
Au terme de sept heures de plaidoiries collectives ce mardi 20 mai 2025 devant la cour criminelle du Morbihan, 29 avocats ont embrassé ces trois derniers mois de procès. S’il a été beaucoup question du positionnement de l’accusé, les avocats ont replacé toutes les victimes au centre des débats. Et pointé les multiples dysfonctionnements déjà dénoncés.
Par Mélanie BÉCOGNÉE et Yvan DUVIVIER.
Vous jugez celui qui a inventé le crime sexuel de masse »,
commence Me Céline Astolfe, mardi 20 mai 2025, devant la cour criminelle du Morbihan. L’avocate de la Fondation pour l’enfance ouvre la première des trois plaidoiries collectives et thématiques des parties civiles : 29 avocats ont en effet décidé d’unir les voix
de 68 des 299 victimes de Joël Le Scouarnec, qui répond depuis trois mois de leurs viols et agressions sexuelles.
On ne connaîtra jamais le nombre exact de ses victimes »,
regrette Me Astolfe quand Me Isabelle Mascrier les chiffre à plus de 400
. À des milliers
renchérit Me Julia Delalez qui intègre les fratries, les parents noués par la culpabilité d’avoir remis leur enfant à un bourreau
, parfois de ne pas avoir cru leur enfant
.
Quant à Me Nathalie Bucquet et Me Mariama Condé, elles portent la voix des victimes prescrites, mémoires vivantes d’un crime impuni
, et des 97 qui ne se sont pas constituées partie civile. Autant de victimes oubliées
qui ne doivent pas rester des fantômes judiciaires
.
« On n’ose rien, on se tait »
Au-delà du procès en cours, il a été longuement question de l’enquête, de la violence des révélations, des choix de l’instruction notamment celui de n’expertiser qu’une centaine de victimes. Des victimes, souligne Me Cécile Bigre, pour qui se profile encore un long chemin pour se reconstruire et être indemnisées
.
Avant cela, c’est l’institution sanitaire qu’attaque, bille en tête, Me Jean-Christophe Boyer. Il parle de naufrage collectif
de médecins que ce procès a sorti du formol
; de trois conseils de l’ordre départementaux responsables de ne pas avoir protégé les patients. On n’ose rien, on se tait
. Seule la directrice de l’hôpital de Jonzac (Charente-Maritime), le 19 mai 2025, admet : J’ai dysfonctionné.
Virulent envers l’Agence régionale hospitalière (ARH), l’avocat de l’Enfant bleu l’est encore plus envers le ministre de tutelle, questionné le 6 mai 2025 par la députée de Vannes (Morbihan). Sa seule proposition, s’emporte Me Boyer, de faciliter l’accès de l’administration au casier judiciaire des médecins candidats, est une honte, une insulte aux victimes »
«Il a été, il est, il sera… »
Des responsables, et un coupable à tout le moins, à Vannes, un accusé qui, au fil du procès, a décrété ne plus être pédophile
. Mieux, ce mardi matin lors de son dernier interrogatoire, reprend Me Astolfe, il en a l’intime conviction
. Cette tentation de maîtrise atteint son acmé le 20 mars dernier avec le changement de stratégie du mis en cause, sur lequel Me Cécile de Oliveira ironise : Je ne me souviens de rien mais j’avoue, je reconnais tout.
Joël Le Scouarnec a été, il est et il sera pédophile »,
oppose en écho Me Mascrier. Après avoir conté à la cour la fable du scorpion et de la grenouille, elle cite les experts psys pour qui il n’existe pas de guérison de la pédophilie
. Me Francesca Satta enfonce le clou : Vous vous êtes délecté des crimes que vous avez perpétrés, repu de ces chairs fraîches. Il en est fini de vous, rejoignez votre cellule à tout jamais.
°°°
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/un-naufrage-collectif-laffaire-joel-le-scouarnec-resumee-en-sept-heures-par-29-avocats-of-fr-20-05-25/