Lili, ambulancière, a fait une tentative de suicide sur son lieu de travail, à Brest.( LT.fr – 24/11/22 – 20h37 )

« Je témoigne pour faire passer le message à tous qu’à partir du moindre signe de décrochage, il faut appeler à l’aide, sans passer à l’acte comme je l’ai fait », explique Lili.
« Je témoigne pour faire passer le message à tous qu’à partir du moindre signe de décrochage, il faut appeler à l’aide, sans passer à l’acte comme je l’ai fait », explique Lili. (Le Télégramme/Catherine Le Guen)

Lili (*) est ambulancière depuis deux ans dans le pays de Brest, un métier qu’elle adore. Mais vendredi, elle a vécu une descente aux enfers qui l’a amenée à faire une tentative de suicide sur son lieu de travail. Elle témoigne.

Vendredi 18 novembre 2022, Lili, ambulancière chez Keolis santé Nord-Finistère, a avalé des anxiolytiques au siège de son entreprise après une matinée de travail très tendue. L’entreprise a vécu depuis le mois de juin une série de débrayages pour de meilleures conditions de travail et de salaires.

« Une pause repas à 10 h 52 »

« Vendredi, à 7 h 50, la régulation de Keolis m’a demandé de prendre en charge un patient pour 8 h. Je devais parcourir la distance entre Loscoat et la route de Quimper en dix minutes, à une heure de pointe, de l’inconscience ! Je suis arrivée avec 15 minutes de retard. Le patient qui devait se faire opérer était en stress. On aurait dû m’appeler à 7 h 30, pour ce rendez-vous programmé, mais l’entreprise fait des économies au détriment de notre santé et de celles des patients, pour ne pas nous payer ces quelques minutes de plus », évoque Lili.

J’ai pris un verre d’eau et j’ai envoyé un mail avec mes dernières volontés que j’avais rédigées il y a peu, parce que je ne voyais plus d’issue, et j’ai commencé à avaler des anxiolytiques. J’étais en larmes, au bout du rouleau

Comme tous les ambulanciers, Lili a un téléphone de service qui l’alerte pour de nouvelles missions. Les pauses lui sont imposées. « J’ai appris que ma pause repas aurait lieu à 10 h 52, alors qu’elle ne peut débuter qu’à 11 h. Je suis rentrée très énervée au local, je suis montée à la régulation et j’ai explosé en demandant à voir mon responsable qui m’a rejoint. J’ai pris un verre d’eau et j’ai envoyé un mail avec mes dernières volontés que j’avais rédigées il y a peu, parce que je ne voyais plus d’issue, et j’ai commencé à avaler des anxiolytiques. J’étais en larmes, au bout du rouleau. Mon chef m’a pris la boîte de médicaments et a appelé un médecin ».

« J’ai aidé une femme à accoucher »

Lili est en arrêt de travail. Elle a pris les devants pour se faire suivre par un centre spécialisé, le sommeil est compliqué et sa tension élevée. Mais elle reste attachée à son métier et à l’entreprise.

« Il y a eu un cumul depuis le 4 novembre et une absence de dialogue avec notre direction. Mais je suis passionnée par mon métier. Seule, j’ai déjà aidé une femme à accoucher en urgence et j’ai vécu l’extrême d’une réanimation cardiaque. Mais on vit tout cela pour 11,07 € bruts de l’heure », ajoute Lili, qui a deux emplois, « parce que les heures supplémentaires sont réduites ».

Je témoigne pour faire passer le message à tous qu’à partir du moindre signe de décrochage, il faut appeler à l’aide, sans passer à l’acte comme je l’ai fait

Désormais, elle essaie de rebondir. « Ce n’est pas évident, il y a la honte, la culpabilité, le dégoût de soi-même, la crainte du regard des autres. Je témoigne pour faire passer le message à tous qu’à partir du moindre signe de décrochage, il faut appeler à l’aide, sans passer à l’acte comme je l’ai fait. Il existe un numéro vert, le 3114».

Une enquête paritaire en cours

Interrogée, la direction a réagi par la voix de Renaud Sarabezolles, directeur de site de Keolis santé Nord-Finistère : « Une salariée a fait un malaise sur son lieu de travail, nous l’avons mise en sécurité. L’incident est suffisamment sérieux pour qu’il y ait une démarche paritaire en cours entre la direction et les représentants du personnel pour analyser les faits. Dans l’attente des conclusions, cette affaire est confidentielle ».

(*) Le prénom a été modifié


En complément

À Brest, les ambulanciers de Keolis Santé écrivent au ministre de la santé

Une grève déclenchée le vendredi 4 novembre 2022, avait été très suivie par les ambulanciers de l’entreprise de transport sanitaire Keolis Santé Nord-Finistère, qui a fusionné en décembre 2021 avec Jussieu Secours. Présente sur Brest et Saint-Renan, l’entreprise compte une centaine de salariés. Les grévistes avaient repris le travail le mercredi 9 novembre. Ils viennent d’adresser, ce jeudi 24 novembre 2022, une longue lettre au ministre de la Santé, François Braun, dont voici des extraits :

« Vous avez reçu hier les entreprises privées du Transport sanitaire, la parole des salariés n’a pas été entendue. La tentative de suicide d‘une de nos collègues vendredi sur notre lieu de travail nous pousse à vous solliciter pour essayer d’améliorer les conditions d’exercice de notre profession », écrivent les élus du CSE de Keolis Santé Nord Finistère, qui précisent : « Le salaire de base d’un ambulancier en 2022 est de 1 300 € net ».

« Nous sommes la seule profession du domaine médical à ne pas avoir été conviée au Ségur de la santé, ni bénéficié de prime Covid. Et pour cause, notre Convention collective dépend du ministère des Transports. Une aberration. Quand il s’agit d’obligation de vaccination contre la Covid, nous sommes pris en compte comme personnel soignant. Quand le virus figeait le monde, nous étions en première ligne. En revanche, le travail de nuit dans le monde du transport est reconnu et récompensé. Pour nous, c’est le contraire, pour 12 heures travaillées de nuit, la consigne à Keolis santé est de 10 heures rémunérées… Comment dans ces conditions inciter les personnes à devenir ambulanciers ? Notre profession manque de reconnaissance. Au même titre que les pompiers, nous sommes missionnés par le Samu pour aller porter secours, de jour comme de nuit… ».

Auteur : Catherine Le Guen

Source : Lili, ambulancière, a fait une tentative de suicide sur son lieu de travail, à Brest – Brest – Le Télégramme (letelegramme.fr)

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