Loi Duplomb : « C’est une catastrophe de réintroduire les pesticides », pour cet ex-sénateur breton (of.fr-2/07/25)

L’ancien sénateur du Morbihan Joël Labbé s’exprime sur la loi Duplomb. Il est vent debout contre ce texte. | ARCHIVES OUEST-FRANCE / MARC OLLIVIER

Adoptée en commission mixte paritaire, la proposition de loi Duplomb est soumise au vote de l’Assemblée nationale ce mercredi 2 juillet 2025 avant de passer au Sénat le 8 juillet. Ce texte qui prétend « lever les contraintes des agriculteurs » fait bondir ses opposants et sortir de sa retraite l’ancien sénateur écologiste du Morbihan Joël Labbé. Entretien.

Entretien réalisé par Christel MARTINEAU-MARTEEL.

Joël Labbé, ancien sénateur du Morbihan est vent debout contre la loi Duplomb adoptée en commission mixte paritaire. Ce texte a pour ambition de lever les contraintes des agriculteurs et réintroduire l’utilisation des pesticides.

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Alors que la loi qui porte votre nom visait à limiter l’utilisation des pesticides, celle de votre rival lorsque vous étiez sénateur, Laurent Duplomb (LR) adoptée en commission paritaire, veut les réintroduire. Comment le vivez-vous ?

Malgré ma retraite je reste en veille. Cette loi me fait sortir de mes gonds tellement je suis sidéré à la lecture de ce texte. Pendant douze ans, lorsque j’étais sénateur, je m’occupais des questions agricoles en tant que chef de file de mon groupe écologiste et de ce fait, de la lutte contre les pesticides. Avec la loi Labbé, on avait un peu avancé. Pour moi, un retour en arrière était impensable. Or ce texte est une volte-face. Le passer en commission mixte paritaire est un calcul stratégique pour éviter qu’il ne soit trop abîmé par les débats à l’Assemblée nationale. Je suis persuadé que si les parlementaires pouvaient voter en leur âme et conscience, cette loi ne passerait pas. Mais il y a les mots d’ordre des partis. Cela ne peut pas tenir dans un fonctionnement démocratique.

Vous êtes sidéré, mais pas si surpris finalement ?

Je connais bien Laurent Duplomb, on s’est pris la tête très régulièrement ! À chaque fois qu’on proposait des mesures de préservation de l’environnement, de la biodiversité, du soutien à l’agriculture biologique… il était toujours en première ligne pour s’opposer. Là, il annonce que ce texte représente la première étape pour inverser la logique de décroissance et arrêter d’opposer environnement et agriculture. Il est logique avec lui-même. C’est la logique de la FNSEA, de l’industrie agroalimentaire, de l’industrie chimique. C’est un système avec des intérêts communs et une force de lobbying redoutable.

Dans la loi Duplomb qui vise « à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », il y a notamment la réintroduction d’un pesticide de la famille des néonicotinoïdes, interdit en France depuis 2018. Déjà en 2015, vous aviez symboliquement retiré votre cravate au Sénat quand vous défendiez une résolution européenne pour interdire les néonicotinoïdes, sous les moqueries de vos adversaires politiques ?

On avait réussi à les faire interdire l’année d’après en France mais on œuvrait aussi pour qu’ils soient interdits en Europe. Tous les parlementaires sont censés connaître les problématiques sur la santé humaine puisque ce sont des pesticides neurotoxiques. On sait aussi que les pesticides ont une lourde part de responsabilité dans la chute de la biodiversité. C’est une catastrophe que de les remettre en service.

Les défenseurs de la loi Duplomb évoquent la capacité des agriculteurs à produire suffisamment et être plus compétitifs. Le comprenez-vous ?

On sait très bien que la capacité de production diminue parce qu’on épuise les sols. On met les cultures sous perfusion des engrais chimiques et des pesticides, le système ne peut plus tenir comme ça. Au lieu de travailler avec la nature on travaille contre. On l’affaiblit et on l’appauvrit.

Comment concilier cette nécessité de produire pour les agriculteurs et préserver l’environnement ?

Les réponses sont entre les mains de l’agroécologie dont l’agriculture biologique est le fer de lance. Des études scientifiques ont déjà démontré que l’agriculture biologique peut nourrir la France et l’Europe. Mais cela suppose d’inverser les proportions de protéines animales et végétales, qu’on mange moins de produits carnés car pour produire de la viande il y a besoin de beaucoup de végétal. On avait pourtant commencé à introduire l’agro-écologie dans le cadre de la loi d’avenir agricole en 2014.

Dans ce débat, les consommateurs ont aussi un rôle à jouer et une responsabilité…

Une habitude de consommation, cela se travaille. Toute la communication de l’agroalimentaire va dans le sens d’une certaine bouffe. Mais de plus en plus de gens choisissent de manger moins de viande voire de devenir végétarien. Il y a une vraie tendance. C’est le bon sens et le rôle des pouvoirs publics d’accompagner ce mouvement.

Pour vous, la relocalisation de l’alimentation serait une bonne réponse ?

La mise en place de projets alimentaires territoriaux pour faire en sorte qu’il y ait de plus en plus de produits alimentaires produits sur chaque territoire, c’est gagnant pour les consommateurs et pour les agriculteurs. Ils bénéficieraient ainsi des marges réelles sur leurs productions. Or dans l’agriculture productiviste, les agriculteurs sont victimes d’un système qui est censé les défendre. Ce sont eux les laissés pour compte.

Vous pointez d’ailleurs que la loi Duplomb n’aborde pas la question de la rémunération des agriculteurs.

Cette loi qui vise à lever les contraintes pour les agriculteurs profite à une minorité d’entre eux alors que la grande majorité a besoin de soutien. Et le premier des soutiens, c’est le droit à avoir des revenus décents. Il faut travailler sur cette question. C’est insensé que les personnes qui nous nourrissent ne puissent pas gagner leur croûte correctement. C’est insupportable de laisser perdurer cette situation.

Selon vous, l’étude menée l’an dernier par le secours catholique sur « l’injuste prix de notre alimentation » donne à réfléchir sur l’orientation des aides ?

Cette étude scientifique montre que par rapport aux 48 milliards d’euros qui vont à une minorité d’agriculteurs, 18 milliards sont consacrés à la réparation des méfaits de l’agriculture productiviste sur la santé humaine et l’environnement. Cela démontre que les aides à l’agriculture devraient plutôt être fléchées vers celle qui est plus vertueuse. L’idée de retravailler sur une véritable loi de l’agroécologie serait très intéressante. Je suis certain que la population, dans sa grande majorité, y adhérerait. Il y a des choses possibles si on joue collectif. On doit y arriver.

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Source: https://www.ouest-france.fr/economie/agriculture/loi-duplomb-cest-une-catastrophe-de-reintroduire-les-pesticides-pour-cet-ex-senateur-breton-88aaa3dc-5677-11f0-bfe7-b5be353361db#int_medium=lien&int_campaign=flink&int_source=ouest-france&int_content=ceee6aee-b8f3-40cf-86c7-623bc9d4d796

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/loi-duplomb-cest-une-catastrophe-de-reintroduire-les-pesticides-pour-cet-ex-senateur-breton-of-fr-2-07-25/


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