
Le projet de loi de Simplification agit comme une fossoyeuse des instances de dialogue u menu des coupes à blanc prévues près avoir été supprimé lors de débats sur la loi de Simplification, le Conseil national de la montagne vient d’être rétabli. Récit d’un rétropédalage.
Par Laury Anne CHOLEZ .
C’est l’histoire d’un sauvetage sur fond d’amateurisme. Un rétropédalage dans l’examen de la loi de Simplification de la vie économique qui s’annonce comme une régression démocratique et environnementale.
Le 10 avril, le Conseil national de la montagne (CNM), un espace de dialogue dédié aux politiques publiques de la montagne, a été rétabli. Il avait été supprimé le 24 mars dernier, provoquant la colère des associations écologistes.
Mountain Wilderness, France Nature Environnement (FNE) et la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM) avaient publié un communiqué dénonçant « un recul démocratique majeur », ainsi qu’un « signal désastreux, à rebours des grands défis actuels ».
Ces associations participent au CNM aux côtés des professionnels du secteur, syndicats, ONG et élus. Les sujets sont variés : développement des stations de ski, conflits sur la gestion des ressources en eau, protection des espèces naturelles, pastoralisme, etc. Il a notamment réfléchi aux déclinaisons de la loi Climat et Résilience dans ces territoires de haute altitude.
Le fossoyeur du Conseil national de la montagne s’appelle Christophe Naegelen, député des Vosges sans étiquette et membre du groupe Liot. Lors du vote au sein de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi de Simplification, il a déclaré vouloir supprimer cette instance qui ne s’était pas réunie « au cours des trois dernières années ». Pourtant, sa commission permanente avait organisé une journée de travail le 24 mars 2024.
Qu’importe, pour l’élu, qui a proposé de le liquider « dans un but de clarification et d’efficience du paysage institutionnel, sachant que d’autres canaux peuvent être empruntés pour instaurer un dialogue entre l’État, les élus locaux et les acteurs économiques des zones de montagne ». Parmi ces autres canaux, Christophe Naegelen songeait entre autres à l’Association nationale des élus de la montagne (Anem).
Pour Jean-Pierre Vigier, président de l’Anem et député de Haute-Loire (Les Républicains), il ne s’agit pas du tout du même outil. « L’Anem est une association d’élus. [Le CNM] est un lieu de concertation entre tous les acteurs, où chaque partenaire vient discuter de l’avenir de la montagne », explique-t-il à Reporterre.
Incompréhension du ministère
Cet amendement a également surpris le ministère de la Transition écologique. Le 20 mars, quatre jours avant la suppression du CNM, Agnès Pannier-Runacher lui avait confié une mission. « Il nous faut réinventer cette montagne et ce sera un des grands enjeux de la mission que je confierai au Conseil national de la montagne », avait-elle déclaré lors du festival Agir pour les glaciers, à Bourg-Saint-Maurice (Savoie).
Sans surprise, le gouvernement a donc publié un communiqué affirmant « son soutien au Conseil national de la montagne » et rappelant la mission qui lui a été confiée : « Dresser un retour d’expérience du plan Avenir Montagnes et élaborer une feuille de route pour les années à venir, en particulier pour l’adaptation de ces territoires au dérèglement climatique. »
« Nous avons besoin d’instances de concertation »
Il devrait donc se réunir d’ici l’automne prochain, selon Jean-Pierre Vigier, de l’Anem. De quoi rattraper son retard, après des mois de pause. « C’est au Premier ministre de convoquer le Conseil. Et les deux dernières années ont été compliquées à cause de la dissolution [de l’Assemblée nationale]. Ce qui a pu faire dire à certains qu’il ne servait à rien », explique Marie-Noëlle Battistel, députée de l’Isère et ancienne membre du CNM.
Qui précise : « On veut supprimer cet espace au moment où les citoyens sont plus en plus demandeurs de ces instances, puisque les projets sont de plus en plus difficiles à accepter. La montagne va être frappée de manière importante par le réchauffement climatique. Nous devons aussi préparer les Jeux olympiques 2030 [dans les Alpes]. Il faut construire un nouveau modèle et nous avons besoin d’instances de concertation. »
Fausse alerte
Comment expliquer qu’un élu d’un département de montagne comme Christophe Naegelen propose donc de le supprimer ? Sans doute « par méconnaissance de son fonctionnement », avance Marie-Noëlle Battistel. Pour elle, il ne peut s’agir d’une question financière. « La présidence du comité est bénévole, le budget doit être ridicule », assure-t-elle, sans toutefois pouvoir fournir de chiffre précis. La page Wikipédia du CNM évoque 51 000 euros par an, un montant que les ministères de la Transition écologique et celui de la Ruralité n’ont pas pu nous confirmer.
Contacté par Reporterre, Christophe Naegelen parle, lui, de 80 à 90 000 euros. Mais ce n’est pas l’argument financier qui aurait motivé son amendement. L’élu des Vosges souhaitait incitait le gouvernement à mieux utiliser cet outil. « C’était une alerte, un appel à la mobilisation pour attirer l’attention », assure-t-il.
Proposer la suppression d’une instance pour mieux la sauver… Une stratégie étonnante, ou un coup de pression pour qu’elle soit plus « efficace », qu’il défend. « Si je ne suis pas un peu provocateur, comment arriver à un résultat ? C’est le seul texte sur lequel je suis rapporteur depuis quelques années. Je fais avec les moyens du bord. »
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Source: https://reporterre.net/Menace-de-suppression-le-Conseil-national-de-la-montagne-sauve-de-justesse
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