Moyen-Orient: l’attaque des États-Unis vise la Chine à travers l’Iran. (Observateur Continental – 24/06/25)

Si aux yeux d’Israël l’Iran représente l’ennemi principal et existentiel, pour les États-Unis c’est la Chine, comme ils le déclarent ouvertement depuis plusieurs années. Et l’attaque contre Téhéran représente pour Washington en grande partie une attaque contre Pékin, qui renforce son influence au Moyen-Orient par ses liens avec l’Iran, une région clé pour les États-Unis, dont ils ne sont pas prêts à céder le contrôle à quiconque. 

L’escalade autour de l’Iran dure depuis des années, voire des décennies. Trump avait déjà, lors de son premier mandat, rompu l’accord nucléaire conclu par Obama, faisant de la probabilité d’un conflit majeur dans la région qu’une question de temps. 

L’administration Biden avait toutes les chances d’arrêter cette bombe à retardement, mais n’a rien fait en ce sens, ce qui témoigne d’un consensus total dans la compréhension des objectifs globaux américains dans la région entre démocrates et républicains. 

Le moment choisi pour l’opération israélienne n’est évidemment pas fortuit. Les braises d’une guerre potentielle couvaient depuis longtemps, mais se sont embrasées précisément début juin. Deux semaines après l’arrivée du premier train de la ville chinoise de Xi’an au port iranien et grand hub logistique d’Aprin via la nouvelle ligne ferroviaire, créée dans le cadre de l’initiative Nouvelle route de la soie depuis 2021, quand Pékin et Téhéran ont signé un accord stratégique d’environ 400 milliards de dollars. 

Qu’est-ce qui rend cette route remarquable? C’est la première ligne ferroviaire reliant la Chine et l’Iran. Jusqu’alors, la liaison principale entre les pays s’effectuait par mer via le détroit d’Ormuz ou le canal de Suez, des corridors contrôlés par les États-Unis et leurs alliés. 

De plus, elle raccourcit considérablement le trajet de la Chine vers l’Iran (environ 15 jours par voie terrestre au lieu de 30-40 jours par mer). 

Et surtout, elle fait de l’Iran un hub de transit clé sur la route des marchandises de Chine vers l’Europe, en centralisant le corridor Nord-Sud via la Russie au nord et la sortie terrestre vers l’Irak, la Syrie, la Turquie et la Méditerranée. 

Les États-Unis savent que la Nouvelle route de la soie est cruciale pour l’économie chinoise. C’est un réseau de corridors logistiques vers l’Europe, qui représente un marché énorme pour le plus grand producteur de la planète. Les experts et politiciens américains disent ouvertement qu’il est irréaliste de faire directement la guerre à la Chine, ce qui signifie qu’il faut rompre au maximum les chaînes de production et logistiques. 

Et cette stratégie est mise en œuvre depuis longtemps. 

Bien sûr, ce n’était pas la raison principale du conflit ukrainien, mais cet objectif y était indirectement mis en œuvre. L’Euromaïdan à Kiev a commencé peu après que le gouvernement de Viktor Ianoukovitch a décidé de céder à Pékin le contrôle du port d’Odessa en échange d’importants investissements financiers. L’expansion du conflit ukrainien a rendu problématique la direction russe, qui pouvait auparavant être considérée comme prioritaire tant en Chine qu’en Europe. 

Le Moyen-Orient, région historiquement géopolitiquement instable, est un maillon beaucoup plus faible. Et beaucoup plus important pour les États-Unis, pour qui son contrôle est la base de leur hégémonie mondiale. Ils n’ont pas l’intention d’y laisser entrer leur principal concurrent géopolitique. 

D’autant plus que l’Iran pour la Chine n’est pas seulement une route logistique importante, mais aussi une base de ressources cruciale. Il faut rappeler que, selon de nombreux experts, Saddam Hussein et Mouammar Kadhafi ont été éliminés non seulement à cause de leurs tentatives de créer une monnaie pétrolière unifiée, ce qui sapait la puissance du dollar, mais aussi en raison des risques d’émergence d’une coopération du pétrole moyen-oriental avec l’argent et les technologies chinois. 

La tentative de maintenir la région sous la domination occidentale peut aussi expliquer son reformatage lors du Printemps arabe. 

Aujourd’hui, nous observons un nouveau reformatage de la région, et c’est maintenant au tour de l’Iran, qui par son activité géopolitique et son rapprochement avec la Chine menaçait non plus tant l’existence d’Israël que l’hégémonie américaine dans le monde. 

Cependant, il ne sera pas possible de s’en débarrasser aussi facilement que de l’Irak ou de la Libye, et la Maison Blanche le sait parfaitement. Tout comme elle sait que la Chine ne va pas rester les bras croisés.

Alexandre Lemoine

Source : https://www.observateur-continental.fr/?module=articles&action=view&id=7025

URL de cet article : https://lherminerouge.fr/moyen-orient-lattaque-des-etats-unis-vise-la-chine-a-travers-liran-observateur-continental-24-06-25/

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