Le conclave sur les retraites continue, malgré que les confédérations FO et CGT et l’organisation patronale U2P l’aient quitté. Il se réunit toutes les semaines, et pas que pour la forme !
Par Pascal SAMOUTH .
« Une semaine après avoir décidé d’ouvrir une discussion sur la retraite par capitalisation, le 30 avril, les cinq organisations syndicales et patronales participant à la concertation sur les retraites ont commencé à discuter d’une future réorganisation du pilotage du système de retraite du privé, qui pourrait à terme être confié aux partenaires sociaux sur le modèle de l’Agirc-Arrco » nous apprend Liaisons Sociales Quotidien du 6 mai 2025.
Quel est actuellement le « pilotage » du système de retraites du privé ? L’assurance vieillesse est une branche de la Sécurité sociale, installée par les ordonnances du 14 octobre 1945 qui ne souffraient pas d’ambiguïté : « Il est institué une organisation de la Sécurité sociale destinée à garantir les travailleurs et leurs familles contre les risques de toute nature susceptibles de réduire ou de supprimer leur capacité de gain, à couvrir les charges de maternité et les charges de famille qu’ils supportent. »
Les retraites complémentaires de l’Agirc-Arrco sont obligatoires depuis 1972 et sont gérées paritairement, sur un calcul par points, en dehors de la Sécurité sociale. Mais parler d’un « modèle de l’Agirc-Arrco » n’a aucun sens pour les droits à la retraite des salariés. Les droits à la retraite complémentaire sont alignés sur ceux définis par la Sécurité sociale, que ce soit sur l’âge de départ ou les droits indirects en cas de maladie, maternité, chômage, invalidité… Les paramètres sur lesquels les gestionnaires ont la main sont la valeur d’achat du point (le nombre de points en fonction du salaire brut), et sa valeur de service au moment de la retraite.
Associer les syndicats au « pilotage » des retraites
Sortir l’assurance retraite de la Sécurité sociale comme le préconisent les participants au conclave, c’est rompre les amarres avec la définition des règles communes à tous les salariés par la Sécurité sociale, donc par la loi et donner de fait un droit de veto au Medef puisque qui dit gestion paritaire dit accord des patrons sur les mesures à prendre. Si ce système-là avait été en place, il n’y aurait pas eu de Sécurité sociale en 1945, le patronat était contre, il n’y aurait pas eu de retraite à 60 ans en 1981, le patronat était toujours contre ! Les avancées sociales ont toujours été conquises, jamais octroyées de bonne grâce.
C’est d’ailleurs justement pour cela que les patrons mettent la proposition sur la table. En clair, le Medef, comme la CPME, veut éviter les mouvements de grève qui les menacent à chaque contre-réforme des retraites comme cela fut le cas en 1995, 2003, 2010 et 2019 et 2022.
Bien plus, en confiant le « pilotage » des retraites aux « partenaires sociaux », ils veulent associer les organisations syndicales à des décisions négatives au prétexte « d’équilibre financier » puisqu’ils déclarent taboue toute augmentation des cotisations. Les salariés seraient ainsi privés de tout point d’appui pour organiser la mobilisation quand le Medef revendique que soit confié à la discussion « paritaire » y compris l’âge de la retraite ! Et plus de possibilité non plus qu’un gouvernement élu majoritairement puisse abroger par la réforme des retraites de 2022. Et c’est ce qu’une participante au conclave ose appeler avec enthousiasme « instaurer une nouvelle ère ».
Quant au régime par points qui fait partie du « modèle Agirc-Arrco » qu’il faudrait appliquer au régime de base et dont la CFDT est une chaude partisane, n’oublions jamais ce qu’en avait dit François Fillon devant un parterre de patrons en mars 2016 : « Le système par points, en réalité, ça permet une chose, qu’aucun politique n’avoue : ça permet de baisser chaque année le montant de points, la valeur des points, et donc de diminuer le niveau des pensions ».
Après la retraite par capitalisation, le nouveau pilotage des retraites sur un modèle par points, revendiqué par les membres du conclave constitue bien un reniement des bases de la Sécurité sociale de 1945 qui garantit des droits collectifs. Il s’agit bien d’un danger pour toute la classe ouvrière et pour les organisations syndicales, qu’elles siègent ou non dans le conclave, dans lequel il ne faut pas mettre le doigt.
| ILS ONT DIT … Diane Milleron-Deperrois, Medef et présidente de l’Agirc-Arrco : « Le sujet de la retraite a connu une vie très heurtée au travers de réformes politiques successives entre 1993 et 2023, il nous semble qu’il faudrait passer à un pilotage à horizons car il est central dans l’économie française (14 % du PIB). » Éric Chevée, CPME : « Si on réussit à remettre le système à l’équilibre, on est légitimes à le piloter. » Fabien Guimbretière, CFDT : « Il y a globalement un consensus sur la volonté d’aller vers un pilotage pluriannuel des pensions, sur un modèle correspondant à celui de l’Agirc-Arrco ». Christelle Thieffinne, CFE-CGC : « On est sans doute en train d’instaurer d’une nouvelle ère, avec une place plus importante des partenaires sociaux, qui pourraient par exemple être davantage consultés notamment par les parlementaires lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale. » Frédéric Souillot, FO : « Gouvernance, financement… Mettons les interlocuteurs sociaux autour de la table pour négocier la protection sociale collective qui est un véritable choix de société sur laquelle ils ont toute légitimité. A Force ouvrière, nous appelons le gouvernement à nous saisir de ce sujet, non pas dans l’urgence, mais pour construire un compromis social à long terme. » |
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