Pour les voisins de l’aéroport du Bourget, le Salon de l’aéronautique et de l’espace représente une semaine de calvaire. Les avions de ligne et de chasse se succèdent au-dessus de leur tête, dans un bruit souvent insupportable.
Par Louise MOHAMMEDI et Mathieu GENON (photographies)
Le Bourget (Seine-Saint-Denis), reportage
Le sol tremble, le bruit est assourdissant. Cela dure quelques minutes, avant un moment de calme. Puis ça recommence, encore et encore. Du 16 au 19 juin, 88 démonstrations de vol ont eu lieu au Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget (Seine-Saint-Denis). Dans le ciel, des avions de chasse et de ligne défilent ainsi tout le début d’après-midi, faisant leur spectacle au-dessus du quartier de l’Aire des vents, étendu sur les communes du Bourget, de Dugny et de La Courneuve.
« Heureusement, je ne suis presque pas là de la journée, souffle Sarah, assistante médicale de 29 ans rencontrée jeudi 19 juin. Le ballet des Rafale me dérange beaucoup. Voir et entendre des avions si près de mon appartement me fait très peur. » Lorsqu’elle a emménagé, au début du mois de juin, personne ne l’a prévenue de l’existence de ce salon à moins de 1 km de son immeuble. « Les premiers passages ont été violents, je pensais qu’une guerre se préparait. C’est quelque chose d’assez impressionnant. On se croirait sur un champ de bataille », ajoute-t-elle.
Orlyna, jeune maman de 29 ans, vient elle aussi d’emménager dans le quartier, sans être gênée par le bruit de l’aéroport… jusqu’au 16 juin. Comme Sarah, elle n’était pas au courant d’une telle manifestation aussi près de son nouvel appartement. « Ça m’a dérangée d’entendre des bruits d’avions de guerre. Surtout pour mes jumeaux de 4 mois. Ça dort peu et se réveille vite à cet âge », glisse-t-elle, tandis qu’un avion passe au-dessus de son appartement.
« Si on avait été au courant, on se serait peut-être questionnés avant de s’installer »
Avec le défilé aérien, Orlyna a remarqué un manque d’isolation sonore conséquent dans son appartement. « Les fenêtres tremblent, ce n’est pas du tout isolé, on entend tout et c’est très fort », signale-t-elle. Pourtant, elle et son mari dépensent plus de 1 100 euros par mois en loyer pour cet appartement. « Si on avait été au courant, on se serait peut-être questionnés avant de s’installer. »
Pour d’autres résidents du quartier, être si proche du Salon du Bourget est une chance. « On assiste à un ballet d’avions gratuitement. Pour moi, c’est un privilège », se réjouit Joël, 64 ans. Mais, s’il profite d’une vue imprenable sur les avions qui défilent, il a conscience de sa condition. Retraité et sans enfant, Joël n’a en effet aucune contrainte, contrairement à d’autres habitants « pour qui cela doit être pesant », suppose-t-il.
« À moins d’annuler le salon, il n’y a pas de solution »
Pour François, 36 ans, le bruit du passage des avions n’est pas un problème. Bien qu’il soit chez lui toute la journée, il relativise sur sa condition. « Ça ne dure qu’une semaine, une fois tous les deux ans. Il me suffit de fermer mes fenêtres. Mais il faut être réaliste : j’ai de la chance. Il y a des gens qui souffrent du bruit et pour qui cela doit être très stressant », reconnaît-il.
« Il y a un flot aérien tous les deux ans, c’est exceptionnel et ça comporte un peu de bruit, minimise Juliette Duault, directrice de la communication de l’événement. À moins d’annuler le salon, il n’y a pas de solution. C’est une grande fête populaire. La filière est au travail et se prépare à faire un avion plus respectueux, mais ça ne va pas se faire du jour au lendemain. »
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« Aucun relevé précis n’est effectué lors de ce salon, mais ces bruits intenses ont un impact considérable sur la santé, notamment sur le sommeil et l’état psychologique, puisqu’ils provoquent un stress important, précise Françoise Brochot, présidente de l’Association de défense contre les nuisances aériennes. Mais cela peut aussi créer des problèmes cardiovasculaires, augmenter l’occurrence des AVC et causer de l’hypertension. »
Un collège en grève contre les nuisances
Les nuisances sonores représentent en effet un problème majeur de santé publique. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le bruit est le deuxième facteur environnemental provoquant le plus de dommages sanitaires en Europe, derrière la pollution atmosphérique. Un habitant de la zone dense francilienne perd ainsi en moyenne treize mois de vie en bonne santé à cause de son exposition au bruit des transports. En s’implantant à côté d’une zone résidentielle, le Salon du Bourget semble ignorer ces conséquences.
Les professeurs du collège Didier-Daurat du Bourget se sont d’ailleurs mis en grève jeudi 19 juin pour signifier leur exaspération. « Nous subissons des nuisances sonores extrêmes qui rendent impossible la tenue des enseignements. Les avions de chasse passent régulièrement au-dessus de l’établissement, occasionnant douleurs, migraines et acouphènes chez les élèves et les enseignants », déclarent-ils dans un communiqué.
Pour Kamel Brahmi, secrétaire général de la CGT de Seine-Saint-Denis, le Salon international de l’aéronautique et du spatial ne devrait tout simplement pas être organisé « au cœur d’un territoire populaire » dans l’une des régions les plus denses de France, avec 170 000 habitants dans les communes limitrophes de l’aéroport.
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