
François Bayrou, le Premier ministre le plus impopulaire de la Ve République, vient d’exposer son programme de coupes dans toutes les dépenses, sauf l’armée et la répression.
Par Nicole BERNARD.
Personne ne s’étonnera de son acharnement contre les dépenses de la Sécurité sociale. Bien que lâché par la CGT et Force ouvrière d’un côté, par l’U2P (L’Union des entreprises de proximité) de l’autre, il a toujours l’intention d’aggraver la réforme des retraites de 2023.
La ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, Mme Vautrin, nous dit tout sur la position du gouvernement sur la Sécurité sociale : « Depuis le temps qu’on fait des replâtrages, un modèle aussi déficitaire que celui-là est quelque part un chef-d’œuvre en péril. D’où la nécessité de partager le péril et de voir comment chacun est prêt à faire un effort pour garder le modèle. » (Le Figaro du 16 avril).
200 milliards d’aides aux entreprises sans contrepartie ne l’émeuvent pas mais 15 milliards de déficit de la Sécurité sociale, c’est autre chose ! Et Mme Vautrin de demander aux retraités et aux malades de se serrer la ceinture.
Elle a trouvé une aide auprès de Pierre Moscovici, président de la Cour des comptes depuis 2020, toujours prêt à attaquer la Sécurité sociale : « En continuant comme cela, on va flinguer notre modèle social ». En continuant quoi ?
En continuant à réduire le nombre de médecins ? En continuant à imposer une austérité permanente aux hôpitaux ? En diminuant le taux de prise en charge de la Sécurité sociale ?
Ce n’est évidemment pas cela qui le contrarie. Non. Ce qui le contrarie c’est que « La France est un des pays qui dépense le plus en santé et où le reste à charge est un des plus faibles ».
C’est aussi un des pays, avec l’Espagne et l’Italie où l’espérance de vie est la plus élevée. Et justement, c’est là que le bât blesse !
Trop de vieux
Le directeur de la Cnam, Thomas Fatôme, qui parle de santé avec les mots d’un financier, s’interroge : « Quand vous avez 100 000 à 200 000 personnes diabétiques ou atteintes de maladies cardiovasculaires en plus par an, ce sont des volumes très importants ».
Qu’entend-il par là ? C’est trop ? Les morts coûtent moins cher ?
Combien de temps allons-nous encore supporter que les responsables de la Sécurité sociale parlent comme des directeurs de banques ?
Pour Mme Vautrin, toujours elle, trois types de mesures doivent être envisagées : « La non-dépense, la création de richesse et l’efficience ». La non-dépense ? Tout le monde comprend. La création de richesse, c’est l’allongement de la durée de travail. Et l’efficience ?
Encore une fois, c’est Pierre Moscovici qui donne les arguments. Si on peut parler d’arguments.
Pour la Cour des comptes,
2,5 % des hospitalisations pourraient être évitées. Au moment où de plus en plus de malades ont du mal à trouver une place à l’hôpital, au moment où pour certains traitements, il faut parcourir plus de 100 km, cette préconisation apparaît d’un cynisme inégalé !
Comment la Cour est-elle arrivée à ce chiffre ? En comparant les résultats par départements : les écarts reflètent une mauvaise « efficience ».
La Cour en profite pour s’indigner qu’il reste encore une vingtaine de maternités effectuant un nombre insuffisant d’accouchements. Leur fermeture rapporterait jusqu’à 1,2 milliard d’euros. Et des difficultés supplémentaires pour les femmes et les bébés !
Six milliards d’euros pour les transports sanitaires, c’est beaucoup trop1. La Cour des comptes et les gouvernements qui l’utilisent imposent aux hôpitaux de prendre plus de malades en ambulatoire et trouvent, ensuite, les frais de transport trop élevés !
La prévention est insuffisante. La Cour des comptes peut-elle nous indiquer comment développer la prévention avec 70 % du pays en « désert médical » ? Un seul exemple ? La gynécologie médicale. Comment développer la prévention avec :
– 11 départements sans gynécologue médical (GM) ;
– 2 départements avec un seul GM.
La guerre contre les malades et les retraités continue.
Pour financer, entre autres, la guerre contre les peuples.
ECLAIRAGE LA FIN DU 100 % ? Une autre piste d’économies est évoquée sous le nom de « bouclier sanitaire ». Selon la Cour des comptes : « Il serait possible de repenser le champ des soins remboursés par l’Assurance maladie obligatoire en fonction du revenu des assurés comme cela est appliqué en Allemagne ». La Cour ne s’attarde pas mais il n’est pas difficile de comprendre que cela pourrait être le cœur de la « réforme ». Le ministre de l’Économie y adhère : « Être remboursé à 100 % des médicaments quand on a des revenus supérieurs à la moyenne, est-ce vraiment indispensable ? », feint-il de s’interroger ! Le 100 %, c’est la bête noire de tous les financiers qui veulent en finir avec la Sécu de 1945. 66 % des dépenses de l’Assurance maladie y sont consacrées. Ce qui est totalement normal puisque la Sécurité sociale a été érigée pour permettre à TOUT LE MONDE de se soigner et, pour cela, de pouvoir bénéficier de tous les traitements existants. « Les plus riches seraient moins rapidement protégés par le bouclier sanitaire ». Ce qui veut dire ? Les « riches » auraient une franchise de 3 à 5 % du revenu. Si on prend le revenu médian selon l’Insee, soit 2 030 euros par mois (soit 24 330 euros pour l’année), la franchise pourrait donc représenter 1 216 euros par an (1). C’est une autre logique qui n’a strictement rien à voir avec 1945. Avec un tel dispositif, le gouvernement s’assure du montant des dépenses selon le seuil et le pourcentage retenu ! C’est la fin du « à chacun selon ses besoins » et son remplacement par la maîtrise des dépenses selon les recettes. À comparer avec la franchise annuelle actuelle de 50 euros. |
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