« Je ne pourrai plus suivre certains soins » : quand la possible réforme de l’ALD met en danger les anciens malades du cancer (H.fr-14/07/25)

Dans un rapport, la Caisse nationale d’assurance-maladie préconise de ne plus reconnaître l’affection longue durée (ALD) pour les patientes en rémission de cancer. © BURGER/PHANIE Massage

La possible suspension de la prise en charge à 100 % des affections de longue durée pour les patients « en guérison ou rémission » de certaines pathologies, dont le cancer, suscite de la colère et l’inquiétude chez les principaux concernés.

Par Mathilde TEXIER.

Rendez-vous chez le kinésithérapeute, drainages lymphatiques, pressothérapie, port de bandages, de bas de compression… Ainsi est rythmé le quotidien d’Éléonore Piot-de-Villars, atteinte il y a quinze ans d’un cancer du col de l’utérus. Pourtant guérie, elle garde de lourdes séquelles : un lymphœdème au niveau de sa jambe droite, gonflée en permanence. « Si je perds la reconnaissance de mon affection de longue durée, je serai moins bien prise en charge pour ces séquelles irréversibles », craint la patiente, en invalidité partielle.

Ces inquiétudes, Éléonore les tient du rapport de la Caisse nationale d’assurance-maladie (Cnam) remis au Parlement en juin. Ce document contient 60 propositions d’économies pour 2026. Parmi elles, la suspension du statut d’affection de longue durée (ALD) pour les patients « en situation de guérison ou de rémission de certaines pathologies », dont le cancer. Les arbitrages gouvernementaux sont attendus mardi 15 juillet.

Remise en cause du remboursement des cures thermales

Le rapport préconise également de « ne plus permettre la prise en charge à 100 % des prestations ou des produits de santé dont l’efficacité ne justifie pas ce remboursement intégral ». En ligne de mire : les cures thermales, mises à profit pour soulager les séquelles du cancer. Une proposition qui préoccupe particulièrement Caroline Pescher, diagnostiquée d’un cancer du sein en 2019, à l’âge de 39 ans.

« La cure m’a permis de regagner en mobilité des membres, touchés par les chirurgies, mais aussi en souplesse au niveau des cicatrices et en élasticité de la peau, fragilisée par la chimiothérapie », détaille la membre de l’association Jeune & rose.

Éléonore a elle aussi bénéficié de ces cures. « Cela ne se résume pas aux soins à l’eau thermale. C’est aussi un moment de détente qui permet d’être en contact avec d’autres patients dans la même situation », décrit la présidente de l’association Lymphosport. Ces cures, aujourd’hui remboursées à 100 % grâce à l’ALD pour son cancer gynécologique, ne le sont pas pour le traitement de son lymphœdème, pourtant séquelle de son cancer. « Les soins oncologiques de support ne sont pas pris en charge. Certains évitent pourtant le risque de récidive », précise Camille Flavigny.

Le risque d’un reste à charge accru pour les malades du cancer

Une éventuelle réforme de l’ALD fait donc craindre à la Ligue contre le cancer une augmentation des restes à charge, estimés à près de 2000 euros par patient chaque année. Même guéries, 63,5 % des personnes ayant été atteintes d’un cancer souffrent « de lourdes séquelles dégradant durablement leur qualité de vie », selon le centre de lutte contre le cancer Gustave-Roussy de Villejuif.

Caroline, en aspect de rémission depuis le mois de mai, souffre de problèmes de dentition, de vue, de transit intestinal, de mobilité et de troubles de la sexualité. « Sans l’ALD, je ne pourrai plus suivre certains soins », s’inquiète cette femme, aujourd’hui en invalidité. Une préoccupation partagée par Cécile Favré, à qui on a diagnostiqué à ses 16 ans, une tumeur osseuse.

Aujourd’hui âgée de 49 ans, elle est en rémission, mais garde de lourdes séquelles : boitement, douleurs, problèmes de reins et d’audition. Reconnue en ALD depuis trente-trois ans, elle doit faire régulièrement des examens médicaux, non pris en charge à 100 %, en raison des dépassements d’honoraires. « Je travaille quinze heures par semaine et je touche une petite pension d’invalidité. Mon salaire n’est pas énorme. Si on m’enlève l’ALD, vais-je continuer à prendre en main ma santé ou vais-je la laisser un peu de côté afin de pouvoir continuer à vivre décemment ? » se questionne la présidente des Aguerris.

« De fortes chances de récidive »

La non-couverture par une complémentaire santé concerne 2,5 millions de personnes en France, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES). « Si les restes à charge augmentent pour les patients, cela pourrait induire un transfert vers les complémentaires santé déjà difficilement accessibles pour certains, avec une éviction envisagée des plus vulnérables et une hausse des primes », met en garde Camille Flavigny.

D’autant qu’aux problèmes d’argent pourrait s’ajouter « un parcours administratif encore plus complexe de sortie et retour dans l’ALD en fonction des fluctuations de la maladie » Olivier Carduner a été détecté d’un cancer de la prostate il y a trois ans.

Ayant subi une prostatectomie (ablation chirurgicale de tout ou partie de la prostate), il a rechuté l’année dernière et a dû être traité en radiothérapie. Pour lui, la possible réforme de l’ALD est « aberrante » : « Nos maladies sont chroniques. Même en rémission, il y a de fortes chances de récidive », fulmine le fondateur de Cerhom.

Au-delà des questions financières et administratives, un autre aspect importe à Éléonore : « L’ALD, c’est la reconnaissance par la société que mon corps, ma tête, toute ma personne, a été atteinte par la maladie. »

Numéro vert de la Ligue contre le cancer : 0 800 940 939, gratuit, anonyme et confidentiel, des psychologues, juristes et avocats à votre écoute.

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Source:https://www.humanite.fr/social-et-economie/assurance-maladie/je-ne-pourrai-plus-suivre-certains-soins-quand-la-possible-reforme-de-lald-met-en-danger-les-anciens-malades-du-cancer

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