Le ministre de l’Intérieur s’est ému du meurtre de Puget-sur-Argens, dénonçant son caractère raciste. Ce serait oublier qu’il est le premier à alimenter la stigmatisation des musulmans par ses prises de parole.
Par Cyprien CADDEO.
Bruno Retailleau est un homme de mots. Un ministre de l’Intérieur qui parle beaucoup, communique à l’excès, colonise le terrain médiatique. Fait notable, après le meurtre d’Hicham M. à Puget-sur-Argens par un sympathisant d’extrême droite, il a pris son temps pour réagir publiquement. Le résultat sort de son lexique habituel.
« Chaque acte raciste est un acte anti-français, parce que la France, c’est aussi la République française, et la République ne fait aucune différence selon les origines, selon la couleur de peau, selon les religions », a déclaré le nouveau patron des Républicains (LR), qui appelle également à une « réponse pénale implacable ».
Le rappel devrait relever de l’évidence, mais c’est loin d’être encore le cas à l’ère des médias Bolloré… et de Bruno Retailleau lui-même. Le ministre de l’Intérieur, transfuge de l’extrême droite catholique vendéenne et défenseur de « la civilisation judéo-chrétienne », est accusé de longue date par la gauche « d’alimenter un racisme d’atmosphère », selon les mots du premier secrétaire du PS, Olivier Faure.
« Barbares » et « régression vers les origines ethniques »
« Le ministre est en roue libre concernant son expression publique, il est le premier à renvoyer chacun à son expression cultuelle d’origine », dénonce Stéphane Peu, chef de file des députés communistes à l’Assemblée. « C’est aujourd’hui un responsable politique qui par ses mots dans l’espace public encourage au passage à l’acte et est un danger pour les musulmans de ce pays », estime en écho le député LFI Thomas Portes.
Le locataire de Beauvau a en effet plusieurs fois parlé d’une « société de l’ensauvagement » ou de « barbares », concernant les débordements après la victoire du PSG ce week-end – participant de l’idée d’une société minée par des ennemis de l’intérieur et au bord de l’implosion, fantasme agité par l’extrême droite. Il y a quelques semaines, sa réaction à l’assassinat d’Aboubakar Cissé dans une mosquée du Gard, où il avait résumé la victime à « un individu en situation irrégulière », avait déclenché un tollé.
Celui qui a plusieurs fois martelé que « l’immigration n’est pas une chance » mais plutôt une « submersion » laisse régulièrement entendre que les Français sont en danger, menacés d’invasion. Ayant scandé « à bas le voile » lors d’un meeting, il avait par ailleurs choqué, en 2023, après avoir renvoyé les révoltes en banlieue consécutives à la mort de Nahel à une « régression vers les origines ethniques ».
Alors Bruno Retailleau a-t-il vraiment pris la mesure de la nature du meurtre de Puget-sur-Argents ? Pour le moment, il s’est gardé de commenter le profil du tueur, supporter avéré du Rassemblement national. Un parti auquel Bruno Retailleau ne reproche rien si ce n’est son programme économique, qu’il estime « très à gauche ».
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