
@ Lemor David/ABACA
Le groupe parlementaire de la France insoumise et six députés communistes ont saisi, jeudi 10 avril, le Conseil constitutionnel sur la loi « visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte ». Adoptée le 3 avril dernier au Sénat et le 8 avril à l’Assemblée nationale, elle étend aux deux parents et à un an le laps de trois mois jusqu’ici nécessaire à un parent résidant régulièrement sur le sol français pour que son enfant obtienne la nationalité.
Par Tom DEMARS-GRANJA
L’adoption définitive de la loi « visant à renforcer les conditions d’accès à la nationalité française à Mayotte », le 3 avril dernier au Sénat et le 8 avril à l’Assemblée nationale renforce un système répressif. La législation spécifique à l’archipel situé dans l’océan Indien impose – depuis 2018 – aux enfants nés sur place d’avoir un parent résidant régulièrement sur le sol français depuis au moins trois mois au moment de la naissance, pour obtenir la nationalité.
Les parlementaires des deux chambres ont choisi d’étendre ce délai à un an et aux deux parents. Des députés de gauche veulent néanmoins peser sur ce débat jusqu’au dernier moment. Le groupe parlementaire de la France insoumise (LFI) et six députés du Parti communiste français (PCF) ont saisi, jeudi 10 avril, le Conseil constitutionnel sur la loi visant à durcir les conditions du droit du sol à Mayotte. Ils estiment que cette proposition de loi porte atteinte à plusieurs principes, notamment « d’égalité » et de « non-discrimination ».
« Ils sont dans la posture idéologique »
Le tout alors que la tempête Chido a dévasté le territoire, plongeant ses habitants dans une détresse qui germait depuis des années, entre une pauvreté qui rongeait les conditions de vie et un État obnubilé par ses débats sur l’immigration et l’intégration. « Chaque crise offre une possibilité xénophobe, regrettait Daniel Gros, référent local de la Ligue des droits de l’homme (LDH), interrogé par l’Humanité. (Les élus) ne sont que dans la posture idéologique. »
Le texte adopté par le Parlement mardi 8 avril – soutenu par le Rassemblement national (RN), le gouvernement et le bloc central – « s’éloigne très fortement du droit commun applicable au reste de la France, qui ne prévoit aucune condition de résidence régulière et ininterrompue des parents », estiment les auteurs du recours.
Elles créent notamment « une rupture d’égalité disproportionnée entre les enfants de parents étrangers naissant à Mayotte et ceux naissant sur le reste du territoire national, et elles créent une discrimination eu égard à l’origine ». Les signataires de la FI et du PCF estiment que cette loi de 2018 n’a, même si on s’inscrit dans la logique des parlementaires qui l’ont porté (du centre à l’extrême droite), pas rempli ses fonctions. Elle n’a ainsi « pas fait l’objet d’un bilan afin d’établir si le but recherché – lutter contre l’immigration irrégulière – était satisfait par la dérogation au droit du sol ».
Les députés de gauche interpellent le Conseil constitutionnel sur des chiffres qui « démontrent le contraire », alors que le nombre de « naissances de mères étrangères » n’a pas diminué depuis la première restriction du droit du sol. En 2022, sur 10 773 nouveau-nés à Mayotte, « 8 101 avaient une mère étrangère, un chiffre en hausse de 14 % par rapport à 2018 ». De même pour le nombre de primo-délivrances de titres de séjour, qui n’a pas non plus diminué : « 3 226 en 2020 contre 3 753 en 2023, selon le ministère de l’Intérieur ». Problème : son locataire, Bruno Retailleau, relais de l’extrême droite, est obnubilé par sa guerre contre « l’immigration illégale mais aussi l’immigration légale ». Et ce, quelque soit la réalité de la situation sociale et politique à Mayotte… comme dans le reste de la France.
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