
Plusieurs associations contestent devant le Conseil d’État la validité du contrat de concession de l’A69 conclu entre l’État et Atosca. Son annulation pourrait davantage fragiliser ce projet d’autoroute.
Par Justin CARRETTE.
Toulouse, correspondance
C’est l’autre talon d’Achille de l’autoroute A69. Quelques semaines après la décision du tribunal administratif de Toulouse d’annuler l’autorisation environnementale de l’A69, suspendant ainsi le chantier, les opposants ont les yeux rivés sur le Conseil d’État. Celui-ci pourrait résilier le contrat de concession conclu entre l’État et Atosca, le concessionnaire de l’autoroute Toulouse-Castres. Une audience se tiendra dans les prochaines semaines à Paris, devant la plus haute juridiction administrative.
Depuis juin 2024, trois associations — Attac Tarn, Agir pour l’environnement et Les Vallons — ont saisi le Conseil d’État pour faire annuler ce contrat de concession. Il comporterait, selon elles, de nombreuses irrégularités, notamment une durée de concession « anormalement haute » de cinquante-cinq ans.
Pour les autoroutes, la durée de concession est calculée en fonction du temps nécessaire au contractant « pour qu’il obtienne un retour sur investissement », explique Jean-Baptiste Vila, maître de conférences en droit public à l’université de Bordeaux. Le juriste, auteur de plusieurs ouvrages sur le droit des concessions, précise : « Dans le cas de l’A69, l’État a l’article L1121-1 du Code de la commande publique confirme que le risque financier doit reposer sur le concessionnaire, et que l’État ne doit pas accepter un prolongement du contrat dans le seul but de rassurer des investisseurs.
Christophe Lèguevaques, l’avocat toulousain portant la requête des associations devant le Conseil d’État, est lui aussi catégorique. « Il n’y a pas de transfert de risque dans ce contrat et nous demandons à ce titre sa résiliation. Non seulement le chantier est suspendu, mais si ce contrat est annulé, tout le processus de négociation entre l’État et le concessionnaire devrait reprendre depuis le début, ce qui prendrait du temps. Cela rendrait le dossier de l’A69 quasiment impossible », explique l’avocat par téléphone.
Un coût surestimé ?
Les associations émettent également de sérieux doutes quant au coût réel estimé par le concessionnaire pour la construction, l’exploitation et l’entretien de l’A69 pendant la durée du contrat. Soit environ 1,1 milliard d’euros, bien trop selon les opposants. Pour eux, Atosca aurait ainsi pu surestimer l’investissement de base afin d’obtenir une durée d’amortissement plus importante, et donc un contrat de concession plus long.
Les opposants et leurs avocats n’ont cependant pas accès aux chiffres précis ni aux détails des calculs, occultés dans ce dossier au titre du secret des affaires. Contactés, le ministère des Transports et Atosca n’ont pas souhaité répondre aux questions de Reporterre.
Si le contrat de concession est annulé, l’article L3136-7 du Code de la commande publique prévoit que le concessionnaire peut prétendre à une indemnisation des dépenses qu’il a déjà engagées, si ces dépenses « ont été utiles » à l’État. Selon Atosca, environ 240 millions d’euros ont déjà été dépensés pour le chantier de l’A69.
Une information largement contestée par le collectif La Voie est libre, qui juge le montant surestimé. Il a ainsi saisi la Cour des comptes le 12 mars dernier pour faire la lumière sur ces chiffres.
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Source: https://reporterre.net/A69-la-tres-longue-concession-de-55-ans-dans-le-viseur-de-la-justice
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