« Les peines doivent avoir du sens ! » : les agents de probation mobilisés en Finistère (OF.fr-6/05/25)

« Stop au virage du tout sécuritaire de la politique carcérale », dénoncent Charlotte Cloarec du Snepap FSU et Ronan Guéguiniat de la CGT, représentants syndicaux des agents du Service pénitentiaire d’insertion et de probation de Brest (Spip) qui se sont mobilisés ce mardi 6 mai 2025. | OUEST-FRANCE

Malgré leur statut spécial, les empêchant d’avoir le droit de grève, les 60 agents du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Finistère, entre Brest, Quimper et Morlaix, se sont mobilisés ce mardi 6 mai 2025. Pour dire « stop au virage du tout sécuritaire de la politique carcérale ».

Par Frédérique GUIZIOU.

Malgré les contraintes induites par leur statut spécial, les empêchant d’avoir le droit de grève, les 60 agents du Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) du Finistère se sont mobilisés ce mardi 6 mai 2025, entre Brest, Quimper et Morlaix.

Ces professionnels, qui travaillent à la prévention de la récidive pour les personnes placées sous main de justice, incarcérées ou pas, disent « stop au virage du tout sécuritaire de la politique carcérale ». Entretien avec les représentants syndicaux Charlotte Cloarec, du Snepap FSU, et Ronan Guéguiniat, de la CGT, pour lesquels « les peines doivent avoir du sens ».

Pourquoi cette mobilisation nationale, ce ras-le-bol général ?

Notre inquiétude, au niveau national, c’est de voir s’intensifier les orientations de politique pénale ultra-répressives. La répression, c’est scientifiquement prouvé, est inefficace, non productive. Depuis la nomination de Gérald Darmarnin comme Garde des Sceaux, nos moyens diminuent, les budgets baissent. Nos missions, comme l’accompagnement des personnes vers la sortie de la délinquance, sont mises à mal. Pour la 3e année consécutive, il n’y aura aucune création de poste alors que les Spip manquent de 1 200 postes pour fonctionner normalement. Nos formations dédiées au cœur de notre métier, comme la sécurité active, la posture d’autorité sans être autoritaire, sont également annulées. Seuls sont maintenus le tir, la neutralisation, l’autodéfense. Ça crée forcément des tensions entre le personnel et les détenus.

Comment et combien suivez-vous de personnes ?

À Brest, nos 20 agents suivent 900 personnes en probation et environ 460 à la maison d’arrêt. Ce nombre, important, varie chaque jour. Ce flux restant permanent, les modalités d’intervention sont compliquées. On veut pouvoir bien évaluer les situations, les conditions d’incarcération, la préparation de la sortie. Ce parcours, qui comprend plusieurs entretiens et des réunions interdisciplinaires, prend du temps. Il faut prendre en compte les fragilités, la dangerosité ou le potentiel des personnes avant d’activer les actions qui les aideront à changer positivement leur mode de vie. Bref, on veut bien faire notre boulot !

Quelles approches préconisez-vous pour lutter contre la délinquance ?

C’est inefficace d’investir dans la sécurité passive et dans les murs des prisons. Pourquoi construire des prisons coûteuses si on ne met rien d’intéressant à l’intérieur ? La proposition de réintroduire de très courtes peines, par exemple, nous paraît absurde. Le changement prend du temps. Mais la détention provisoire domine, notamment en comparution immédiate. On veut mieux se concentrer sur l’évaluation et la prévention de la récidive. On est fiers de contribuer à la sécurité collective. On fait un bout de chemin avec les personnes qui nous sont confiées.

Pourquoi remettez-vous en question l’incarcération ?

On a trop de gens incarcérés pour des délits mineurs. L’incarcération systématique ne marche pas. Regrouper des personnes aux profils identiques dans des conditions de détention sévère aboutit statistiquement à une augmentation de la récidive. Aujourd’hui, la surpopulation carcérale atteint des sommets avec plus de 83 000 détenus. Une politique encore plus sécuritaire et punitive ne fera qu’aggraver cette situation. Cette surenchère s’accompagne d’une stigmatisation des personnes incarcérées.

Vous ciblez les politiques et les magistrats ?

Toutes les solutions existent déjà, on n’a pas besoin de nouvelles lois. Mais les politiques sont trop engagés dans la course à celui qui tapera le plus fort. Gérald Darmanin promet le retour des quartiers haute sécurité (QHS), l’isolement systématique, la limitation drastique des activités en détention et des liens familiaux. Autant de mesures contraires au droit, à la dignité humaine et à nos engagements internationaux. Punir quelqu’un ne le fait pas changer. Par crainte, peut-être, de perdre du pouvoir, les magistrats ne comprennent pas bien l’intérêt des peines de probation. Qu’ils considèrent trop comme une faveur ! C’est loin d’être le cas : au lieu de quatre mois sans rien faire en détention, les gens doivent venir discuter avec nous sur deux ans ; c’est une punition différente à leur conduite antisociale. Les peines doivent avoir du sens.

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Source: https://www.ouest-france.fr/societe/justice/les-peines-doivent-avoir-du-sens-les-agents-de-probation-mobilises-en-finistere-30f9d7a4-2a7e-11f0-91b6-c53abcaa71f4

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/les-peines-doivent-avoir-du-sens-les-agents-de-probation-mobilises-en-finistere-of-fr-6-05-25/↗

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