
Le Conseil d’orientation des retraites (Cor) a laissé fuiter les conclusions de son prochain rapport formulant une conclusion sans appel : il faudrait encore reculer l’âge de départ à la retraite. Les chiffres de 64,3 ans en 2030, 65,9 en 2045 et 66,5 en 2070 sont avancés.
Par Gabriel CARUANA.
Le « conclave », mis en place par François Bayrou pour « aménager » la réforme des retraites, touche à sa fin. Avec le Medef et la CPME côté patronal, et CFDT, CFTC et CFE-CGC côté syndical, il ne reste que trois séances pour arriver à des conclusions, mais les discussions semblent patiner.
Fort opportunément, ces jours derniers, le Conseil d’orientation des retraites (Cor) a laissé fuiter un rapport formulant une conclusion sans appel : il faudrait encore reculer l’âge de départ à la retraite. Les chiffres de 64,3 ans en 2030, 65,9 en 2045 et 66,5 en 2070 sont avancés. On ne peut qu’être subjugué par une telle précision sur les estimations lorsque le même rapport est obligé de diviser par deux son estimation du prétendu déficit en 2030.
Mais qu’est-ce que le Cor ? Il a été installé par Lionel Jospin en 2000 comme « un service du Premier ministre » mais « indépendant », autant dire que la laisse a juste un peu de mou… Il intègre des parlementaires, des représentants des organisations patronales et syndicales, des universitaires, des personnalités « qualifiées ».
Et en 2002, dans la déclaration qu’il signait avec Jacques Chirac au sommet européen de Barcelone, Lionel Jospin définissait une orientation nette d’évolution des retraites : « augmenter progressivement d’environ cinq ans l’âge moyen effectif auquel cesse, dans l’Union européenne, l’activité professionnelle ».
Force est de constater que toutes les contre-réformes qui se sont succédé depuis cette date se sont mises dans les pas de cet objectif, le Conseil d’orientation des retraites n’étant à chaque étape qu’un instrument pour tenter d’obtenir, ou de se prévaloir, d’un « consensus » et d’un « diagnostic partagé ». Il est aujourd’hui tellement indépendant que son président, Gilbert Cette, est un proche de Macron, fervent soutien de la réforme de 2023.
retraite par capitalisation, « nouvelles gouvernances »
Le rapport qui a fuité n’a même pas été soumis à l’approbation du Conseil : autant dire qu’il s’agit directement d’une pression du sommet de l’état au moment où s’approche l’issue incertaine du conclave. L’énarque qui anime ce dernier prépare, selon Le Figaro du 7 au 8 juin, un scénario « pour rapprocher les positions des uns et des autres ».
Le quotidien explique : « Sur la question de l’âge et du partage de l’effort pour rééquilibrer le système d’ici 2030, la tâche s’annonce plus ardue. ». Il souligne toutefois : « Sur des sujets comme la retraite des femmes ou la future gouvernance du système de retraite, la tâche ne semble pas insurmontable, tout comme sur l’emploi des seniors ou la mise en place de dispositifs de retraites par capitalisation. ».
Retraite par capitalisation, nouvelle gouvernance… Et si le pavé dans la mare du Cor avait pour fonction d’avancer dans cette direction ? Car c’est précisément, quelques jours après Emmanuel Macron, ce qu’avait annoncé François Bayrou dans son interview télévisée du 27 mai dans laquelle il a défendu son projet de 40 milliards d’économies. Il s’y est dit « favorable à ce que l’on recherche un financement différent à notre modèle social », ajoutant : « Je souhaite que tous ceux qui ont la responsabilité du monde du travail, du monde de l’entreprise et du monde des salariés, acceptent de poser ensemble cette question. ».
Bayrou a rappelé la volonté de mettre en place une TVA dite « sociale », en écho au Medef qui revendique de baisser encore le « coût du travail », c’est-à-dire les cotisations qui ne sont rien d’autre qu’un salaire mis en commun. Les transférer sur l’impôt le plus injuste (la TVA), payé très majoritairement par les salariés, retraités, chômeurs, allocataires, c’est baisser le salaire pour augmenter les dividendes. C’est une Sécu a minima payée par l’impôt et la porte ouverte aux assurances privées et à la capitalisation. C’est tout le contraire de la Sécurité sociale de 1945.
Se « poser ensemble cette question » avec les patrons, par un conclave, une conférence sociale, ou un « dialogue social autonome », c’est le piège qui est tendu aux organisations syndicales pour les faire renoncer à la défense de leurs revendications. Les mobilisations qui se développent ces dernières semaines montrent que les salariés n’y sont pas disposés.
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