
Plus de 400 Palestiniens ont été tués dans les bombardements israéliens dans la nuit de lundi 17 à mardi 18 mars. Le premier ministre veut reprendre la guerre avec l’accord des États-Unis.
Par Pierre BARBANCEY.
Le jour n’était pas encore levé sur la bande de Gaza. Tout le monde commençait à se réveiller pour faire la prière de l’aube, le fajr, et surtout pour avaler un repas de fortune, le seul de la journée, en ce mois sacré de ramadan. Lorsque le bruit des avions de chasse israéliens, si connu des Gazaouis, a commencé à se faire entendre, personne ne voulait vraiment se croire de nouveau plongé en enfer.
Pendant des heures, dans la nuit de lundi à mardi, les missiles se sont abattus, tuant des centaines de Palestiniens sans distinction d’âge ou de genre, détruisant les fragiles habitations que certaines familles avaient dressées avec des matériaux de fortune sur les ruines de leurs anciennes maisons, il y a deux mois, lorsque les armes s’étaient tues. Une fois de plus, les écoles et les centres de santé n’ont pas été épargnés. « L’hôpital Al-Ahli de Gaza est débordé par l’afflux massif de blessés, a fait savoir Hani Mahmoud, correspondant d’al-Jazira. Nous avons vu des familles entières (tuées) amenées ici, dont une de 26 personnes, composée de femmes, d’enfants et de personnes âgées. Nous avons vu une mère pleurer sur les corps de ses deux filles. »
404 Palestiniens tués et 562 blessés
Selon un bilan donné, mardi, en début d’après-midi, 404 Palestiniens ont été tués et 562 blessés. Des chiffres qui donnent l’ampleur humaine du désastre. Ces bombardements ont rompu le cessez-le-feu en vigueur depuis janvier et menacent de relancer la guerre qui durait depuis dix-sept mois et a fait plus de 44 000 morts, selon les chiffres du ministère de la Santé de la bande de Gaza.
Le cessez-le-feu conclu le 15 janvier, et entré en vigueur quatre jours plus tard, avait fait naître beaucoup d’espoir parmi la population gazaouie, soumise à un déluge de feu depuis le 8 octobre 2023, comme parmi les familles israéliennes dont certains des membres ont été enlevés lors de l’attaque perpétrée par le Hamas.
L’organisation islamiste avait tué plus d’un millier de personnes, et fait prisonniers quelques soldats et plusieurs dizaines de civils. Cet accord, approuvé par Israël et le Hamas (avec l’approbation des autres organisations palestiniennes) sous l’égide des États-Unis, de l’Égypte et du Qatar, est d’autant plus fragile qu’il prévoit trois phases.
La première courait sur six semaines et devait aboutir à la libération de 33 Israéliens, dont huit annoncés comme morts, en échange de 1 900 Palestiniens détenus par Israël. Avec la seconde, qui devait débuter le 1er mars, les protagonistes étaient censés entrer dans le vif politique du sujet avec la libération des Israéliens toujours captifs et celle de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes depuis des décennies.
Une nouvelle offensive dont on ne sait où elle s’arrêtera
Les noms de Marwan Barghouti et d’Ahmed Saadat, dirigeants palestiniens, étaient avancés. Mais, surtout, cette deuxième phase devait examiner les conditions de la fin de la guerre. En lieu et place, Netanyahou vient de donner le signal d’une nouvelle offensive dont on ne sait où elle s’arrêtera.
Le quotidien israélien Haaretz n’y va pas par quatre chemins, sans craindre d’être taxé de « pro-Hamas », lorsqu’il écrit : « Il n’y a pas d’autre explication : Israël a sciemment violé l’accord de cessez-le-feu avec le Hamas – avec l’approbation américaine – parce qu’il ne voulait pas respecter pleinement les termes auxquels il s’était engagé il y a deux mois. » Plus l’échéance du 1er mars approchait, plus on sentait une tension croissante du côté du gouvernement israélien.
Les différents courants d’extrême droite, très influents au sein de l’exécutif, se partageaient les rôles tactiques pour une même stratégie : poursuivre la guerre à Gaza, mener à terme l’entreprise génocidaire et, dans le même temps, accélérer le nettoyage ethnique en Cisjordanie, tout en créant des zones tampons au Liban et en Syrie.
Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, qui dirige le parti Force juive, symbole du suprémacisme juif, démissionnait le 19 janvier, trouvant « scandaleux » le cessez-le-feu. Le 18 mars, quelques heures après la reprise des bombardements sur Gaza, il a retrouvé son portefeuille gouvernemental. « Israël doit reprendre les combats à Gaza. C’est la démarche la plus juste, morale et légitime pour détruire l’organisation terroriste Hamas et ramener nos otages », a-t-il aussitôt écrit sur X.
Bezalel Smotrich, lui, du parti Sionisme religieux, fasciste israélien déclaré, n’a pas quitté son poste de ministre des Finances ni celui au ministère de la Défense en charge des territoires occupés. Il n’a eu de cesse de pousser à la reprise de la guerre. Le 9 mars, il révélait la création d’un département au sein de la Défense chargé de déplacer les Palestiniens de Gaza. « Des responsables de l’administration américaine m’ont dit : “vous ne pouvez pas permettre à deux millions de personnes qui haïssent Israël de rester si près de votre frontière” », lâchait-il, le 9 mars.
L’attaque perpétrée dans la nuit de lundi à mardi ne doit donc rien au hasard. Si l’attitude du Hamas et ses mises en scène inutiles lors de la libération des Israéliens détenus ont pu exaspérer, l’organisation palestinienne ne peut pas se permettre une reprise des opérations militaires. Malgré ses démonstrations de force, elle est d’autant plus affaiblie que ses alliés régionaux comme le Hezbollah libanais et l’Iran se trouvent dans une posture difficile. Et quand bien même le pourrait-elle, la population de Gaza ne le permettrait pas. Ce serait une erreur politique dont le Hamas, toujours existant malgré dix-sept mois de guerre, risquerait de ne pas se remettre.
Au début du mois de mars, Benyamin Netanyahou a présenté ce qu’il appelle un nouveau plan de cessez-le-feu américain – différent de celui accepté en janvier. Il l’a qualifié de « proposition Witkoff », du nom de l’envoyé du président américain Donald Trump pour le Moyen-Orient. Mais la Maison-Blanche n’a pas confirmé cette proposition, se contentant de déclarer soutenir toute action israélienne.
Ce nouveau plan exigerait du Hamas la libération de la moitié de ses otages restants – principal atout du groupe islamiste – en échange d’une prolongation de la première phase du cessez-le-feu de six semaines pendant le ramadan et la fête juive de Pessah, qui se termine le 20 avril. Israël n’a pas mentionné la libération de nouveaux prisonniers palestiniens – un élément clé de la première phase.
Forcer les Palestiniens à accepter le nouveau plan
Le Hamas avait rejeté cette « formulation » et avait appelé à ce que la deuxième phase se déroule comme convenu initialement. Sur les 251 personnes enlevées lors de l’attaque du 7 octobre 2023, 58 se trouvent encore à Gaza, dont 34 déclarées mortes par l’armée israélienne. Cette dernière offensive pourrait signifier qu’Israël les sacrifie tout en prétendant vouloir tous les récupérer. Dimanche, Tel-Aviv avait annoncé l’envoi de négociateurs en Égypte, ce qui s’apparente à un leurre.
Pour tenter de forcer les Palestiniens à accepter le nouveau plan, Netanyahou a décidé d’imposer un siège à la bande de Gaza début mars. D’où les mesures prises visant à interdire l’entrée de toute aide humanitaire, de médicaments, de fioul et l’arrêt total de la livraison d’électricité avec ses conséquences sur la vie quotidienne et sur les usines de dessalinisation de l’eau de mer.
Au même moment, le premier ministre israélien avait prévenu qu’il pourrait reprendre ses opérations militaires à Gaza si les négociations s’avéraient « inefficaces » pendant cette période. C’est ce qu’il vient de faire, « en totale coordination » avec les États-Unis, comme l’a affirmé, mardi 18 mars, David Mencer, un porte-parole du gouvernement israélien. « Le but des massacres commis par l’occupant à Gaza est de saper l’accord de cessez-le-feu et de tenter d’imposer un accord de reddition écrit avec le sang de Gaza », a fait savoir, à l’AFP, Sami Abou Zouhri, dirigeant du Hamas.
Ces attaques interviennent alors que Netanyahou subit une pression intérieure croissante, avec des manifestations de masse contre sa gestion de la crise des otages israéliens toujours retenus et sa décision de limoger Ronen Bar, le chef du Shin Bet, l’agence de sécurité intérieure israélienne.
Mardi, l’armée israélienne a émis un ordre d’évacuation dans les zones de Gaza frontalières d’Israël et parle d’une offensive qui durera « aussi longtemps que nécessaire ». Des familles palestiniennes ont commencé à quitter le nord prenant la direction du sud, des sacs et des couvertures empilés sur leurs têtes. Elles fuient la mort une fois de plus, abandonnées par une communauté internationale qui, certes, condamne, mais n’ose pas désarmer Israël.
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