Ce que contient l’accord historique sur l’avenir de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie. (l’Humanité – 12/07/25)

Manuel Valls, ministre des Outre-mer, lors d’une rencontre avec tous les acteurs politiques du territoire et des représentants de la société civile calédonienne au palais de l’Élysée, à l’occasion de l’ouverture du sommet pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie le 2 juillet 2025.
Tomas Stevens/Pool-REA

Au bout de dix jours de négociations serrées, un accord historique a été signé par l’État et les représentants des forces politiques de l’archipel pour l’avenir politique, institutionnel, social et économique du territoire. L’avancée majeure est la création d’un « État de Nouvelle-Calédonie » souverain.

Par Benjamin König

Il fallait bien dix jours sans discontinuer, avec des négociations s’étirant pendant la nuit dans un hôtel de Bougival (Yvelines), pour parvenir à cette avancée décisive : un accord entre l’État et les forces politiques de Kanaky-Nouvelle-Calédonie. Pour l’heure, il ne s’agit que d’un projet, puisqu’il doit être ratifié à la fois par les partis et mouvements politiques, et par la population calédonienne lors d’un référendum prévu en février 2026. Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, s’est félicité d’un « engagement majeur, fruit d’un long travail de négociations au cours duquel les partenaires calédoniens ont fait le choix du courage et de la responsabilité ». Il faut lui reconnaître le mérite d’avoir réussi à réunir tous les partis et obtenu un accord en mettant sur la table une réelle avancée en termes de décolonisation.

Victor Tutugoro, président de l’Union progressiste en Mélanésie (UPM) et membre de la délégation du FLNKS, a salué un « compromis équilibré (…) qui nous permet de construire ensemble la Nouvelle-Calédonie, une citoyenneté calédonienne et de bâtir ce destin commun que l’on clame les uns et les autres depuis beaucoup d’années ».

La création d’une nationalité calédonienne

Le point central de ce que les indépendantistes du Front de libération kanak et socialiste appellent l’« accord de Kanaky », dont le titre officiel est « Projet d’accord sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie », reste la création d’un État souverain. Celui-ci serait adossé à la Constitution française et donc à la République via un statut sui generis – ce qui est d’ailleurs déjà le cas pour le territoire depuis l’accord de Nouméa de 1998, dont le préambule est inscrit dans la Constitution. Le texte prévoit que la KNC sera dotée également de sa propre loi fondamentale, qui sera adoptée par le Congrès, l’organe législatif du territoire.

L’autre avancée majeure est, par conséquent, la création d’une nationalité calédonienne, qui s’ajoutera à celle française. Elle sera fondée sur le droit du sol et un délai de résidence de dix ans sur le territoire. Quant au corps électoral, sujet brûlant qui avait mis le feu aux poudres en 2024 lorsque le gouvernement et la droite calédonienne ont voulu passer en force, il sera ouvert à terme à toute personne possédant la nationalité calédonienne, mais reste restreint pour les prochaines élections provinciales aux personnes nées sur l’archipel ou y résidant depuis au moins quinze ans.

Mais ce projet d’accord contient également un volet très important : un « pacte de refondation économique », alors que les révoltes de mai 2024 ont entraîné une chute de 15 % du PIB et ont mis au grand jour les inégalités criantes et l’exclusion des Kanaks, notamment de la jeunesse, du tissu socio-économique. Le pacte prévoit un plan de « relance et de diversification économique ciblées sur les objectifs stratégiques tels que l’autosuffisance alimentaire et énergétique, le tourisme, l’économie, l’économie sociale et solidaire et l’économie des tribus ». L’assainissement des comptes publics de la KNC, le redressement des comptes sociaux constituent également une priorité, de même que la filière nickel, avec le lancement d’une activité de « transformation du minerai » sur place, en Province Nord, un objectif de longue date du FLNKS.

Une indépendance des facto

Si le terme « Indépendance » ne figure pas en toutes lettres dans le texte, il s’agit bien d’un État associé dans le cadre d’une pleine souveraineté. L’État de Nouvelle-Calédonie pourra ainsi « être reconnu par la Communauté internationale » et devrait donc faire son entrée dans la liste des États à l’ONU. La droite anti-indépendantiste de Sonia Backès et du député Nicolas Metzdorf a donc dû accepter ce qui sera pourtant pris comme une trahison par leur base électorale : une indépendance de facto.

Désormais, la prochaine échéance électorale – outre le référendum – sera les élections provinciales, déjà deux fois reportées, et qui auront lieu en mai ou juin 2026. Il faudra encore plusieurs années pour qu’une décolonisation effective soit réussie, ce qui serait une première pour la France. Mais cet accord en ouvre la voie, après plusieurs années où les reniements de l’État avaient mis en péril l’avenir politique et social de la Kanaky-Nouvelle-Calédonie.

Source : https://www.humanite.fr/monde/flnks/ce-que-contient-laccord-historique-sur-lavenir-de-la-kanaky-nouvelle-caledonie

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