Soutien à l’A69 : le grand malaise au Parti socialiste (reporterre 21/05/25)

Olivier Faure, Premier secrétaire du Parti socialiste, considère l’A69 comme « écologiquement absurde ». Ce qui n’a pas empêché des membres de son parti de voter pour, qui plus est dans le but de contourner la justice. – © XOSE BOUZAS / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

Jeudi 15 mai, le Sénat a adopté la proposition de loi visant à relancer les travaux de l’autoroute A69, suspendus par la justice. Le vote de plusieurs sénateurs socialistes en faveur de ce texte inquiète et divise la gauche.

Par Justin CARRETTE.

« C’est un affront à la représentation parlementaire ! » Christine Arrighi, députée écologiste de la Haute-Garonne, ne décolère pas. Jeudi 15 mai, le Sénat a largement adopté une proposition de loi pour reprendre les travaux de l’A69 et ainsi contourner la décision de justice du tribunal administratif de Toulouse. Et ce, avec les votes de treize sénateurs socialistes, tandis que le reste du groupe s’abstenait, et qu’un seul votait contre.

En février dernier, la justice avait annulé le projet autoroutier, estimant qu’il ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur dans le dossier. L’État a fait appel de cette décision et plusieurs parlementaires du Tarn, dont le sénateur Philippe Folliot et le député Jean Terlier, avaient décidé dans la foulée de surenchérir en proposant un texte au Parlement pour inscrire l’intérêt public de l’A69 directement dans la loi et ainsi contourner la décision du tribunal.

« C’est une initiative dangereuse pour l’État de droit »

Si le vote des sénateurs de droite et du centre ne faisait aucun doute, la surprise est plutôt venue de l’abstention et du soutien des sénateurs du PS. « C’est très surprenant de la part des socialistes. On aurait pu s’attendre à un vote contre cette loi, pour protéger notre État de droit et nos principes », déclare à Reporterre la députée écologiste Christine Arrighi, qui s’oppose depuis le début au projet autoroutier entre Castres et Toulouse. .

« C’est très grave, et cela ne concerne pas seulement le dossier A69 », affirme Christine Arrighi. Pour elle, « soutenir ce texte, c’est contraire à notre rôle de parlementaire. On est là pour voter la loi, établir une ligne de crête à ne pas dépasser. Et là, on propose carrément d’enjamber le droit, d’enjamber les règles que l’on fixe et que l’on vote. J’espère qu’ils vont se ressaisir ».

Anne Stambach-Terrenoir, députée LFI du même département, déplore une « violation flagrante de la séparation des pouvoirs ». Des juristes partagent également cette inquiétude. « C’est une initiative dangereuse pour l’État de droit », avertit Dorian Guinard, maître de conférences en droit public à Sciences Po Grenoble.

Consigne « trahie »

En interne, des cadres du Parti socialiste confient à Reporterre leur étonnement quant au soutien de certains sénateurs PS à cette loi. Le groupe socialiste au Sénat aurait décidé collégialement de ne pas prendre part au vote. Cette consigne aurait été « trahie » par les treize sénateurs qui ont apporté leur soutien à ce texte.

« Certains se sont affranchis de cette décision collective, c’est une très mauvaise surprise pour nous », nous confie l’entourage d’Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste. « Pour nous, la position du groupe au Sénat n’était pas la bonne. »

Un parti divisé

Parmi les treize voix dissidentes en faveur de cette proposition de loi, on retrouve certains poids lourds du parti, comme l’ancien coordinateur national du PS Rachid Temal et l’ancienne ministre déléguée Marie-Arlette Carlotti. Aucun d’entre eux n’a souhaité répondre aux sollicitations de Reporterre.

Ce vote traduit également une division au sein même du Parti socialiste sur la question de l’autoroute A69. D’un côté la ligne incarnée par Carole Delga, présidente de la région Occitanie et fervente défenseuse de l’autoroute, et de l’autre celle d’Olivier Faure, opposant à cette infrastructure qu’il juge « écologiquement absurde ».

Après son adoption au Sénat, le texte va être présenté à l’Assemblée nationale. Les travaux parlementaires autour de cette loi de validation débuteront mercredi 21 mai à l’Assemblée avec l’étude du texte en commission à partir de 15 heures, sous l’égide du rapporteur public, le député macroniste du Tarn Jean Terlier. Le texte sera ensuite soumis au vote des députés le 2 juin.

« J’attends des députés socialistes qu’ils ne participent pas à ce contournement de la justice »

« En tant que parlementaires, j’attends de la part des députés socialistes qu’ils fassent respecter la séparation des pouvoirs avant toute considération, et qu’ils ne participent pas à ce contournement de la justice », affirme à Reporterre la députée insoumise Anne Stambach-Terrenoir, « d’autant plus qu’avec les députés socialistes, nous portions l’idée d’un moratoire sur les projets autoroutiers dans le programme du Nouveau Front populaire lors des dernières législatives. Soutenir cette loi, ce serait également trahir ces engagements », affirme la députée insoumise, dont la circonscription est traversée par le chantier de l’A69.

Selon nos informations, les députés socialistes se seraient réunis mardi 20 mai et aurait collectivement décidé, « sans difficulté », de voter contre cette loi le 2 juin. Même si le texte franchissait également l’étape de l’Assemblée nationale, il risquerait encore d’être retoqué par le Conseil constitutionnel d’après certains juristes.

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Source: https://reporterre.net/Soutien-a-l-A69-le-grand-malaise-au-Parti-socialiste

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