Crise au GHBS : « En 20 ans, je n’ai jamais connu une telle situation », confie un médecin (LT.fr-21/03/25)

Des personnels du GHBS décrivent des conditions de travail qui se dégradent, notamment depuis l’arrivée du nouveau directeur en juillet 2023. (Vincent Le Guern)

Le GHBS est dans la tempête. Difficultés financières, sociales… Les premiers mois de Jean-Christophe Phelep, directeur de l’hôpital de Lorient, sont mouvementés. Son management est jugé délétère, lui estime travailler de la « façon la plus humaine possible ».

Par Céline Le STRAT.

 « Gestion opaque, annonces orales anxiogènes, rétropédalages récurrents ». Le 10 février dernier, le député Jean-Michel Jacques écrivait à la ministre de la Santé pour l’alerter sur le climat de tension qui entoure le Groupe Hospitalier Bretagne Sud, ciblant le directeur Jean-Christophe Phelep, arrivé à Lorient en juillet 2023. « En 20 ans de médecine, je n’ai jamais connu une telle situation », nous confie un médecin de l’hôpital du Scorff. Les députés du territoire se sont réunis, Fabrice Loher, maire de Lorient et président du conseil de surveillance, s’est saisi du dossier. Mais cet épisode médiatique n’est que l’arbre qui cache la forêt de difficultés rencontrées au GHBS et qui ne date pas d’il y a un an et demi. Le directeur a hérité d’une situation financière jugée alarmante avec 150 M€ de dettes, 8 M€ de déficit rien que pour le médico-social. « La situation globale du GHBS présente un niveau d‘ endettement global important, comme cela se constate dans d’autres hôpitaux », commente l’Agence régionale de santé ». Les conditions de travail se dégradent, les soignants sont à bout et ce n’est pas propre au GHBS mais, selon nos témoins, le diagnostic s’est alourdi depuis la nomination du directeur.

Tous les lundis, on avait 25 personnes âgées en attente d’hospitalisation depuis le vendredi

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Des lits d’hospitalisation complète ont continué à être transformés en hôpitaux de semaine. Le printemps a signé la fin du tunnel épidémiologique hivernal aux urgences mais le service a souffert pendant trois mois. « Tous les lundis, on avait 25 personnes âgées en attente d’hospitalisation depuis le vendredi », présente ce médecin urgentiste. L’externalisation du bionettoyage au Pôle femme mère enfant (PFME), actée en janvier dernier, est jugée « catastrophique » par Sud Santé Sociaux. « Il y avait quatorze agents bionettoyage au PFME, c’est moins chez le prestataire et c’est aux aides-soignantes de compenser ».

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« Un bulldozer »

Le directeur est arrivé chargé de sa réputation. Un « bulldozer » adepte du redressement de comptes sévère.La méthode Phelep détonne dans les couloirs. Les plus polis parlent d’une « personnalité compliquée », les autres d’un « stratège qui dit tout et son contraire ». « Un jour c’est blanc, le lendemain c’est noir », explique le syndicat Fédération autonome. « Il essaye de ne pas assumer les responsabilités de ce qu’il veut porter. Si vous lui envoyez un mail, il vous appelle pour ne pas qu’il y ait de traces écrites », décrit un cadre qui a quitté le GHBS, « car l’éthique professionnelle ne me convenait pas. Il y a beaucoup de départs, ça dit des choses ». Il est accusé de mener une politique du chiffre qui se ressent dans la cadence de travail des personnels qui déplorent la multiplication des journées en sous-effectifs. « Ça s’est clairement durci pour le personnel paramédical. Les accidents de travail ont explosé et c’est bien pour de la maltraitance au travail pas des entorses de cheville », témoigne un médecin des urgences.

J’essaye de faire les choses de la façon la plus humaine possible dans des conditions loin d’être évidentes

Un directeur qui veut déléguer

Jean-Christophe Phelep se défend de n’avoir pour seul objectif que faire des économies. Il met en avant, depuis son arrivée, le projet de délégation de gestion aux chefs de pôle, des médecins qui se verront attribuer un budget et les décisions qui vont avec. « Ma vision est de décentraliser au maximum la décision. Le but c’est que les soignants soient acteurs des projets ». Sud Santé y voit un « fractionnement des responsabilités et ses budgets. Est-ce que l’on remplace untel ou est-ce que l’on garde du budget pour la formation, le matériel ? Voilà à quoi ils vont devoir répondre ». Pour cet ancien cadre du GHBS, « la délégation de gestion c’est du contrôle financier plus que du management de projet. Ça permet d’éviter les accusations de direction hors sol mais c’est plus une manière de contrôler les dépenses que d’impulser un projet autour du médical ». Certains médecins sont aussi sceptiques « Si c’est pour avoir très peu de budget et ne rien pouvoir faire… ».  Jean-Christophe Phelep ne souhaite pas s’étendre sur les commentaires au sujet de sa personnalité. « J’essaye de prendre du recul. Des attaques personnelles, j’en ai très régulièrement, ce n’est pas toujours facile ». Il se défend d’être le cost killer (réducteur de coût) du GHBS. « J’essaye de faire les choses de la façon la plus humaine possible dans des conditions loin d’être évidentes ». Ces dernières semaines semblent avoir fait réagir le directeur qui a mis en place des réunions hebdomadaires avec les syndicats pour évoquer le protocole Ségur, la garde d’enfant, le protocole social, etc. « J’ai par ailleurs sollicité l’ARS pour une mission d’appui méthodologique afin d’aider au mieux nos chantiers de négociation qui sont nombreux », présente-t-il.


« Ils sont allés le chercher pour remettre l’hôpital à l’équilibre »

D’aucuns s’interrogent aujourd’hui sur la raison des réactions politiques au courrier de Jean-Michel Jacques alors même que le directeur a été nommé par le ministère de la Santé après des entretiens avec l’ARS, la présidente de la Commission médicale d’établissement et Fabrice Loher, président du conseil de surveillance. Le candidat directeur a-t-il à l’époque présenté un plan drastique d’économies ? « Non », assure Fabrice Loher. Je sais que je lui ai donné mes priorités pour l’hôpital dans cet ordre : qualité des soins, de vie au travail et questions financières. Quand vous choisissez un candidat d’un tel établissement vous avez quelques certitudes », expose Fabrice Loher.

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L’ARS nous répond sobrement que « la situation sociale du GHBS fait l’objet d’un suivi comme dans l’ensemble des établissements bretons » mais pour ce médecin elle n’ignorait pas le profil du candidat. « Le directeur est un peu la cible facile. L’ARS connaît son style. Ils sont allés le chercher pour remettre l’hôpital à l’équilibre. Il n’a clairement pas été nommé pour ses projets pour Lorient. Il fait ce qu’il sait faire, il a toujours fait ça ».

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Source: https://www.letelegramme.fr/morbihan/lorient-56100/crise-au-ghbs-en-20-ans-je-nai-jamais-connu-une-telle-situation-confie-un-medecin-6783367.php

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