
Tandis que le rachat de l’équipementier automobile, négocié depuis plus d’un an, était sur le point d’aboutir, le financier expatrié en Belgique s’est, selon nos informations, retiré de la vente sans explications à la veille de la signature.
Par Lionel VENTURINI.
Tout était prêt, sauf le paraphe des hommes de Pierre-Édouard Stérin. Engagé depuis dix-huit mois, le rachat de l’équipementier automobile GMD par une émanation du fonds Otium capital du milliardaire devait se solder par un accord le mardi 22 avril, sous l’égide du CIRI, le Comité interministériel de restructuration industrielle au ministère de l’Économie.
Le lendemain, jour prévu pour la signature de l’accord, patatras, les représentants du fonds Otium Capital (Montyon) ne viennent pas au rendez-vous et se mettent aux abonnés absents, sans explications. Prêteurs, actionnaires, repreneurs, tous étaient pourtant tombés d’accord pour la reprise d’un groupe endetté, écrit sobrement le PDG, Alain Martineau, à l’ensemble des salariés, pour qui « cette absence soudaine de signature, dans un environnement déjà marqué par de nombreuses incertitudes, est profondément regrettable ».
« Un manque de respect envers les salariés »
Selon nos informations, le groupe de Pierre-Édouard Stérin avait pourtant récemment mis un coup de pression pour être le seul repreneur en lice, tandis qu’un groupe chinois, DSBJ, avait lui aussi déposé une offre de reprise du groupe employant plus de 5 000 salariés, dont 1 800 en France, sur 15 sites de production.
Depuis décembre 2023, Bercy, à travers le CIRI, suit de très près la cession de ce groupe avortée brutalement. « Nous, élus, a réagi l’intersyndicale, avions demandé que cette rencontre soit l’occasion d’obtenir des engagements fermes sur l’avenir industriel et social du groupe GMD, les emplois, les accords d’entreprise et la pérennité des sites en France. Force est de constater que cette réunion a été marquée par une absence de contenu concret, tant sur le plan industriel que sur la stratégie à court, moyen et long terme. Aucun plan d’investissement, aucune garantie sur l’emploi ou sur la non-restructuration n’ont été fournis », précisent les élus du groupe, regrettant « le manque de respect dont font preuve certains acteurs envers les salariés et leur avenir ».
Suivez leur regard… « Nous poursuivrons notre mobilisation et nos échanges avec les autorités compétentes, écrivent encore les élus syndicaux de GMD, (… ) afin que l’avenir du groupe GMD ne soit pas décidé dans l’opacité, ni bradé à un acteur sans vision industrielle ».
En interne, c’est la stupeur devant une attitude de Stérin jugée « irresponsable » et qui de surcroît fragilise le groupe engagé dans différents appels d’offres des constructeurs automobiles.
Quand l’absentéisme s’ajoute à l’irresponsabilité
Coïncidence ? Ce revirement brutal du milliardaire expatrié fiscal en Belgique intervient pile au moment où les députés animent la commission d’enquête parlementaire à l’Assemblée nationale sur l’organisation des élections. Ces derniers ont fait savoir leur agacement. Le financier catholique conservateur, qui entend peser sur les élections à venir à travers son plan Périclès, refuse à ce stade de venir répondre sous serment à toutes les questions soulevées par ce plan révélé par l’Humanité en juillet 2024.
Dans ce communiqué commun, rappelant leurs démarches précédentes à l’endroit de Pierre-Édouard Stérin pour « s’enquérir » sans succès « de ses disponibilités », le macroniste Thomas Cazenave et l’insoumis Antoine Léaument laissent entendre très explicitement que la prochaine convocation du milliardaire et son fondé de pouvoir Arnaud Rérolle, le 6 mai prochain, a intérêt à être la bonne.
« Nous prenons acte de la réponse apportée par Arnaud Rérolle ce 22 avril en son nom et en celui de Pierre-Édouard Stérin, écrivent-ils. Nous les convoquons donc de nouveau le 6 mai prochain pour une audition à laquelle aucune absence ne sera cette fois tolérée, la commission d’enquête étant souveraine sur le choix des personnes qu’elle souhaite auditionner (…) Nous nous réserverons dès lors d’utiliser tous les moyens à notre disposition pour faire respecter la loi. »
Stérin et Rérolle risquent en théorie, s’ils refusent de comparaître ou de prêter serment, deux ans d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende. Un rappel souvent salutaire : en 2018, lorsque la commission d’enquête sénatoriale l’avait menacé de venir le chercher entre deux gendarmes, Alexandre Benalla s’était finalement présenté de lui-même.
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