« Bravo Monsieur Mélenchon » – La chronique du directeur de la prestigieuse revue américaine Harper’s (LI.fr-6/05/25)

Mélenchon. « Il possède un culot admirable dont nous avons grand besoin en Occident, et plus en particulièrement en Amérique ». La citation est signée John Rick MacArthur, figure de la vie intellectuelle et médiatique aux États-Unis d’Amérique. Directeur de la prestigieuse revue Harper’s Magazine, celui qui est aussi historien produit une chronique mensuelle au magazine Le Devoir. Dans son dernier billet, il revient sur les déplacements internationaux du leader insoumis au Canada et aux États-Unis, et notamment la conférence tenue à l’université de la ville de New-York (CUNY). Là où s’est affiché ce culot « dans toute sa splendeur ».

John R. MacArthur salue le courage de Jean-Luc Mélenchon au regard du « collimateur trumpien ». Il détaille les réactions enthousiastes de la foule, nombreuse, venue écouter le fondateur de LFI, mêlant applaudissements, rires et ovation. Surtout, John. R MacArthur s’adonne à un travail qu’aucun journaliste français, ou trop peu, ne se donnent la peine de réaliser. Un travail d’analyse. Il reconnaît lui-même que « ses pensées (de Mélenchon) sont simplement trop complexes à résumer ou à digérer facilement pour un simple journaliste ».

Une honnêteté qu’on ne verra pas chez CNEWS. Au total, dans son billet, le grand reporter américain retient les grandes lignes de la réflexion intellectuelle versée par le fondateur de LFI à son auditoire. La critique de l’obscurantisme trumpiste portée par le capitalisme en crise. La noosphère accaparée par les GAFAM. Le poids des médias en France contrôlée par 9 milliardaires. La conclusion est limpide : « Bravo Monsieur Mélenchon ». L’insoumission relaie dans ses colonnes son texte.

« Deux heures plus tard, une ovation de 400 et quelques admirateurs. Bravo, monsieur Mélenchon. »

Je ne suis pas indifférent aux défauts de Jean-Luc Mélenchon, toujours le chef de file de la gauche française malgré les nombreux efforts pour le marginaliser dans les médias, y compris de la part de ses « alliés » de centre gauche. La personnalité souvent égoïste et accablante, parfois tyrannique, du fondateur de La France insoumise agit comme un repoussoir chez certains de ceux qui pourraient, en principe, l’appuyer contre le mouvement croissant de l’extrême droite en France. Quant à ses choix tactiques, il y a de quoi les critiquer, même chez ses partisans.

Toutefois, ce type possède un culot admirable dont nous avons grand besoin en Occident, et plus particulièrement en Amérique. Ce culot s’est affiché dans toute sa splendeur le soir du 21 avril lorsque Mélenchon est intervenu dans l’auditorium bondé du CUNY Graduate Center (le Centre des hautes études de l’Université de la ville de New York) sur la 5e Avenue, presque en face du plus célèbre gratte-ciel de New York, l’Empire State Building.

Déjà, voyager dans le collimateur trumpien paraît plutôt extraordinaire de la part d’un gauchiste français, voire courageux. Ce n’est pas pour rien qu’un ami journaliste, quasi sérieux, m’a dit qu’il était « étonné que le lobby [israélien] le laisse parler dans le climat actuel. J’espère, a-t-il ajouté, qu’il ne va pas être interpellé pour antisémitisme, terrorisme et expédié à Guantánamo ». L’atmosphère était en effet tendue pour une première visite aux États-Unis, accentuée par le fait que Mélenchon parle à peine l’anglais.

En remerciant — d’abord en anglais avec son « accent terrible » — ses hôtes du Centre pour la presse, la culture et la politique, Mélenchon a avoué : « je me rends compte des risques en ce moment aux États-Unis » — risques pour les hôtes autant que pour les invités. Vite reconverti à sa langue maternelle, il a affirmé que « l’Université Columbia avait annulé l’invitation qu’elle [lui] avait faite, mais que CUNY avait tenu bon ».

Politicien chevronné, Mélenchon a en tiré du profit — et des applaudissements : « Je vais vous dire, mesdames, messieurs, dans quatre ans, dans quelques mois, lorsque vous direz, vous, les étudiants de CUNY, que vous avez un diplôme de CUNY, tout le monde saura aux États-Unis d’Amérique que vous avez un diplôme d’une université où a régné la liberté de l’esprit. »

Pas forcément. À part la chaîne YouTube de Mélenchon et mes collègues des revues américaines de gauche Jacobin et la Nation, je crois bien avoir été le seul témoin journalistique de service de l’événement. Même le correspondant du Monde basé à New York, que j’ai croisé plus tard dans un autre quartier de Manhattan, n’y était pas. Peut-être qu’il n’en avait pas été informé.

Pour aller plus loin : À New York, Jean-Luc Mélenchon s’attaque à l’obscurantisme trumpiste

Dans sa bataille ambitieuse pour une « révolution citoyenne », Mélenchon ne cherche plus à convaincre l’ordre établi de sa valeur et semble préférer le contact direct (ou par hologramme) avec la foule. Il méprise les médias traditionnels, et les médias traditionnels le méprisent. Durant ses dernières campagnes présidentielles, Mélenchon a beaucoup utilisé les plateformes numériques afin de contourner les journaux et la télévision. À quoi bon essayer de séduire Le Monde, le grand journal du centre gauche qui le déteste, ou les médias qui lui sont ouvertement hostiles de Vincent Bolloré, homme de l’extrême droite.

Rappelant à l’auditoire la minuscule marge par laquelle il a manqué de passer au deuxième tour dans l’élection présidentielle de 2022, Mélenchon a noté à quel point « se concentre sur nous, depuis le début, la haine absolue de toute l’oligarchie, de toute sa presse. En France, neuf personnes possèdent 90 % des médias du pays. Neuf personnes, 90 % des médias du pays, répète-t-on matin, midi, et soir. Nous sommes antisémites ; ça dépend de la saison. Nous avons d’abord été chavistes. Quoi qu’on dise, la réponse était le Venezuela ». Des rires partout !

Cela dit, et quelles que soient les différences politiques entre lui et Hugo Chávez, Mélenchon partage avec le dictateur latino une caractéristique désagréable : celle de trop parler trop longuement et de déclamer parfois avec des phrases d’un ton qui voudrait soumettre l’auditoire plutôt que le convaincre. Pas que Mélenchon, habile en espagnol, joue le caudillo, ou qu’il ait des ambitions dictatoriales, mais j’ai remarqué que la partie questions et réponses à CUNY s’est déroulée presque à sens unique avec l’interlocuteur officiel, et que le public n’a pas été invité à y participer.

Je connais bien la capacité des journalistes à verser dans la caricature simpliste. Et c’est peut-être que là se trouve l’autre faiblesse électorale de Mélenchon. Quand il se détend devant la foule, ses pensées sont simplement trop complexes à résumer ou à digérer facilement pour un simple journaliste.

« Le capitalisme de notre époque porte un obscurantisme — d’abord parce qu’il ne comprend pas que le doute est la base de la raison et la raison est la base de la science, et il n’y a pas de doute là où il n’y a pas de contradiction possible. Nous savons cela depuis Descartes […] mais aujourd’hui le capitalisme produit une autre forme d’obscurantisme. Tout le savoir humain du passé, tout le savoir humain du présent, est capté et stocké dans ce que j’ai appelé la noosphère. Toute l’humanité est dans la noosphère numérique, et cette noosphère a été appropriée — elle est devenue la propriété privée des GAFAM. »

Et ainsi de suite. Deux heures plus tard, une ovation de 400 et quelques admirateurs. Bravo, monsieur Mélenchon.

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Source: https://linsoumission.fr/2025/05/06/bravo-monsieur-melenchon/

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/bravo-monsieur-melenchon-la-chronique-du-directeur-de-la-prestigieuse-revue-americaine-harpers-li-fr-6-05-25/

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