Depuis plusieurs mois, des étrangers qui attendent une carte de séjour restent sans réponse de la préfecture du Morbihan. C’est le cas de ce gérant d’entreprise à Plœmeur. La Cimade à Lorient s’inquiète des « situations dramatiques » que cela engendre : stress, perte d’emploi, de droits…
Par Nadine BOURSIER.
Chamseddine Dabbadi gère une société de transports et de livraison à Plœmeur (Morbihan), depuis janvier 2025. Tunisien, il peut vivre en France depuis 2008 grâce à des cartes de séjour françaises, qu’il doit renouveler régulièrement. C’est là que ça coince. « Ma carte de séjour étant périmée depuis le 3 mai 2025, j’ai effectué ma demande de renouvellement le 7 mars 2025. Ce samedi 14 juin, elle était toujours en cours d’instruction sur le site de l’Anef (Administration numérique des étrangers en France). J’ai fait une demande d’attestation de prolongation dès la fin de validité de la carte « vie privée, vie familiale », mais aucune réponse de la part de la préfecture. Et impossible de prendre rendez-vous sur internet. Je me suis rendu en préfecture : sur place, le vigile ne nous laisse pas rentrer pour parler à un agent », explique, démuni, le chef d’entreprise.
« On fait comment s’il y a un contrôle ? »
Ce lundi 16 juin, il est retourné à la préfecture de Vannes, en vain, car les étrangers n’ont plus accès au guichet depuis la dématérialisation. « Je me retrouve en situation irrégulière, gérant de mon entreprise, j’ai peur de tout perdre. J’ai six salariés. On fait comment s’il y a un contrôle ? »
Sa femme Charlotte, qui s’occupe de l’administratif dans l’entreprise BF Transports, a dû partir en vacances sans lui, en mai, en Tunisie, avec leur fille de 4 ans. « Car, impossible pour lui de sortir du territoire. » Elle ne comprend pas. « En avril 2024, on a fait une demande de renouvellement. On a eu la carte en janvier 2025. Elle était périmée en mai 2025. Cette fois, pour preuves de vie commune, ils demandaient des tickets de caisse d’achats d’affaires de bébé, deux ans en arrière. »
Une heure après notre coup de fil à la préfecture pour en savoir plus, le couple a reçu une attestation de prolongation, valable du 16 juin au 15 septembre.
Cette situation n’est pas un cas isolé. Ce mardi 17 juin, Hélène, bénévole à la Cimade de Lorient (association de solidarité active avec les migrants), a reçu, à la permanence téléphonique (07 81 31 45 91), quatre appels en début d’après-midi de personnes n’arrivant pas à renouveler leur carte de séjour. « Dont un homme qui essaie depuis quatre mois. Et impossible d’avoir un rendez-vous. Certains prennent un avocat, c’est utile pour faire un référé, mais ça a un coût. » Elle conseille de prendre des captures d’écran des demandes de prises de rendez-vous infructueuses. « On fait ensuite remonter l’info au service étrangers de la préfecture. »
Compliqué depuis la dématérialisation
« La préfecture doit mettre en œuvre un moyen de substitution si ça ne marche pas, expose Laure Detrez, co-animatrice de la Cimade Lorient. Il y a des dizaines et des dizaines de cas. Des parcours du combattant semés d’embûches. Beaucoup n’arrivent pas à s’en sortir par eux-mêmes. Certains tentent un recours en justice. Toutes les situations, même les plus simples comme un renouvellement, sont devenues compliquées au niveau national, depuis la dématérialisation. L’Anef dysfonctionne de manière importante depuis plusieurs mois. Et on assiste à des situations dramatiques : certains perdent leur boulot, des droits. Cela génère un stress important. »
Pourquoi ça coince ? « Consigne du ministère de l’Intérieur ? Manque d’effectifs et dossiers qui s’accumulent ? », s’interroge Hélène. La Cimade a demandé un rendez-vous à la préfecture et n’a, pour l’heure, pas de réponse. Contactée, la préfecture du Morbihan n’a pas répondu à notre demande.
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