
Ce métal lourd contamine les sols et l’organisme des Français. Tabac, alimentation, agriculture… Reporterre fait le point sur les solutions individuelles et collectives pour réduire les risques.
Par Benjamin DOURIEZ.
L’alerte est venue de médecins. Les Unions régionales des professionnels de santé-médecins libéraux (URPS-ML) ont exprimé le 2 juin « leur grande inquiétude » devant la contamination des Français au cadmium. Face à ce métal toxique, notamment présent dans les engrais phosphatés utilisés en agriculture conventionnelle, « l’État doit agir », assènent-ils dans un courrier au Premier ministre.
Ils remettent ainsi la lumière sur une problématique identifiée par les organismes sanitaires officiels depuis plusieurs années. En 2021, Santé publique France révélait une hausse de la contamination des Français, et surtout des niveaux d’imprégnation supérieurs à ceux constatés ailleurs en Europe.
Le constat est préoccupant, car la liste des potentiels effets sur la santé est longue : maladies rénales, atteintes osseuses de type ostéoporose, troubles de la reproduction, risque accru de cancer de la prostate et du sein, suspicion concernant le cancer du pancréas…
Si le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a annoncé un prochain assouplissement sur le remboursement des dépistages du cadmium, la vraie question est celle de la prévention. Mais comment pourrait-on se prémunir de ce métal lourd aux sinistres effets ?
- Arrêter de fumer
Ceux qui n’ont pas encore rompu avec la cigarette savent ce qui leur reste à faire : le tabac est un facteur majeur d’exposition au cadmium. Le niveau d’imprégnation d’un fumeur est augmenté de 53 % par rapport à un non-fumeur, selon les données de Santé publique France. L’organisme pointait en 2021 la nécessité de mieux lutter « contre le tabagisme, y compris passif ».
- Mieux choisir ses aliments
Toutefois, pour les enfants et les adultes non fumeurs, c’est bien le contenu des assiettes qui constitue la première voie d’exposition : 14 % des enfants dépassent la dose journalière tolérable par l’alimentation, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses).
Certains aliments ont une fâcheuse tendance à concentrer le cadmium, comme les abats, les algues, les crustacés et les mollusques. Avis aux gros consommateurs ! Mais la quantité moyenne consommée étant faible, ce ne sont pas ces aliments qui préoccupent le plus les spécialistes.
Les principaux responsables de notre exposition au cadmium sont plutôt à chercher du côté du pain, des céréales et produits dérivés (biscuits…) et des pommes de terre. Autrement dit, des produits de consommation quotidienne, dont il est difficile de se passer. À défaut de recommandations plus détaillées, l’Anses rappelle un conseil basique : la nécessité de « varier son alimentation ».
- Adapter les pratiques de culture
Pour réduire l’exposition des Français, les principaux leviers ne sont pas du ressort des individus, mais des pratiques agricoles. Les engrais phosphatés, notamment ceux utilisés en France, contiennent trop de cadmium. Depuis 2019, l’Anses recommande d’abaisser la teneur maximale. Elle n’a pas été suivie à ce jour.
Le métal apporté par les engrais s’accumule dans les sols, avant d’être absorbé par les plantes. Ces apports via la fertilisation s’ajoutent au cadmium d’origine naturelle et à celui issu de la pollution atmosphérique passée. Si bien que, pour Thibault Sterckeman, ingénieur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement et à l’université de Lorraine, le problème actuel réside surtout dans « le stock historique de cadmium dans les sols, qui va continuer à contaminer les récoltes pour longtemps, car il ne se dégrade pas et ne sort que très lentement des sols ».
Une autre piste consiste à sélectionner les variétés de blé ou de pommes de terre qui accumulent le moins le cadmium. Pour Thibault Sterckeman, c’est même la solution « la plus prometteuse ». Mais ce travail peut prendre des années.
- Manger bio, une solution ?
Dans leur alerte, les médecins des URPS-ML invitent le gouvernement à « soutenir très fermement » l’agriculture biologique. Ils rappellent une étude de 2014 dressant un bilan des données scientifiques disponibles : les cultures bio présentent une concentration en cadmium inférieure de 48 % en moyenne aux cultures conventionnelles.
D’autres sont plus prudents, estimant les données insuffisantes sur la contamination des cultures bio. Celles-ci peuvent être touchées via le cadmium stocké dans les sols, souligne Thibault Sterckeman : « Les parcelles bio sont souvent des parcelles conventionnelles récemment reconverties. La période de conversion [deux à trois ans] est suffisante pour éliminer les pesticides, mais pas le cadmium. »
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Source: https://reporterre.net/Contamination-au-cadmium-comment-s-en-proteger
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