Suicide d’un ex instituteur du Morbihan visé par des plaintes pour viol : six femmes témoignent (OF.fr-13/03/25)

Six femmes ont déposé plainte contre un instituteur pour des agissements sexuels, dont elles ont été victimes dès 1969, – pour les faits les plus anciens, à Etel. | ARCHIVES OUEST-FRANCE

L’homme qui s’est suicidé à Pluneret (Morbihan), et dont le corps a été retrouvé le 6 mars 2025, était visé par six plaintes. Six femmes qui ont fait le choix de s’exprimer auprès d’Ouest-France. Sept autres plaignantes doivent être entendues, précise le vice-procureur de Lorient. L’enquête se poursuit.

Par Loïc TISSOT.

« Nous voulons être reconnues comme victimes. » Six femmes, que le journal Ouest-France a rencontrées, ont déposé plainte entre octobre 2024 et janvier 2025. Elles dénoncent les agissements d’un homme de 82 ans, retrouvé mort le 6 mars 2025 avec son épouse, près du barrage de Tréauray, à Pluneret (Morbihan).

Si le parquet de Lorient évoque un double suicide par noyade, il confirme également que le mari, instituteur à la retraite et ancien élu à Sainte-Anne-d’Auray, était visé par des plaintes pour agressions ou viols sur mineurs de moins de 15 ans. Il devait être entendu par les services de gendarmerie fin mars pour des faits notamment commis à Étel, entre 1969 et 1972. « Sept autres plaignantes restent à entendre en lien avec cette plainte initiale », soulignait, ce jeudi 13 mars 2025, Éric Pouder, vice-procureur de la République. On sait que des investigations sont menées pour des faits commis à Pluneret.

« Les faits étaient commis dans la classe »

Les six femmes présentes, âgées de 57 à 65 ans, ont été les élèves de cet ancien instituteur – qui a exercé entre 1961 et 1998 – et a été notamment directeur dans les écoles privées d’Étel, de Pluneret et de Plumergat. À mots choisis, elles sortent de leur silence. Elles évoquent leur malaise au seul fait de passer devant leur ancienne école.

Elles n’arrivent toujours pas à prononcer le nom de leur ancien instituteur. Elles décrivent des violences réitérées, des actes de fellation, des mains dans la culotte, des pénétrations digitales, des attouchements sur la poitrine. « Les faits étaient commis dans la classe. Il pouvait nous demander de revenir sur le temps de la récréation pour corriger une dictée ou essuyer le tableau. Il pouvait nous faire revenir le samedi pour travailler une poésie. C’était une façon d’isoler l’élève. Nous étions des petites filles de 10 ans. » Elles se souviennent aussi de sévères brimades subies par leurs jeunes camarades garçons.

« Libérer la parole »

Elles vivent avec ce lourd passé, sur lequel elles peinent encore à s’exprimer. « Une enfance détruite », dit l’une d’elles. L’impossibilité de le partager à ses proches, la honte… « En revenant dans le Morbihan, raconte cette plaignante, la mémoire du traumatisme s’est ravivée en 2022, mon corps exprimait des maux. Je sentais que déposer plainte allait m’aider à me reconstruire. »

Elles ont trouvé la force d’en appeler à la justice, lorsque « nous nous sommes rendu compte que nous n’étions pas seules ». Quatre d’entre elles écrivent conjointement au procureur de la République, en mars 2024. Elles racontent dans un courrier ce qu’elles ont subi dès 1969, à Étel. Et elles s’interrogent : pourquoi celui qu’elles accusent a-t-il pu agir aussi longtemps ? « Nous souhaitons ardemment que la direction diocésaine prenne ses responsabilités ». Selon elles, « au gré des mutations de cet instituteur, elle ne pouvait pas ne pas savoir ».

Pourquoi l’action judiciaire n’est pas éteinte

Malgré le décès de l’auteur soupçonné des faits, qui reste présumé innocent, l’action judiciaire n’est pas éteinte. L’enquête se poursuit « afin d’entendre toutes les éventuelles plaignantes, soumet le vice-procureur. Il s’agit de leur permettre de pouvoir recevoir le soutien, le cas échéant, de France victimes. »

Éric Pouder continue : « Si des infractions connexes impliquant d’autres personnes que le mis en cause principal devaient être découvertes, des poursuites ne seraient pas à exclure. Rien n’indique en l’état que cela soit le cas. »

C’est aussi pour ces raisons que les six femmes, réunies en collectif, lèvent le voile et parlent à Ouest-France. « Même si les faits sont prescrits pour nous, nous voulons que cela soit su et nous en appelons aux témoignages de femmes qui ont pu être abusées. Il s’agit de libérer la parole ». Déjà, deux autres femmes, soutenant leur démarche, ont annoncé « vouloir porter plainte ». Le mail du collectif : victimes.ecoles.privees.etel@gmail.com

La direction de l’enseignement catholique sidérée

La direction de l’enseignement catholique du Morbihan tient d’emblée à exprimer sa « sidération complète devant l’ampleur des faits révélés dans la presse ». «  C’est juste insoutenable. Nous ne pouvons que témoigner notre soutien aux victimes en mesurant la souffrance engendrée. Nous condamnons fermement ces violences révoltantes, en contradiction avec nos missions éducatives », partage avec émotion le directeur, Laurent de Beaucoudrey.

Sollicitée par la gendarmerie en janvier, la direction de l’enseignement catholique coopère pleinement avec les enquêteurs, apportant tous documents et éléments sur « le déroulement de carrière » du mis en cause.

« La protection des mineurs est une priorité absolue pour l’Enseignement catholique du Morbihan qui entend tout mettre en œuvre pour libérer la parole des victimes, pour que d’autres potentielles victimes osent parler et que celles-ci puissent être reconnues dans ce qu’elles ont vécu. » Laurent de Beaucoudrey s’y engage : « Il n’y aura aucun filtre. Ce sera une démarche déterminée pour que la lumière soit faite ».

Une cellule d’écoute est mise en place pour recueillir la parole des victimes de ces abus. Le mail : cellule.ecoute.56@e-c.bzh

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Source: https://www.ouest-france.fr/societe/faits-divers/une-enfance-detruite-six-femmes-denoncent-les-abus-sexuels-dun-ancien-instituteur-e59b5516-ff5e-11ef-889b-49069a321526

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/suicide-dun-ex-instituteur-du-morbihan-vise-par-des-plaintes-pour-viol-six-femmes-temoignent-of-fr-13-03-25/

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