
La parole à un cheminot, conducteur de train, syndicaliste à Paris-Nord, alors que sont lancés plusieurs appels à la grève dans la semaine du 5 mai.
Par la rédaction d’IO
Dans quel état d’esprit sont tes collègues cheminots ?
Depuis des mois, les colères montent dans les dépôts. À Bordeaux, le 10 mars, des dizaines d’agents de conduite se sont mis en grève (88 % de l’effectif). Ils ont recommencé le 11 avril avec un peu plus de grévistes encore, avec une revendication simple : l’augmentation des salaires. Depuis, d’autres dépôts veulent suivre. Mais l’absence d’unité syndicale freine, encore, une mobilisation d’ampleur.
Pourquoi cette colère chez les conducteurs ?
Ça fait plus de dix ans que nos salaires n’ont pas suffisamment augmenté. Pendant ce temps, tout augmente autour de nous. Un des éléments principaux de notre rémunération s’appelle la prime traction. Elle évolue en fonction des kilomètres parcourus, et de tout un tas d’autres éléments abstraits. La prime traction est devenue un système obsolète, incompréhensible, inefficace.
C’est le flou le plus total, et en plus, c’est aléatoire : on ne sait jamais combien on va toucher. Les collègues n’en peuvent plus. Le traitement (salaire de base sans aucun autre élément de rémunération) n’est pas en reste, il n’augmente plus suffisamment non plus, contrairement aux grandes annonces de la SNCF.
Et du côté des organisations syndicales ?
La base est en colère, mais en haut, les fédérations sont figées. À Paris-Nord, malgré deux réunions intersyndicales, aucun accord n’a été trouvé. La CGT appelle à la grève les 5, 6 et 7 mai. Sud Rail n’appelle que le 7. FO, de son côté, n’a pas de stratégie nationale, la main est aux régions : pour Paris-Nord, ça sera les 5, 6 et 7 mai en appelant les autres à se mettre d’accord pour faire front commun.
Mais les fédés restent arc-boutées sur leurs lignes. Après deux réunions, le constat est clair : chacun, pour le moment, tire la couverture à soi.
Quelles conséquences pour le mouvement ?
Ça le freine clairement. Si les fédérations ne s’entendent pas, la mobilisation sera affaiblie. Ce n’est pas ce qu’on veut. Il faut un vrai front commun, sur le fond et sur la stratégie.
L’attente aujourd’hui des conducteurs, c’est un conflit important, supporté par l’ensemble des organisations syndicales, parce qu’ils savent que la seule façon d’obtenir quelque chose, c’est par la grève dans un mouvement de masse.
Et dans les autres métiers ?
La colère dépasse les conducteurs. Sud Rail appelle les métiers du commercial (agents en gare, guichets, etc.) à la grève le 5 mai, sans passer par une intersyndicale. Les agents du matériel, eux, seront en grève le 6 mai, toujours à l’appel de Sud Rail, sans passer par une intersyndicale.
Et chez les contrôleurs, une grève est prévue les 9, 10 et 11 mai, dates proposées par Sud Rail, choisies par le collectif national ASCT, et soutenues par FO. La CGT, elle, appelle les contrôleurs à se mettre en grève en même temps que les conducteurs.
Chaque secteur est en mouvement, mais en ordre dispersé.
Alors, que faire ?
Il faut le dire franchement : si les fédérations ne s’entendent pas, c’est aux cheminots de décider. Ce sont les travailleurs qui doivent imposer leurs décisions. Ce qu’il manque aujourd’hui, c’est un vrai cadre d’unité, où les bases syndicales se parlent, au-delà des rivalités d’appareil. On ne peut pas attendre indéfiniment que les sommets syndicaux se mettent d’accord. La colère est là, elle est profonde, et elle exige une riposte commune, sans plus attendre.
Propos recueillis le 19 avril.
°°°
Source: https://infos-ouvrieres.fr/2025/04/24/a-la-sncf-la-colere-est-la-elle-est-profonde/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/a-la-sncf-la-colere-est-la-elle-est-profonde-io-fr-24-04-25/