Bure : victoire judiciaire après sept ans de calvaire (reporterre-6/06/25)

Les trois militants ont passé des années à subir un lourd contrôle judiciaire. – © JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Trois militants antinucléaires poursuivis suite à une manifestation à Bure ont été relaxés le 5 juin par la cour d’appel de Nancy. Leur calvaire judiciaire pour un dossier qui « ne tenait pas la route » aura duré sept ans.

Par Hervé KEMPF.

L’acharnement judiciaire contre des militants opposés au projet d’enfouissement de déchets nucléaires à Bure (Meuse) s’est finalement conclu, mercredi 5 juin, par la déconfiture des autorités : le tribunal d’appel de Nancy a prononcé la relaxe des trois personnes qui restaient poursuivies pour « attroupement », Joël Domanjoud, Angélique Huguin et Florian Le Marrec, lors d’une manifestation le 15 août 2017.

« C’est un soulagement énorme, dit à Reporterre Joël Domanjoud. Cette procédure depuis des années représente beaucoup de souffrance, sur la toile de fond d’une répression très dure contre des dizaines de personnes. Mais notre victoire porte un message pour les autres luttes : avec persévérance et dans la solidarité collective, on vient à bout. Il n’empêche : la peine, c’est la procédure. »

Incendie et blessé grave

Ce calvaire juridique avait commencé en 2018 pour les trois militants, suite à cette manifestation à Bure en 2017 : celle-ci avait été l’objet d’une répression très brutale par la police et un militant, Robin Pagès avait même été gravement blessé au pied par une grenade. Quelques semaines plus tôt, au cours d’une autre manifestation, un court incendie s’était produit dans l’hôtel du laboratoire Cigeo, dont les circonstances n’ont jamais pu être établies par les enquêteurs.

Mais ces quelques flammes ont servi de prétexte à une poursuite judiciaire engagée par le juge d’instruction, qui s’est élargie à la manifestation elle-même et à une supposée « association de malfaiteurs », et pour laquelle l’État a engagé plus d’un million d’euros. Les militants poursuivis l’étaient au début pour huit motifs différents.

Pour l’un des avocats des prévenus, Me Matteo Bonaglia, « il s’est alors produit un dévoiement de l’instruction judiciaire pour viser les militants antinucléaires ». Un premier jugement en 2018 les a soumis à un contrôle judiciaire qui leur interdisait de séjourner dans le département de la Meuse et d’entrer en contact entre elles et eux.

« Toute la procédure a été un obstacle à la poursuite de la lutte »

« En fait, toute la procédure a été un obstacle à la poursuite de la lutte », dit Me Bonaglia. Mais les différents appels ont progressivement montré la vacuité du dossier d’accusation, et en septembre 2021, un premier jugement d’appel a permis que ces différentes contraintes soient levées. Mais il a fallu attendre une série d’appels et de recours en cassation pour parvenir, enfin, à la relaxe définitive des accusés, le 5 juin 2025.

Tous les autres motifs de poursuite s’étant écroulés les uns après les autres, il ne leur était plus reproché que « le délit de poursuite de la participation à un attroupement après les sommations de dispersion » lors de la manifestation du 15 août 2017. Sauf que, a conclu le tribunal d’appel de Nancy, « les pièces et les débats ne permettent pas » d’apporter la preuve que les sommations de dispersion des gendarmes ont été annoncées, entendues ou vues par les prévenus et que ces derniers ont pris part à l’« attroupement ». Autrement dit, les gendarmes n’ont pas respecté les règles et les enquêteurs avaient accusé sans preuves.

« Je salue l’institution judiciaire qui a vu que le dossier ne tenait pas la route », dit Me Bonaglia. « Mais il faut en tirer les leçons : l’autorité judiciaire doit faire preuve de retenue vis-à-vis des luttes et de la liberté d’expression. Le but de la justice n’est pas de réprimer des luttes, mais de sanctionner les auteurs de délits. »

Une filière nucléaire en détresse financière

La décision de justice intervient alors que le projet d’enfouissement de déchets radioactifs à Bure, dit Cigeo, n’est techniquement pas assuré et voit encore le coût prévisible de sa facture augmenter à plus de 37 milliards d’euros, comme l’a indiqué en mai l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs. Une détresse financière qui s’étend à toute la filière nucléaire, comme le montre le livre récemment paru de la journaliste de Reporterre Laure Noualhat, Le nucléaire va ruiner la France.

La lutte contre Cigeo reprend ainsi de la vigueur. Une grande « manif’ du futur » aura lieu à Bure le 20 septembre prochain. Pourquoi du futur ? Parce que, expliquent les organisateurs, « c’est tout à la fois le passé, le présent et le futur que le monstre vorace Cigéo exproprie et confisque pour une éternité ». Les déchets radioactifs, dangereux pour des milliers d’années, sont le legs empoisonné que l’industrie nucléaire va laisser aux générations futures.

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Source: https://reporterre.net/Apres-sept-ans-de-calvaire-relaxe-totale-pour-les-militants-de-Bure

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