
30 000 personnes ont manifesté le 22 mars, à Paris, contre le racisme et le fascisme. Dans le cortège, plusieurs associations écologistes ont rappelé que l’extrême droite détruit « à la fois nos vies et la planète ».
Par Amélie QUENTEL & NnoMan CADORET (photographies).
Paris, reportage
« Le fascisme, c’est dégueulasse / Les antifas, les écolos, c’est trop la classe. » Dans le cortège parisien de la manifestation contre le racisme et le fascisme, samedi 22 mars, une trentaine d’activistes de Greenpeace et d’Action Justice Climat (AJC) chantent sur fond de techno. Leur sono est installée sur un vélo, sur lequel trône une affiche verte du meilleur effet : « Préservons la (bio)diversité de la nature et de la société. » C’est que, pour les militants écologistes présents à cette marche des solidarités — qui a rassemblé, à l’appel de plusieurs organisations, 30 000 personnes à Paris selon la CGT, 21 500 selon la police [1], les luttes écologistes et antiracistes sont plus que jamais « indissociables », comme nous le dira Léa [*], membre des Soulèvements de la Terre.
« Nous sommes là en soutien de tous les gens qui se battent contre les discriminations racistes, islamophobes, antisémites, LGBTophobes. Ce combat pour une société plus juste et égalitaire, sur une planète vivable, est partie intégrante de la lutte écolo », indique Virginie, 38 ans, le regard vif sous sa casquette Greenpeace.
Réélection de Donald Trump aux États-Unis, bollorisation des médias français, expulsion violente par la police des 500 jeunes exilés qui occupaient la Gaîté lyrique, à Paris, le 18 mars dernier… Pour la jeune femme, face à la « montée des idées de l’extrême droite », il est urgent de « réaffirmer nos valeurs d’humanisme et de solidarité ».

Même discours chez le directeur de Greenpeace France, Jean-François Julliard : « Se battre pour l’environnement, c’est se battre contre le capitalisme patriarcal et donc contre le racisme et les discriminations. Cet enjeu est depuis quelques années mieux compris par le mouvement écolo, et cela aurait été invraisemblable pour nous de ne pas participer à cette marche. »
Alors que la branche étasunienne de Greenpeace vient d’être condamnée à verser 665 millions de dollars (615 millions d’euros) à un pétrolier aux États-Unis, le militant ne veut pas « sombrer dans le défaitisme ». « Quand on prend des coups de bâton de partout — on a le sentiment que l’écologie n’a jamais autant été maltraitée qu’aujourd’hui —, il faut continuer à porter notre voix », explique-t-il, tandis que le camion d’Urgence Palestine passe devant lui.

« Une violence contre tout ce que nous défendons »
Sacha, membre de Planète Boum Boum, d’AJC et des Amis de la Terre, tient d’ailleurs à évoquer « le génocide en cours à Gaza » ou encore la guerre en Ukraine : « On assiste à une bordelisation de la politique internationale et notre pays n’est pas à la hauteur. Cela fait totalement sens que les assos écolos participent aujourd’hui : la défense du vivant, c’est aussi celle des humains. »
Pour l’activiste de 33 ans, si « l’offensive de l’extrême droite en France touche actuellement les populations les plus discriminées », le rouleau compresseur est tel que « c’est toute la société civile, dont le mouvement écolo, qui va être touchée si l’extrême droite prend le pouvoir ; on en a d’ailleurs eu un avant-goût avec la répression de Sainte-Soline en 2023 [contre les mégabassines] ».
Ainsi, à l’heure où des « groupuscules écofascistes » reprennent les argumentaires écologistes à des « fins fascistes » — « localisme », « Zones identitaires à défendre », etc. —, il est essentiel selon lui que « le mouvement écolo réaffirme son positionnement en faveur d’une société inclusive et solidaire ». Sa camarade d’AJC Lucie, 26 ans, confirme : « L’extrême droite est dans son ADN même climatosceptique, sachant que le dérèglement climatique touche davantage les plus précaires, les quartiers populaires et les outre-mer. »

Dans le cortège — largement investi par La France insoumise, au cœur d’une polémique autour d’une affiche de Cyril Hanouna, retirée depuis, qui reprenait les codes des caricatures antisémites des années 1930 —, on croise aussi la députée écologiste Sandrine Rousseau, vent debout contre « l’alliance entre le centre, la droite et l’extrême droite en France », ou encore des membres de Scientifiques en rébellion. « Aujourd’hui, on a l’impression qu’une fake news est équivalente à un rapport du Giec », se désole par exemple Milan, chercheur en sociologie.
Des activistes d’Extinction Rebellion sont aussi de la partie, dont Sébastien, 47 ans : « La destruction de notre planète est liée au capitalisme colonial, et la violence raciste de l’extrême droite est une violence contre tout ce que nous défendons. » Et d’ajouter, tandis que non loin de lui les militants de Greenpeace et d’AJC hurlent que « la jeunesse emmerde le Front national » : « En tant qu’activistes écolos qui sommes davantage protégés que les exilés, les sans-papiers, etc., il est de notre devoir que de nous mobiliser à leurs côtés. »

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Source: https://reporterre.net/Face-au-fascisme-les-ecologistes-mobilises-veulent-porter-leur-voix
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