Des milliers de manifestants défilent contre la guerre et pour le vivant (reporterre-23/06/25)

Les militants ont manifesté devant les stands de Dassault et Thalès au Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, le 21 juin 2025. – © NnoMan Cadoret / Reporterre

Plus de 4 000 personnes ont défilé lors d’une manifestation pour « faire la guerre à la guerre », contre le Salon du Bourget. Cette mobilisation se voulait le symbole d’une convergence des luttes autour de l’antimilitarisme.

Par Léa GUEDJ, June LOPER et NnoMan CADORET (photographies).

Bobigny, Le Bourget (Seine-Saint-Denis), reportage

« Leurs armes, leurs profits, nos mort·e·s ». Ils étaient environ 4 000, samedi 21 juin, à s’élancer de la Bourse du travail de Bobigny (Seine-Saint-Denis) pour protester contre l’un des plus importants rendez-vous de vente d’armes dans le monde, le Salon du Bourget. Antifascistes, décoloniaux, féministes, syndicalistes, écologistes… Une trentaine de collectifs et associations, réunis au sein de la coalition Guerre à la guerre, ont joint leurs forces pour un week-end de mobilisation, ponctué d’ateliers et de tables rondes, visant à « désarmer la machine de guerre » et « relancer un antimilitarisme populaire ».

Encadrés par un dispositif policier d’ampleur, les manifestants ont bravé la chaleur écrasante au rythme des slogans « Free Palestine » et « Le Vietnam a vaincu, la Palestine vaincra ». Plusieurs actions de désobéissance civile ont été menées au Bourget, afin de perturber ce « salon de la mort », avec un die-in devant les stands de Thalès et Dassault. D’autres activistes ont inscrit « Marchands de mort » en lettres rouges sur la façade du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales.

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« Il faut faire exister une voix commune contre les guerres impériales, les guerres au vivant et le génocide », soutient Julie, porte-parole des Soulèvements de la Terre. Alors que les conflits militaires s’intensifient, ces actions ont symboliquement permis de renouer avec l’engagement antimilitariste à la base de l’écologie politique, estime Basile Dutertre, porte-parole des Soulèvements de la Terre.

Retour aux sources antimilitaristes

Le mouvement écologiste est né de l’indignation contre la guerre au Vietnam et l’utilisation de l’agent orange, qui a intoxiqué les populations et l’environnement. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’a émergé le terme d’« écocide », prononcé par le biologiste Arthur Galston, au cours d’une conférence scientifique à Washington en février 1970. 

Environ 4 000 personnes se sont réunies derrière des slogans pacifistes à Bobigny. © NnoMan Cadoret / Reporterre

Les militants écologistes d’alors s’opposaient aux centrales nucléaires du Bugey et de Plogoff, naviguaient à bord du Rainbow Warrior de Greenpeace pour perturber les essais nucléaires, occupaient une base anglaise de l’Otan à Greenham et se mobilisaient par milliers contre une installation militaire sur le plateau du Larzac.

Après un passage par l’altermondialisme au début des années 2000, ils semblaient avoir largement délaissé le champ de la géopolitique et de la guerre, en se focalisant davantage sur le réchauffement climatique et les luttes locales. Mais ces préoccupations anti-impérialistes ont récemment été ravivées par les dévastations humanitaires et environnementales en Ukraine, à Gaza, mais aussi au Soudan et en République démocratique du Congo

« On voit bien qu’il y a des conséquences écologiques et sanitaires à long terme de la guerre »

L’enjeu du caractère écocidaire du complexe militaro-industriel s’invite de nouveau dans la pensée écologiste, tandis que des rapports en rappellent les impacts environnementaux qui s’ajoutent aux dizaines de milliers de morts. Les conséquences des essais nucléaires français en Polynésie et en Algérie refont surface. À Gaza comme en Ukraine, chercheurs et activistes documentent les ravages en temps réel. Ce sont des dizaines de millions de tonnes de CO2 émises dans l’atmosphère, des forêts réduites en cendres et des cultures rasées au bulldozer, des montagnes de débris générées par les bombardements, ainsi qu’une lourde pollution des sols et de l’eau.

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En France, plus d’un siècle après la Première Guerre mondiale, la pollution liée au milliard d’obus du conflit persiste dans les sols, notamment en Lorraine, dont est originaire Mathieu : « On voit bien qu’il y a des conséquences écologiques et sanitaires à long terme de la guerre. »

Les manifestants sont intervenus au Salon international de l’aéronautique et de l’espace du Bourget, rendez-vous majeur de l’industrie de l’armement. © NnoMan Cadoret / Reporterre

L’objectif revendiqué des Soulèvements de la Terre au sein de la coalition Guerre à la guerre est justement « l’articulation entre nos résistances écologiques locales et la lutte internationale contre les guerres impérialistes ». En mars, la mobilisation contre les usines à puces électroniques de Grenoble a ainsi été l’occasion de visibiliser leur consommation massive d’eau, mais aussi l’usage de leurs semi-conducteurs dans le secteur de la défense et de la cybersécurité. Les enjeux d’accaparement des terres et de l’eau sont « des points de convergence évidents » avec les militants écologistes, adhère Sophia, porte-parole de la coalition Guerre à la guerre. 

Écologie « de parti »

Au sein de cette coalition, les analyses se croisent et s’enrichissent. Les militants opposés à la privatisation de l’eau par les mégabassines en France échangent avec les défenseurs de l’autonomie des Palestiniens dans l’usage de leur eau, détournée et gérée par l’État israélien.

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Ensemble, les organisations établissent aussi un lien entre le réchauffement climatique, qui accélère la compétition pour les ressources de la transition énergétique et l’intensification des velléités guerrières des États. « Trump l’assume ouvertement : il planifie le racket des terres rares d’Ukraine [en échange de l’aide militaire des États-Unis] », écrivent les Soulèvements de la Terre.

« Notre définition de l’écologie, c’est le respect du vivant, de tout le vivant, y compris l’humain avec ses moyens de subsistance », explique Kinan, membre d’Urgence Palestine. Une écologie de la base militante, opposée à la guerre, qui s’inscrit en rupture avec une écologie « de parti », plus « bourgeoise », qui défend en majorité le réarmement de l’Europe et l’arme atomique, estime Sophia. D’ailleurs, aucun des élus des Écologistes n’a fait le déplacement à la manifestation de Bobigny, au contraire de trois députés de La France insoumise (Éric Coquerel, Thomas Portes et Gabrielle Cathala). La coalition Guerre à la guerre appelle à un grand défilé le 14 juillet, au départ de la place de la Bastille.

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Source: https://reporterre.net/Desarmer-la-machine-de-guerre-les-militants-ecologistes-renouent-avec-l-antimilitarisme

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