
Par Guillaume
Gaspillage. Peut-on faire de l’argent avec des vêtements invendus ? En macronie, on répond par l’affirmative. « C’est un message très fort que nous envoyons aux professionnels », avait plastronné Véronique Riotton, la rapporteuse LREM du projet de loi « anti-gaspillage », au moment de l’adoption du texte à l’Assemblée nationale, en décembre 2019. Les grands groupes de prêt-à-porter l’ont en tout cas entendu de cette oreille, le dispositif leur permettant notamment d’économiser 60 % d’impôts sur chaque produit donné à des associations.
Cinq ans plus tard, une enquête de Disclose en partenariat avec Reporterre révèle les conséquences de ce formidable effet d’aubaine qui a permis aux géants de la fast-fashion d’engranger des dizaines de millions d’euros d’argent public, sans que Bercy ne trouve à redire quoi que ce soit… Notre article.
Gaspillage : « On a créé un système malade où il est normal de produire en trop »
Il n’y a qu’à songer au mastodonte chinois, Shein, qui, pour un pantalon vendu 12 euros, peut escompter une ristourne fiscale de 7,20 euros s’il choisit de l’offrir à une recyclerie. De quoi rendre la surproduction particulièrement rentable pour une enseigne capable de réduire ses coûts de fabrication à quelques dizaines de centimes par article.
Autre exemple, français celui-ci, Decathlon, à propos duquel l’enquête affirme qu’il a bénéficié de 709 000 euros d’avoirs fiscaux, en 2024, pour 1,18 million d’euros de produits invendus. Selon la même source, la ristourne reversée à l’entreprise, propriété de la famille Mulliez, aurait presque triplé entre 2021 et 2024.
Pour aller plus loin : Licenciements chez Auchan – Mulliez, le clan qui pèse 28 milliards d’euros, licencie 2 389 salariés
« En 2023, ces dons en nature équivalent à 0,01 % du chiffre d’affaires de Decathlon France », tente toutefois de relativiser l’enseigne, qui, dans le même temps, alimente l’exploitation humaine au Bangladesh et en Chine, ainsi que la déforestation au Brésil. Pour autant, à en croire le slogan que Disclose a pu apercevoir sur l’un des sites web destinés aux responsables de magasin, « Donner, c’est bon pour ton portefeuille ! », l’intérêt de l’opération ne fait guère de doute…
D’autre part, la loi « anti-gaspillage » a également favorisé le développement d’un véritable écosystème de start-up chargées de jouer le rôle d’interface entre ces grandes marques et les associations, comme les Restos du Cœur, le Secours populaire ou les Petits Frères des Pauvres, permettant ainsi aux géants de la mode de « réduire les frais liés aux stocks encombrants et associés à la destruction des produits ».

« La défiscalisation est d’autant plus intéressante financièrement que, dans le cadre du don, ce sont les entreprises elles-mêmes qui déterminent la valeur de leurs produits », précise, par ailleurs, Romain Canler, directeur de l’Agence du don en nature.
Le cas le plus abouti de ce type d’ingénierie étant sans doute celui de Kiabi – autre enseigne appartenant à la famille Mulliez – et qui, pour écouler ses surplus, déstocke carrément ses invendus auprès de son propre réseau de « boutiques solidaires », les Petits Magasins, qui vendent uniquement ses produits, sans passer par des intermédiaires. En clair, Kiabi donne à Kiabi ! Un montage ingénieux qui lui aurait permis de percevoir une réduction d’impôt de près de 15 millions d’euros en 2023 !
Seulement, puisque la marque ne parvient pas à liquider l’ensemble de ses invendus – au moins un vêtement sur cinq donné aux Petits Magasins ne trouve pas preneur –, les habits encore étiquetés sont alors susceptibles d’être donnés à des associations, au risque de concurrencer les véritables pièces de seconde main… « En injectant des invendus dans cette filière, les fripes ne sont plus compétitives », dénonce Emmanuelle Ledoux, directrice générale de l’Institut national de l’économie circulaire. Les vêtements d’occasion demandant, en effet, plus de travail de tri, de nettoyage et de réparation que les neufs.
Comble de l’ironie, lorsque les associations, qui croulent sous les stocks de produits neufs, ne parviennent ni à les écouler ni à les éliminer par leurs propres moyens, les coûts de destruction sont finalement supportés par la collectivité… Socialisation des pertes, privatisation des profits.
Surtout, au plan écologique, les conséquences d’une telle logique sont catastrophiques : chaque seconde, près de 100 vêtements neufs sont injectés sur le marché français, soit une hausse de 30 % en quatre ans. « On a créé un système malade où il est normal de produire en trop », dénonce Emmanuelle Ledoux. Une surproduction qui alourdit le bilan écologique désastreux de l’industrie de la mode, déjà responsable de 8 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde.
À rebours de l’arnaque du greenwashing prônée par le gouvernement Macron et ses alliés, le programme de LFI, à travers la règle verte et la planification écologique, serait en mesure d’apporter une véritable réponse à cette gabegie et à ses effets néfastes sur l’environnement.
« Le capital épuise deux choses : le travailleur et la nature », disait Karl Marx en son temps. « Fin du monde, fin du mois, même combat ! », pour reprendre un mot d’ordre plus récent. Celui-ci n’a, en effet, jamais autant semblé d’actualité.
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Source: https://linsoumission.fr/2025/06/18/gaspillage-fast-fashion-millions-euros/
URL de cet article: https://lherminerouge.fr/loi-anti-gaspillage-pour-la-fast-fashion-ces-invendus-permettent-dengranger-de-largent-public-li-fr-18-06-25/