailleurs l’objectif que se fixe Young Struggle, une organisation révolutionnaire fondée en 2011 en Allemagne par les enfants de réfugiés politiques du Kurdistan et de Turquie. « Elon Musk a largement soutenu l’AfD en Allemagne. Si on combat chacun l’extrême droite uniquement dans nos pays, c’est peine perdue. Les antifascistes doivent être épaule contre épaule, organisés en Europe mais aussi dans les pays du Sud global », tranche Paul.
Son organisation théorise d’ailleurs trois phases du fascisme : « Le classique, issu des régimes de Mussolini et Hitler. Le second, le fascisme de guerre froide, marqué par des dictatures militaires en Grèce, Turquie et en Amérique du Sud. Et enfin l’actuel, conséquence de la crise du néolibéralisme, qui apparaît pour le capitalisme comme sa dernière chance de survie. »
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/ces-fascistes-ont-ils-vise-mon-rein-avec-un-couteau-paul-l-le-militant-cgt-agresse-par-des-neonazis-a-paris-h-fr-20-02-25/