Tour de France des luttes : à Lille, un quartier populaire veut son poumon vert (reporterre-5/07/25)

La friche Québecor, qui s’étend sur 5,4 hectares et sur laquelle un promoteur veut construire une trentaine de bâtiments. – © Mehdi Laïdouni / Reporterre

La 1re étape de notre Tour de France des luttes, qui suivra celui des cyclistes, nous mène à Lille, où les habitants d’un quartier populaire veulent transformer une friche en parc, quand un promoteur y imagine 550 logements.

Par Mehdi LAÏDOUNI .

Le Tour de France des luttes [1/5] Pendant les trois semaines de la Grande Boucle, Reporterre vous fait découvrir des luttes écologiques emblématiques de chaque région traversée par le peloton. Aujourd’hui, 1re étape autour de Lille.


Située entre le quartier lillois de Fives, la commune de Villeneuve-d’Ascq et les voies ferrées abritant le technicentre SNCF, Hellemmes-Lille possède un riche passé industriel : les anciennes courées ouvrières — ces petites cours communes à plusieurs immeubles — en témoignent, de même que les friches, réhabilitées ou non.

C’est dans ce paysage que la friche Québecor, du nom de l’imprimerie qui occupait les lieux jusqu’en 2013, occupe 5,4 hectares de terrain. Son avenir est au cœur d’un affrontement entre deux visions pour le quartier : un projet, porté par le promoteur Duval et le bailleur social Vilogia, vise à construire une trentaine d’immeubles et 550 logements ; tandis que des riverains voudraient profiter de cette opportunité unique de créer un poumon vert, au cœur d’une ville qui en a besoin.

Contrairement aux clichés, il peut faire très chaud à Lille en été et, comme partout, les quartiers populaires sont les plus vulnérables, à cause du phénomène d’îlot de chaleur urbain et de la précarité énergétique. Hellemmes demeure par endroits très populaire, dense et minérale. L’inverse du Vieux-Lille, quartier le plus riche de la ville, où l’accès à la verdure est plus facile.

« Dans nos quartiers populaires, il manque vraiment d’espaces de nature pour respirer »

Malgré cela, un permis d’aménager a été accordé par la mairie pour le projet de logements et les procédures pour les permis de construire sont en cours. Créé durant les confinements de 2020-2021, le collectif d’habitants LM Oxygène et sa centaine d’adhérents sont mobilisés pour leur projet alternatif.

Le quartier au cœur duquel se situe la friche manque grandement d’espaces verts. © Mehdi Laïdouni / Reporterre

Ils souhaitent permettre une meilleure accessibilité à un espace naturel pour les habitants d’Hellemmes, tout en luttant contre les îlots de chaleur. « Dans nos quartiers populaires, il manque vraiment d’espaces de nature pour respirer », estime Véronique Falise, coprésidente du collectif. « Aujourd’hui, ici, si tu veux prendre un peu l’air quand c’est l’été et qu’il fait chaud, tu es obligé d’aller à Villeneuve-d’Ascq [à 4 km à l’est] », déplore Christophe Unvoas, membre du collectif.

Végétaliser presque tout le site

Les habitants ont pris la mesure de leur étouffement à la faveur des restrictions durant les confinements. « On avait le droit de se balader sur un kilomètre. Et sur un kilomètre, on ne voyait que le gris des trottoirs, le gris des maisons. C’était horrible », confiait un habitant à une réunion du collectif.

Le projet immobilier de la friche Québécor vise à développer l’offre de logements, en raison de la forte demande sur la métropole lilloise — il est trop tôt pour savoir s’ils seront abordables ou pas. Mais pour les membres du collectif, bétonner la friche n’est pas la solution. « À chaque fois, on nous accuse d’être antisocial, antilogement, etc, dit Véronique Falise. Alors que nous, on n’est pas contre le fait de créer quelques logements [sur le site]. Mais quand on sait le nombre de logements vacants à Lille… » [1]

Le permis d’aménager pour le projet a été délivré par la mairie de Lille, malgré le recours gracieux déposé par LM Oxygène. © Mehdi Laïdouni / Reporterre

Un membre du collectif, surnommé Vito, ancien architecte et urbaniste, a proposé un projet alternatif composé de 150 logements, permettant d’avoir un réel espace vert tout en activant un processus de « dépollution lente » du site, grâce à sa végétalisation quasi totale, et en préservant son intégrité, sans la nouvelle route prévue dans le projet immobilier. Dans ses plans, le promoteur, ne consacrerait que 22 % de son espace à un parc public.

La mobilisation des habitants a déjà commencé à payer : le projet initial prévoyait plus de 1 000 logements et une négociation avec la mairie d’Hellemmes a permis de baisser le chiffre à 550. Mais le combat n’est pas fini : après la validation du permis d’aménager au début de l’année 2025, LM Oxygène va désormais s’attaquer aux permis de construire — un pour chaque immeuble. « La vente [de l’établissement public foncier au promoteur Duval] n’est toujours pas faite. On n’en est qu’au début », rappelle Christophe Unvoas.

En attendant les échéances du tribunal administratif, encore inconnues, le collectif va également tenter de peser sur les politiques, avant les élections municipales de 2026. Elles et ils devront mettre les bouchées doubles, puisque les riverains de Québecor voteront deux fois : pour le maire de Lille et celui de la commune associée d’Hellemmes.

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Source: https://reporterre.net/Tour-de-France-des-luttes-a-Lille-un-quartier-populaire-veut-son-poumon-vert

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