Réforme des retraites : ce qu’il faut retenir du rapport de la Cour des comptes (H.fr-20/02/25)

Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, rencontre le Premier ministre français, François Bayrou, après avoir présenté les résultats du rapport sur le financement des retraites. © Jeanne ACCORSINI/pool-REA

Dans son verdict sur la situation de nos régimes de retraite, la juridiction financière ne se limite pas au constat et privilégie certaines pistes au détriment d’autres. Tout en se drapant dans son rôle d’arbitre.

Par Cyprien BOGANDA.

Rarement un rapport de la Cour des comptes avait suscité autant de craintes et de fantasmes. Après des semaines de conjectures, le verdict de la « mission flash » sur l’état de nos retraites commandée par le premier ministre à l’institution a été enfin rendu public, ce jeudi.

Premier constat, les auteurs n’ont pas retenu la piste farfelue du « déficit caché » brandie par François Bayrou lors de son discours de politique générale. Selon cette théorie, mise au point par un ancien haut fonctionnaire proche des milieux patronaux du nom de Jean-Pascal Beaufret, les régimes de retraite publics (État, hôpitaux et collectivités locales), que l’on dit à l’équilibre, accuseraient en réalité un déficit abyssal, compensé par l’État employeur à coups de surcotisations.

Ardoise salée

Dans son discours de politique générale, Bayrou a donné un ordre de grandeur de la facture (jusqu’à 55 milliards d’euros), contesté par la quasi-totalité des experts du sujet. Sans surprise, donc, la Cour des comptes a écarté cette théorie. En revanche, elle a présenté une ardoise salée en matière de déficits prévisionnels.

« Les perspectives sont préoccupantes malgré la réforme de 2023 », écrit-elle. Dès 2025, le déficit (tous régimes compris) devrait atteindre 6,6 milliards d’euros, puis se stabiliser autour de ce montant jusque vers 2030, en raison notamment à la montée en puissance de la réforme de 2023 (recul de l’âge légal de 62 à 64 ans). « Le déficit devrait ensuite se dégrader continûment et atteindre près de 15 milliards en 2035, puis autour de 30 milliards en 2045 », alerte la Cour.

Les raisons de cette dégradation ? Les auteurs citent l’évolution de la démographie, des perspectives économiques peu engageantes en termes de productivité et de croissance, et un « risque maintenu de chômage ». Au passage, la Cour des comptes retient des hypothèses moins favorables que ne le faisait le Conseil d’orientation des retraites (COR) dans ses derniers rapports : la « mission flash » se fonde sur un scénario de croissance de la productivité plafonnée à 0,7 % par an, là où le COR travaillait, au moins jusqu’en 2024, sur quatre scénarios (de 0,7 % à 1,6 %).

De même, la « mission flash » part du principe que le taux de chômage se stabilisera à 7 %, contrairement aux prévisions exagérément optimistes du COR d’un taux de 5 %, contraint de se calquer sur la trajectoire farfelue du gouvernement Borne pour faire passer sa réforme des 64 ans.

Mais, au-delà du diagnostic, c’est à la fois sa présentation et les préconisations formulées qui font débat. Le président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a accordé un entretien au Parisien, dans lequel il emploie un ton volontiers alarmiste : « Il faudra fatalement agir, à travers de nouvelles mesures et de nouvelles réformes », affirme-t-il. Tout en rassurant : « Ce rapport ne fait pas de recommandations. »

À y regarder de plus près, ce n’est pas exact. Le rapport de la Cour ne se contente pas de présenter sur un pied d’égalité les différentes pistes pour rééquilibrer les comptes. Il y a celles qu’il présente sous un jour positif (le recul de l’âge légal ou l’allongement de la durée de cotisation), en chiffrant les économies réalisées mais sans jamais s’intéresser aux possibles effets pervers, notamment sur le plan social.

Reste la renégociation de la réforme des retraites

Et puis il y a celle qu’elle diabolise : une hausse des cotisations patronales de 7 milliards d’euros, soit 0,2 point de PIB, se traduirait immanquablement l’année suivante par « la destruction de 57 000 emplois », en vertu du modèle économétrique utilisé par la Direction générale du trésor… « C’est une présentation idéologique des choses, dénonce Denis Gravouil, de la CGT. C’est ce genre de visions qui aboutit à ce qu’on dépense chaque année 80 milliards d’euros en exonérations de cotisations, qui ne créent pas d’emplois mais coûtent très cher aux finances publiques. »

Reste maintenant aux syndicats et au patronat à entamer la renégociation de la réforme des retraites de 2023, à partir du 27 février. Sans surprise, chacun a avancé ses revendications. Le régime par répartition « va droit dans le mur », martèle la CPME, qui milite toujours, comme le Medef, pour développer la capitalisation. De son côté, la CFDT attend « un bouger sur l’âge légal, la reconnaissance des métiers pénibles » et l’amélioration des droits des femmes.

Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, a redit sa volonté « d’abroger cette réforme injuste et violente », ce qui coûterait « 10 milliards d’euros », un chiffre « tout à fait soutenable ». Au passage, la centrale de Montreuil aurait bien aimé que la Cour chiffre le retour à 62 ans, mais cette dernière a d’emblée écarté cette hypothèse, pour ne retenir qu’un passage à 63… En toute impartialité, bien sûr.

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Source: https://www.humanite.fr/social-et-economie/cour-des-comptes/reforme-des-retraites-ce-quil-faut-retenir-du-rapport-de-la-cour-des-comptes

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