
Les fonctionnaires aux plus faibles revenus vont le plus pâtir de l’amputation de 10 % de leur indemnisation en arrêt maladie, prévue dans le budget 2025. Or, ils sont aussi les plus vulnérables aux problèmes de santé. Décryptage d’une double peine.
Par Hayet KECHIT.
Les fonctionnaires s’autoriseront-ils encore à être malades ? La question est loin d’être rhétorique pour les syndicats, alors que la baisse de 100 % à 90 % de leur rémunération durant les trois premiers mois de congé de maladie ordinaire est entrée en vigueur depuis le 1er mars.
Si cette mesure, imposée dans le budget 2025 et destinée pour l’exécutif à récupérer 900 millions d’euros par an, représente un coup de massue supplémentaire pour les 5,7 millions d’agents des trois versants (État, territoriale et hospitalière), ses conséquences s’annoncent particulièrement redoutables pour ceux qui appartiennent à la catégorie C de la fonction publique.
Aides-soignantes, cantonniers, agents d’entretien, Atsem (agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles), éboueurs… Ceux-là mêmes qui constituaient le gros des bataillons parmi les travailleurs dits « de première ligne » pendant le Covid sont aussi les plus mal payés et seront de facto le plus durement touchés par les deux décrets actant cette amputation de 10 % de leur indemnisation. Œuvrant majoritairement dans la fonction publique territoriale – dont ils représentent plus de 70 % des effectifs –, ces agents pourraient ainsi perdre, selon des estimations syndicales, plus de 200 euros pour 20 jours d’arrêt (en cumulant le jour de carence et cette baisse de l’indemnisation).
Une « paupérisation » des agents
Pour la secrétaire générale de la fédération des services publics CGT Natacha Pommet, le calcul est simple : « Leur salaire de base, c’est plus ou moins le Smic, et il évolue très peu, avec un gain dérisoire de 4 euros chaque année. Quand on leur enlève 10 % de leur rémunération, les effets sur la fiche de paie sont très violents », analyse la syndicaliste, qui estime que cette nouvelle donne va contribuer « à accroître la paupérisation » d’agents déjà sur le fil.
Ces salaires en berne ont, par ailleurs, pour effet domino de les priver, de manière encore plus rude que leurs collègues des catégories A et B (mieux rémunérés), de la capacité financière à souscrire une couverture prévoyance suffisante pour compenser ce trou dans leur salaire.
Comble de l’injustice, pour Stanislas Gaudon, président de la fédération des services publics de la CFE-CGC, ces agents « qui vont subir l’impact financier de plein fouet » sont aussi les plus vulnérables aux problèmes chroniques de santé. Un phénomène qui s’expliquerait par « une pyramide des âges plus élevée dans leurs rangs » – la moyenne dans la fonction publique territoriale est estimée à 46 ans, contre 44 ans dans la fonction publique tous versants confondus, et 41 ans dans le secteur privé – mais aussi par le fait que la plupart d’entre eux travaillent dans les filières techniques, où le corps est mis à rude épreuve. « Ce qui est scandaleux de la part de l’exécutif, c’est de ne pas avoir conceptualisé la question des arrêts maladie par branches métiers, au sein de la territoriale. Les agents de voirie, par exemple, qui ramassent les ordures ménagères, ont des problématiques de santé très spécifiques. Ils exercent des métiers très pénibles, avec, pour certains, des horaires atypiques, des gestes répétitifs qui provoquent des troubles musculo-squelettiques », pointe le syndicaliste.
À ses yeux, dès les premiers débats sur le budget, sous l’éphémère gouvernement Barnier, le sujet a été biaisé par les accusations « d’absentéisme », largement alimentées par l’ex-ministre de la Fonction publique Guillaume Kasbarian, alors que « le cœur du problème, c’est la QVCT (actions visant à améliorer la qualité de vie et des conditions de travail – NDLR) », qui n’a jamais été abordée dans les débats.
Travailler coûte que coûte, même malades
Dès lors, les deux représentants syndicaux s’accordent à anticiper un phénomène, où l’on verra ces agents – dont la plupart, selon Natacha Pommet, « arrivent à la cinquantaine complètement usés » – poussés coûte que coûte à continuer de travailler, quand bien même ils ne seront pas en état de le faire. Avec, pour effets prévisibles, une dégradation éventuelle de leur état, mais aussi la transformation des lieux de travail en « incubateurs à maladies », selon les termes de Stanislas Gaudon.
Autant de raisons qui expliquent la révolte persistante des syndicats face à une mesure jugée « stigmatisante, injuste et contre-productive ». À l’issue d’une réunion intersyndicale organisée le 10 mars, ils ont convenu d’un communiqué signé par l’ensemble des organisations (à l’exception de la CFDT et de l’Unsa), destiné à poser les jalons d’une mobilisation dans les jours à venir. Ils l’espèrent à l’image de celle du 5 décembre dernier qui, selon eux, a permis de peser sur la décision d’enterrer le décret concernant les trois jours de carence, initialement prévu dans le PLF proposé par Michel Barnier, avant de subir le couperet du 49.3.
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