Pierre-Édouard Stérin, saint patron de l’extrême droite française #42. Pinard, saucisson et Michel Sardou : comment Pierre-Édouard Stérin veut faire main basse sur les fêtes « traditionnelles » (h.fr-10/07/25)

Un évènement organisé par le Canon français à Uzerche (Corrèze), le 10 mai 2025. © PHOTOPQR/LA MONTAGNE/Stéphanie Para

Des centaines d’événements labellisés, des dizaines d’autres sous franchise, des banquets franchouillards au pinard-saucisson… Avec ses billes dans Studio 496 et le Canon français, le financier du plan Périclès visant à faire gagner les droites extrêmes entend souffler la naphtaline sur les émotions collectives.

Thomas LEMAHIEU.

Pierre-Édouard Stérin a, au moins, une qualité : il sait repérer les marchés porteurs, et c’est à ce flair – combiné à son exil fiscal en Belgique – que le propriétaire des coffrets-cadeaux Smartbox doit sa fortune. Mais quand le milliardaire articule ses investissements avec les objectifs idéologiques, politiques et électoraux décrits dans son plan Périclès, ce petit talent individuel tourne au grand danger public.

On le voit dans le secteur de la réalité virtuelle, ultradominé par ses champions (Sandora, Cités immersives, Hadrena, Eclipso, etc.) : leurs technologies hyperpuissantes sur le plan cognitif imposent des représentations aussi frappantes que fallacieuses. Et à présent, on l’observe dans le domaine des passions et des émotions collectives : la France, c’est sa fête !

Des fêtes locales labellisées comme levier d’influence culturel et politique

L’opération était passée inaperçue jusqu’à aujourd’hui. Via sa principale holding belge, BAD 21 (en référence à la « base à défendre », le Graal des survivalistes), Pierre-Édouard Stérin vient, fin mai, d’entrer au capital de Studio 496 (un nom renvoyant, lui, au baptême de Clovis), la nouvelle boîte de Thibault Farrenq.

Une vieille connaissance avec laquelle la grande fortune a cofondé, en 2017, les galas philanthropiques de la Nuit du bien commun. Mais cette fois, la promesse, c’est un monopole en puissance dans le secteur des fêtes plus ou moins historiques, votives ou patronales.

Avec son entreprise lancée il y a moins d’un an, Thibault Farrenq – qui n’a pas donné suite aux sollicitations de l’Humanité – vise haut : il entend créer la « première franchise de fêtes traditionnelles en France » en proposant « un modèle de fêtes pérennes, enracinées, fortement mobilisatrices et duplicables, avec défilés, produits locaux, banquet, spectacle ».

À ce stade, Studio 496 propose ses services aux collectivités pour la « conception » des fêtes locales. À Salbris (Loir-et-Cher), par exemple, Alexandre Avril, maire UDR et protégé de Stérin, a d’ores et déjà noué un contrat de prestation, à 10 000 euros, pour son tout jeune festival gallo-romain Salera.

Des miettes, toutefois, par rapport à la manne financière et aux opportunités politiques à l’horizon… Outre des assises du patrimoine vivant programmées cet automne au palais des congrès du Puy du Fou (Vendée), Thibault Farrenq a lancé le label « Les plus belles fêtes de France », un temps domicilié au Fonds du bien commun. Et ça, c’est probablement son arme fatale…

Sterin rachète le Canon français, la start-up du banquet franchouillard

Jeanne d’Arc à Orléans, Templiers à Biot, Grandes Médiévales à Andilly, Saint-Louis à Aigues-Mortes, Lavande à Digne-les-Bains, Filets bleus à Concarneau, Cassoulet à Castelnaudary… En quelques semaines, une soixantaine de fêtes – existant de longue date, en majorité – ont, après avoir réglé leur adhésion, reçu le label.

Coordonnée par Studio 496, l’association leur promet monts et merveilles : un guide Michelin spécial, un tour-opérateur dédié, des émissions de télé, etc. Et, en retour, les initiatives locales renforcent à très bon compte le crédit de l’entreprise et de son nouvel actionnaire, Pierre-Édouard Stérin.

Le milliardaire a également pris le contrôle, en début d’année, du Canon français. Grosse réussite de la « picole tech » – selon l’expression de son cofondateur Pierre-Alexandre de Boisse –, la boîte organise de gigantesques banquets où, après avoir déboursé 80 euros, des milliers de personnes s’attablent pour engloutir pinard, bières, charcuterie et cochon braisé, avant de s’époumoner sur Sardou, Aznavour ou Johnny.

Derrière les moustaches et le pinard, une France blanche viriliste idéalisée

Piqués parfois dans la presse locale à propos de drapeaux monarchistes, voire de tee-shirts néofascistes, repérés dans leurs événements, les gars du Canon français, non sans s’abriter derrière une charte prohibant les « chants et accessoires politiques », haussent les épaules jusqu’ici : « Ce n’est pas impossible que certains n’aiment pas ce qu’on fait. Ceux-là, ce sont ceux qui n’aiment pas cette France qui sent la naphtaline. »

Bérets, bretelles et marinières, beaucoup de moustaches, peu de femmes et pas de minorités. Et, maintenant, l’ombre de Stérin… De gré ou de force, le Canon français renvoie, dans sa marque même, au verre, à l’arme, mais plus encore à un idéal auquel se conformer.

Pierre-Alexandre de Boisse, par ailleurs administrateur des « plus belles fêtes de France », n’a pas répondu aux questions de l’Humanité, mais il avait, fin juin, transmis un message à France 2 : « Stérin a un projet, mais ça ne nous concerne pas. C’est chiant d’avoir l’étiquette d’extrême droite parce que ce n’est pas du tout notre délire ! »

L’an dernier, après un discours très applaudi lors de l’étape biterroise du Canon français, Robert Ménard, le maire d’extrême droite de Béziers (Hérault), en avait goulûment tiré cette leçon : « Les gens ont envie de radicalité et de respect pour leurs façons de vivre. On le constate dans la religion, où les églises les plus fréquentées sont les plus traditionalistes. »

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Source: https://www.humanite.fr/politique/extreme-droite/pinard-saucisson-et-michel-sardou-comment-pierre-edouard-sterin-veut-faire-main-basse-sur-les-fetes-traditionnelles

URL de cet article: https://lherminerouge.fr/pierre-edouard-sterin-saint-patron-de-lextreme-droite-francaise-42-pinard-saucisson-et-michel-sardou-comment-pierre-edouard-sterin-veut-faire-main-basse-sur-les-fetes-traditionnelles-h-fr-10-07-25/

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