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Le premier ministre a fermé la porte, ce dimanche, à la possibilité d’un retour à 62 ans de l’âge légal de départ, torpillant les conclaves en cours avec les syndicats, qui dénoncent des propos « scandaleux » et « incompréhensibles ». La ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin, et le ministre de l’Économie, Eric Lombard, ont quant à eux divergé sur la marche à suivre.
Par Hayet KECHIT.
Il avait affirmé qu’il n’y aurait, sur le sujet, « ni totem ni tabou ». Il n’a pas fallu deux mois à François Bayrou pour se dédire. Enjambant allégrement le calendrier de onze rendez-vous prévus avec les syndicats, d’ici au mois de mai, sur la question de l’abrogation de la réforme des retraites, le premier ministre, interrogé ce dimanche sur France Inter, a asséné un non cinglant à l’éventualité d’un retour à 62 ans de l’âge légal de départ à la retraite (contre 64 ans dans la loi), au prétexte que le contexte international, marqué par la guerre en Ukraine, ne le permettrait pas.
« C’est absolument scandaleux », a réagi dans la foulée, auprès de l’Humanité, Denis Gravouil, secrétaire confédéral de la CGT chargé des négociations sur les retraites. Le représentant syndical dénonce « une trahison de la parole donnée aux organisations syndicales et aux parlementaires », qui est aussi, selon lui, l’aboutissement d’une stratégie visant, depuis plusieurs semaines, « à torpiller le processus de discussions en cours » (trois sessions de réunions sur onze ont déjà eu lieu). « Ceci est finalement cohérent avec les réelles positions de François Bayrou qui, en bon macroniste, est depuis toujours favorable à cette réforme, derrière sa très opportuniste façade d’ouverture au dialogue », analyse le syndicaliste.
« Cynisme absolu »
Il pointe par ailleurs le « cynisme absolu » consistant à dresser l’argument de la menace d’une guerre pour justifier cette volte-face : « La guerre, c’est le contraire du progrès social. Et c’est justement maintenant qu’il ne faut surtout pas céder sur nos fondamentaux », martèle Denis Gravouil.
Une position partagée par le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, qui a réagi, sur son compte X, au revirement du premier ministre : « Au nom de l’économie de guerre, François Bayrou dit ”non” au retour à la retraite à 62 ans. Voilà pourquoi nous dénonçons les discours guerriers qui alimentent les conflits et font aussi reculer les droits des travailleurs. Non à l’économie de guerre, oui au progrès social ! »
Du côté des autres syndicats, l’heure est également à la sidération. « La CFDT juge les propos de François Bayrou incompréhensibles », a ainsi déclaré son négociateur et secrétaire adjoint, Yvan Ricordeau, dans une déclaration à l’AFP, ajoutant que le prochain rendez-vous, prévu mardi 18 mars, « sera l’occasion d’une véritable clarification », tandis que, selon Denis Gravouil, « pourrait se poser, pour la CGT, la question de la continuité d’une participation » à ces conclaves.
« C’est aux partenaires sociaux de décider »
La prise de position du premier ministre a aussi mis en lumière un manque de coordination au sein de son gouvernement. Invité sur le plateau de BFMTV, dans la soirée du dimanche 16 mars, le ministre de l’Économie, Éric Lombard, s’est affirmé en accord avec François Bayrou… sur le fait que « c’est aux partenaires sociaux de décider ». Soit l’inverse de ce qu’a annoncé son supérieur quelques heures plus tôt.
« Si les partenaires sociaux souhaitaient que les 62 ans soient rétablis (…) les autres critères (devront être) modifiés, de façon très forte, pour être dans cette trajectoire d’équilibre », a expliqué le locataire de Bercy. Autre prise de parole et nouveau avis divergeant avec l’entretien, lundi 17 mars, d’Amélie de Montchalin au micro d’Europe 1 et de CNews.
« La retraite à 62 ans, avec le cadrage qui a été fixé de revenir à l’équilibre du système des retraites en 2030, ce n’est pas qu’on dise que c’est fini ou pas fini, c’est juste que ce n’est pas réaliste », a ainsi lancé la ministre des Compte publics, se rangeant derrière la position de François Bayrou. Les concertations entre syndicats et patronat, qui doivent se tenir jusqu’en mai, risquent donc d’être ponctuées de nouveaux rebondissements.
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